Critique

[à la télé ce soir] En guerre(s) pour l’Algérie

© Guy Breemat / INA
Nicolas Bogaerts Journaliste

L’historienne Raphaëlle Branche a longuement questionné 66 témoins ayant vécu les longues années de la colonie et de la guerre d’Algérie, de part et d’autre de la Méditerranée.

L’historienne Raphaëlle Branche a longuement questionné 66 témoins ayant vécu les longues années de la colonie et de la guerre d’Algérie, de part et d’autre de la Méditerranée: anciens appelés du contingent, militaires de carrière français, civils algériens, militants indépendantistes du FLN ou du MNA, ardents défenseurs de l’Algérie française, adeptes du coup de poing de l’OAS, intellectuels, militants communistes, étudiants, simples villageois ou fonctionnaires. Leurs récits sont filmés par le réalisateur Rafael Lewandowski, reliés par le fil rouge d’une voix off discrète et illustrés par des images d’archives pour la plupart inédites. Les six épisodes offrent le panorama saisissant d’un des conflits coloniaux les plus violents et traumatiques du XXe siècle. Comme l’indique son titre, ses composantes sont complexes. On peut même parler de sac de noeuds tant les enjeux, les représentations, les discours et les silences ont brouillé les pistes. Un des grands mérites de ce documentaire est rendre cette réalité tangible et compréhensible.

Dès les premiers sursauts d’une volonté d’autonomie, l’escalade est devenue inévitable. À la violence de la répression répond celle, croissante, de la lutte pour la libération. La brutalité endémique de l’occupant, ses exactions méthodiques au nom d’une France « de Dunkerque à Tamanrasset » convaincue de sa supériorité et persuadée de pouvoir agir en toute impunité s’articulent dans l’horreur: exécutions sommaires et de masse, attaques aériennes de villages, pillages, relocalisations forcées, destructions de champs, de récoltes, torture, gégène. Dans le maquis, les appelés du contingent français font l’expérience de l’horreur et de l’absurde, tandis que les militants du Front de Libération Nationale ou du Mouvement National Algérien racontent le déploiement d’un mouvement devenu politique. Au gré des rebondissements d’une guerre de plus en plus fratricide qui souligne les forces d’opposition au sein même de la société française, le rôle des femmes est déterminant: militantes communistes, indépendantistes, pacifistes des deux camps, militantes pieds-noirs, femmes algériennes recrutées par le FLN pour servir de cadre et d’agent de liaison témoignent de leur engagement total.

Bien au-delà de l’indépendance de l’Algérie acquise en 1962, le silence qui a entouré cette guerre multiple a été assourdissant. La force occupante et ses motivations profondes ne sortent pas grandies de ce récit exhaustif, tandis que sa vision univoque du monde, dont les effets se font ressentir aujourd’hui encore, apparaît de manière éclatante.

Documentaire de Raphaëlle Branche et Rafael Lewandowski. ****

Mardi 01/03, 20h50, Arte.

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