A la télé ce soir: les portraits d’Harvey Keitel et de Narges Mohammadi

Harvey Keitel et Martin Scorsese sur le tournage de "Taxi Driver" © Siecle Productions
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Harvey Keitel, à l’ombre des ténèbres

Dimanche 23.00 Arte
Documentaire de Stéphane Benhamou.
4 étoiles

Harvey Keitel et Martin Scorsese sur le tournage de « Taxi Driver »

Issu d’une famille juive et pauvre de Brooklyn où il est né en 1939 (ses parents venaient d’Odessa), Harvey Keitel a été élevé par un grand-père strict (une figure éminente de la communauté juive orthodoxe) qui l’emmenait tous les jours à la synagogue, lui inculquant la religion et la pudeur. On lui a dit enfant que le corps ne se montrait pas. Alors, le sien, Harvey l’a déguisé. Lui qui préférait le cinéma aux salles de prière, qui était fasciné par le monde de Marlon Brando, Elia Kazan, James Dean et le récit de leurs conflits intérieurs. Entre exils et errements, sa vie a été tout sauf un long fleuve tranquille. Surnommé le blasphémateur parce qu’il crachait par bravade sur les mézouzahs de son quartier, Harvey Keitel a passé trois ans dans les Marines, exhibant son étoile de David dans les pays arabes, et a été le plus grand espoir du Nouvel Hollywood avant d’en être presque banni. Quand il s’est pensé oublié et perdu, l’acteur a tenté son pari le plus fou: y revenir et être enfin consacré.

Stéphane Benhamou 
(Le Fantastique Mr. Murray, Robert Mitchum: le mauvais garçon 
d’Hollywood…) retrace le parcours invraisemblable d’un comédien miné pas son sentiment d’illégitimité. Il raconte son improbable rencontre avec Lee Strasberg, gourou de l’Actors Studio. Sa tout aussi incroyable première collaboration avec le petit asthmatique et hyperactif Martin Scorsese qui lui fait tourner Who’s That Knockin at My Door dans l’appartement de ses parents. Il explique également son refus du rôle principal de Taxi Driver pourtant écrit pour lui, son éviction du tournage d’Apocalypse Now par Coppola, les ténèbres de l’alcool et de la drogue, Tavernier et Abel Ferrara, mais aussi son implication dans la production avec un parfait inconnu qui ne le restera pas longtemps (Quentin Tarantino) et la consécration pour son rôle dans La Leçon de piano.

La Torture blanche

Dimanche 22.55 France 5
Documentaire écrit et raconté par Narges Mohammadi.
3,5 étoiles

Le 6 mars dernier, Albin Michel publiait Torture blanche. Infatigable militante des droits humains et vice-présidente du Defenders of Human Rights Center en Iran, Narges Mohammadi y compile les témoignages de prisonnières politiques iraniennes. Prix Nobel de la paix 2023, Mohammadi croupit elle-même derrière les barreaux depuis novembre 2021 pour « atteinte à la sécurité nationale« . Sa condamnation à huit ans de prison et 80 coups de fouet (allongée en août 2023 à dix ans et neuf mois de prison et 154 coups de fouet) traduit une volonté délibérée des autorités de la faire taire. Pour son documentaire qui cible les pratiques de torture employées par le régime des Mollahs (les aveux forcés arrachés aux détenus sont filmés et leur valent de longues peines de prison voire la mort), Mohammadi s’est entretenue avec seize anciens prisonniers. Des hommes et des femmes dévastés par la torture blanche: quatre murs monochromes sans lumière naturelle et un isolement total.

Cet isolement traumatise l’âme, ce que personne ne peut voir. « Les quatre murs formaient comme un tombeau. Même si la lumière était allumée 24 heures sur 24. Entre ces murs oppressants, on avait parfois l’impression qu’on allait être complètement écrasés. » Ils racontent le vide absolu. « Tous nos organes fonctionnent mais on vit dans une tombe éternelle. On n’est pas enterré vivant. On n’en meurt pas. On reste là, vivant. Mais ce vide, c’est en réalité une expérience de mort. C’est une mort que l’on vit avec tout son corps. Qui vous gagne peu à peu. » Glaçant

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