Critique

À la gloire du pochoir

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Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Discipline du street-art encore mal documentée, le pochoirisme méritait bien un ouvrage. Nourri et richement illustré, Stencilists Pochoiristes se découvre comme un modèle du genre.

Ancien chercheur au FNRS, Serge Louis a en toute logique le besoin de comprendre chevillé au corps. Qu’il écrive un ouvrage sur la musique électronique ou le rap bruxellois, c’est plus fort que lui, il démonte tout afin que rien ne lui échappe. Pareil pour l’art urbain. Un beau jour -ou était-ce une nuit?-, son regard est attiré par une oeuvre réalisée au pochoir, sous-catégorie du street-art. Muet, ce territoire graphique peu théorisé a tout pour lui plaire: il décide donc de remonter à la source, c’est-à-dire aux artistes qui se cachent derrière. De son propre aveu, l’affaire n’est pas simple, avec ses contours d’illégalité. Nombreux sont les pochoiristes qui le prennent pour « un flic déguisé ». Qu’à cela ne tienne, il s’entête, et pas seulement à Bruxelles. Il va voir aussi ce qui se fait à Paris ou à New York. Tant et si bien qu’il réunit une matière conséquente, soit une véritable somme sur le sujet croisant l’oeuvre de 17 artistes avec plus de 270 photographies illustrant cette pratique. Les murs ont la parole? Sans aucun doute. Louis tend le micro et se fait fort de livrer les mots, les idées de ces talents qui sont habitués à s’exprimer au travers des images. Impossible pour l’intéressé de ne pas publier, en autoédition s’il vous plaît, les confessions intimes de ces désobéissants qui choisissent  » de se confronter au monde, de livrer des hypothèses » là où il est beaucoup plus facile de penser seul dans son coin. Le tout livre les contours d’un champ d’expression à mi-chemin entre le graff -dont les codes sont souvent hermétiques- et le tag -un genre maudit généralement associé au vandalisme. Bref, une sorte de troisième voie urbaine qui, en plus d’avoir l’avantage de la lisibilité, a ceci de spécifique qu’elle abouche la décharge d’adrénaline, en prise directe sur la réalisation in situ, à un temps plus long, celui de la préparation en amont de la matrice. L’auteur commente ici quatre oeuvres tirées de l’ouvrage.

STEW
STEW « J’ai découvert le travail de Stew un jour où je me rendais à un concert bruxellois. L’oeuvre figurait sur un boîtier électrique. Je me suis arrêté net, frappé par son éclat. Impossible d’en rester là: il a fallu que je rencontre l’artiste. Il s’agit d’un pochoiriste parisien qui est obsédé par le monochrome blanc. Au début, il a bien tenté de multiplier les couches mais il a fini par se raviser, trouvant que l’utilisation de plusieurs couleurs tendait vers un résultat trop photographique. À l’image de l’oeuvre que j’ai choisie, Stew peint de nombreux oiseaux qu’il souhaite lumineux. Son travail se découvre comme un jeu de piste joyeux dans la ville. Ce que j’aime également chez lui, c’est qu’il ne reste pas replié sur une pratique. Comme il l’explique dans l’ouvrage, il aime explorer des aventures formelles avec des artisans ayant un savoir ancestral, ou même un savoir plus moderne, et qui l’utilisent pour travailler de nouveaux supports. »

STENCILists POCHOIRistes, de Serge Louis, Maedia Publishing, 444 pages.

