Critique

[à la télé ce soir] Industry: Welcome to the machine

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Nicolas Bogaerts Journaliste

Aucune série n’avait encore abordé le monde de la finance du point de vue de ses relations de travail, de ses dynamiques interpersonnelles et de ses conflits infrapsychiques.

Au cinéma (Wall Street, Margin Call…) ou à la télévision (Billions, Bad Banks), les dérives de la dérégulation financière sont bien documentées. En revanche, aucune série n’avait encore abordé ce monde du point de vue de ses relations de travail, de ses dynamiques interpersonnelles et de ses conflits infrapsychiques. Industry se centre sur les premiers pas des nouvelles recrues de la prestigieuse banque Pierpoint & Co. Un lieu de trading et d’invention de produits financiers où stagnent de vieux relents de boys club malgré la présence de femmes à de hautes positions managériales. Harper Stern (Myha’la Herrold), issue d’un milieu populaire noir de New York, est la plus brillante d’entre eux., ses compétences attirent vite les éloges de ses supérieurs. Tant que ceux-ci ne découvrent pas qu’elle a trafiqué son CV, tout ira bien. Gus (David Jonsson) est noir lui aussi, et homosexuel. Une situation qu’il cache soigneusement derrière un thatchérisme éhonté et une ambition dévorante. Même si l’institution qui l’emploie soutient la diversité, il préfère mettre toutes les chances de son côté. D’autant que dès leur premier jour, tous ont compris qu’un processus d’élimination conduira irrémédiablement la moitié d’entre eux à la porte.

De grands enfants

Dans cette ambiance de téléréalité, Robert (Harry Lawtey) se sent comme un poisson dans l’eau: il baise et sniffe à tour de bras, coche toutes les cases du futur trader ambitieux de la City. Yasmin (Marisa Abela), fille de riches immigrés vivant à Notting Hill, est persuadée que son salut réside dans sa capacité à servir salades et cafés à emporter à l’ensemble de ses collègues. Dans le premier épisode réalisé par Lena Dunham (Girls), leurs interactions soulignent à merveille les enjeux et les dénouements à venir. Industry est un titre à tiroirs qui encapsule le propos multiple de cette série hypnotique: littéralement « industrie » en français, il signifie aussi « secteur ». Ainsi, plutôt que de se concentrer exclusivement sur l’éthique générale du capitalisme hors-sol, de l’invention de produits financiers toxiques et de la spéculation la plus moisie, Industry observe les dynamiques internes de cet écosystème, cette machine qui mâche et recrache ses masses laborieuses. C’est une fable acide sur le monde du travail, gavée de Red Bull, d’alcool, de mobbing, de sexisme ordinaire, de drogue et de sexe, qui scrute l’entrée dans la vie active des 20-25 ans… Et la manière dont ils tentent de trouver leur place dans le moule qui leur est assigné: ambition, serviabilité, mensonge et épuisement, tout y passe, dans une City intelligemment filmée comme une cage à poules où s’agitent de grands enfants.

Série créée par Mickey Down et Konrad Key. Avec Myha’la Herrold, David Jonsson. ****

Lundi 11/01, 20h30, Be 1.

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