À la télé ce soir : Anne

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Nicolas Bogaerts Journaliste

Le 15 avril 1989, la tragédie de Hillsborough a coûté la vie à 97 supporters de Liverpool dans des circonstances absolument épouvantables: écrasés dans une bousculade sur les gradins du stade de Sheffield, en marge de la demi-finale de la FA Cup opposant le club du Mersey à Nottingham Forest. Connu sous le nom de “Hillsborough disaster”, l’événement est un trauma profond à Liverpool, une plaie nationale vivace bien que le reste du pays peine encore, souvent, à en saisir l’amplitude. En cause: les récits officiels et les mensonges des autorités qui ont tout fait pour empêcher que les véritables responsabilités soient établies, la police ayant été plus prompte à pointer le comportement des supporters plutôt que leur propre incompétence et une organisation hasardeuse, l’une et l’autre coupables.

La minisérie suit le combat d’une mère, Anne Williams. Son fils Kevin, 15 ans, est décédé dans la bousculade. La veille du jour fatal, le premier épisode le montre arborant fièrement le précieux sésame pour le match, et sa mère qui craint pour sa sécurité. Et puis le drame survient, détaillé dans toute son angoissante horreur. Les flashs info à la télévision, les premières inquiétudes, le téléphone qui ne sonne pas. Et le jour suivant, l’identification des corps. Filmée avec une sobriété étonnante, Anne est, dès le départ, une immersion éprouvante mais nécessaire. Anne Williams s’est extraite avec peine d’un deuil ressenti comme impossible. De recluse dans un monde de douleur et de volutes de fumées -elle fume clope sur clope-, Anne Williams est devenue une héroïne. Elle n’a eu de cesse de se battre pour rétablir la vérité. Durant 24 ans -jusqu’à sa mort en 2013-, elle a mis en péril autant sa santé que la version officielle portée par la police, contribuant à démontrer comment cette dernière a tout fait pour étouffer les voix contraires. Des événements du 15 avril, la série ne cache aucun aspect éprouvant, poussant parfois l’horreur et la tension jusqu’aux limites du soutenable. Mais la violence des autorités, symbolique, silencieuse et péremptoire, est elle aussi un registre horrifique que l’écriture de Kevin Sampson rend tout à fait palpable.

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Dans le rôle de la mère courage, Maxine Peake offre une prestation impressionnante: au cours des quatre épisodes, Anne, mère ordinaire de la classe ouvrière de Liverpool, s’extirpe d’un cauchemar vivant pour le transformer en lutte incessante pour la vérité et, surtout, pour la dignité, emportant l’adhésion de ses frères et sœurs de douleur et renversant le rapport de force. David contre Goliath, pot de terre contre pot de fer. Dans ces luttes apparemment inégales, c’est souvent la solidarité qui vient à bout de la loi du plus fort. Est ici filmé un tissu social et collectif qui se reconstitue -même difficilement, Anne en est un prodigieux exemple.

Minisérie créée par Kevin Sampson. Avec Maxine Peake, Stephen Walters, Campbell Wallace. À voir ce vendredi soir à 20h30 sur Be Séries.

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