À la gloire du pochoir
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SPENCER
SPENCER « Spencer est un pochoiriste belge qui a longtemps vécu à Bruxelles. Désormais, il est installé à Liège. C’est devenu un ami. Les trois images qui sont proposées ici sont inédites, elles ne sont pas reprises dans le livre. Je les ai photographiées alors que je l’accompagnais lors d’une « urbex », une exploration urbaine dans la friche d’une ancienne forteresse militaire liégeoise ayant servi d’hôpital après la Libération, le fort de la Chartreuse. L’idée, c’est de permettre de mieux comprendre son approche. Celle-ci repose sur une économie de moyens -quelques films en Plexiglas, de la peinture en bombe et un scalpel- inversement proportionnelle à l’efficacité de ses images, car réussir une représentation qui fonctionne de A à Z est un vrai défi. Cet artiste a à coeur de préserver l’effet pochoir, il ne cherche pas le rendu ultraréaliste. Cela dit, on ne s’est toujours pas mis d’accord pour savoir s’il s’agissait d’un hibou ou d’une chouette… »
SPENCER
SPENCER « Spencer est un pochoiriste belge qui a longtemps vécu à Bruxelles. Désormais, il est installé à Liège. C’est devenu un ami. Les trois images qui sont proposées ici sont inédites, elles ne sont pas reprises dans le livre. Je les ai photographiées alors que je l’accompagnais lors d’une « urbex », une exploration urbaine dans la friche d’une ancienne forteresse militaire liégeoise ayant servi d’hôpital après la Libération, le fort de la Chartreuse. L’idée, c’est de permettre de mieux comprendre son approche. Celle-ci repose sur une économie de moyens -quelques films en Plexiglas, de la peinture en bombe et un scalpel- inversement proportionnelle à l’efficacité de ses images, car réussir une représentation qui fonctionne de A à Z est un vrai défi. Cet artiste a à coeur de préserver l’effet pochoir, il ne cherche pas le rendu ultraréaliste. Cela dit, on ne s’est toujours pas mis d’accord pour savoir s’il s’agissait d’un hibou ou d’une chouette… »
SPENCER
SPENCER « Spencer est un pochoiriste belge qui a longtemps vécu à Bruxelles. Désormais, il est installé à Liège. C’est devenu un ami. Les trois images qui sont proposées ici sont inédites, elles ne sont pas reprises dans le livre. Je les ai photographiées alors que je l’accompagnais lors d’une « urbex », une exploration urbaine dans la friche d’une ancienne forteresse militaire liégeoise ayant servi d’hôpital après la Libération, le fort de la Chartreuse. L’idée, c’est de permettre de mieux comprendre son approche. Celle-ci repose sur une économie de moyens -quelques films en Plexiglas, de la peinture en bombe et un scalpel- inversement proportionnelle à l’efficacité de ses images, car réussir une représentation qui fonctionne de A à Z est un vrai défi. Cet artiste a à coeur de préserver l’effet pochoir, il ne cherche pas le rendu ultraréaliste. Cela dit, on ne s’est toujours pas mis d’accord pour savoir s’il s’agissait d’un hibou ou d’une chouette… »
LOGAN HICKS
LOGAN HICKS « Artiste né à Baltimore et installé à New York, Logan Hicks permet de mesurer l’amplitude du spectre de la pratique du pochoir. Il en incarne la facette la plus sophistiquée. Logan n’a jamais travaillé en rue, du moins de manière illégale -ce serait impossible. C’est un muraliste qui fonctionne sur commande. Le tout a tellement pris d’ampleur qu’il réalise ses pochoirs sur ordinateur, d’après photographie, et n’effectue plus les découpes à la main -la dernière qu’il a faite lui a pris trois semaines, ce qui l’a vacciné à jamais en agitant le spectre d’un syndrome du canal carpien. L’image que l’on découvre ici n’est qu’une toute petite partie d’une fresque de 10 mètres sur 6. La complexité est totale, il multiplie les couches de façon hallucinante. Ses travaux relèvent de la performance. Pour les réaliser, il doit installer des échafaudages. C’est un « maître » du genre, au sens où il a mis des années à maîtriser la technique qui est la sienne. »
DOCTEUR BERGMAN
DOCTEUR BERGMAN « Ce Parisien possède un parcours atypique: il est biologiste moléculaire. Son approche du pochoir est grave, c’est une veine sombre et pessimiste qui témoigne d’une vision désabusée du monde. Le travail est clairement chiadé. Ça transparaît dans les matrices compliquées. Idem pour la réalisation finale, où l’on constate l’utilisation de plusieurs couches afin d’obtenir un rendu nuancé aux contours expressionnistes et cinématographiques. D’ailleurs, une grande partie de son inspiration vient des nombreux films et vidéos qu’il regarde pendant qu’il découpe ses matrices. Docteur Bergman peint en rue ou sur des affiches de papier kraft qu’il appose ensuite sur les murs. Le rendu percutant -l’image vient vers le passant pour le troubler dans sa routine et dans sa manière de penser le monde- est là pour faire passer un message précis. Lui qui connaît le monde médical et la recherche prend parti contre le spécisme. À ses yeux, c’est la même chose que le sexisme ou le racisme. »

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