Critique

[à la télé ce soir] Beartown: le prédateur et la proie

© 2020 HBO NORDIC AB / FILMLANCE INTERNATIONAL
Nicolas Bogaerts Journaliste

Adaptation par l’antenne scandinave de HBO d’un roman de l’auteur suédois Fredrik Backman, cette série dramatique intense est une réussite visuelle et narrative, qui porte le fer dans les flancs d’une masculinité galvanisée, droit au but.

Une course folle dans l’immensité neigeuse s’achève sur un lac gelé. Les deux personnes aux silhouettes floutées se font face, l’une d’elle pointe un fusil sur l’autre, à genoux. Fondu au noir. Détonation. Il ne faudra pas attendre plus loin que la fin du second épisode de Beartown, pour connaître l’identité du chasseur et de sa proie. Adaptation par l’antenne scandinave de HBO d’un roman de l’auteur suédois Fredrik Backman, cette série dramatique intense est une réussite visuelle et narrative, qui porte le fer dans les flancs d’une masculinité galvanisée, droit au but. Qu’il s’agisse de virilisme toxique, de culture du viol, de racisme endémique, elle prends son temps pour en décrire les ressorts complexes mais n’hésite jamais à pointer les protagonistes et les conséquences de leurs actes. Même les mieux cachés.

La série suit Peter, qui est revenu avec sa femme Mira et ses deux enfants dans sa ville natale de Bjornstad (« Beartown »), au nord de la Suède. Après une carrière pro de hockeyeur dans la prestigieuse NHL canadienne, il doit coacher et sauver l’équipe première locale. Mais ce retour aux sources a des airs d’échouage. Au détour de bribes de conversations, d’un prénom écrit sur une caisse de jouets, du spleen peu réprimé de Mira, on devine une crise plus profonde et indicible. Dehors, dans un paysage enneigé de collines et de pinèdes, la ville est dominée par l’usine et ses dégraissages, la désertification et les colères rentrées d’une population recroquevillée sur ses frustrations. Peter voit dans l’équipe junior la possibilité d’une renaissance pour lui et pour la ville. Pour remporter le championnat, il va galvaniser les joueurs. Surtout leur leader, Kevin, dont le père toxique vit mal le retour de Peter. Ce dernier ne pense qu’à faire des guerriers, intensifier leur animalité et leur sentiment de supériorité, d’invincibilité. Sa propre fille, Maya, en paiera le prix fort, violée par Kevin un soir de victoire.

Dans une réalisation somptueuse et sensible, qui construit ses silences et ses plans magistraux, Beartown est le récit puissant, aux frontières du drame sociologique et du thriller, des conséquences multiples de l’agression et de sa mise au jour. Si la série en reconnaît les causes, c’est à charge d’un système vicié. Celui qui fait de l’équipe masculine de hockey bien plus que le centre d’intérêt de la ville. Un centre de gravité qui en absorbe les tensions et les attentes démesurées, la violence rentrée, et les recrache sur les victimes collatérales devenues objets de prédation.

Série créée par Linn Gottfridsson, Anders Weidemann, Antonia Pyk. Avec Ulf Stenberg, Miriam Ingrid, Oliver Dufaker. ****

Vendredi 24/12, 20h30, Be Séries.

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