Are You Series?: les séries télé se mettent aussi à la réalité virtuelle

Nicolas Bogaerts Journaliste

L’exploration de nouveaux paysages, visuels, narratifs et géographiques est au coeur de la programmation du festival Are You Series?, à Bozar, qui s’ouvre aux oeuvres en réalité virtuelle. État des lieux et perspectives.

Grande nouveauté de cette septième édition du festival Are You Series?, le Parcours Réalité Virtuelle – Brussels Virtual Week qui se tient du 11 au 16 décembre (entre 12 h et 21h), conçu en collaboration avec Stereopsia, le forum professionnel et international de l’immersion digitale, qui a lieu en parallèle au Square (juste en bas de la rue). Le but: mettre en avant les nouveaux modes de narration nés de la réalité virtuelle (VR) et des technologies de 3D immersive. « Nous organisons chaque année un jury européen, chargé de nominer des projets qui seront récompensés au terme du forum « , explique Alain Gallez, coordinateur de Stereopsia. « Nous avons opéré, en étroite collaboration avec Bozar, une sélection supplémentaire de quatre productions, Gloomy Eyes, -22.7°C, Le Cri et Mind Palace, qui seront montrées dans le cadre du festival Are You Series? »

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À technologies particulières, dispositif particulier: les productions proposées étant visionnées avec le casque VR ad hoc, seuls 150 heureux spectateurs (prenez soin de réserver) découvrirons les oeuvres. Visionner un film en réalité virtuelle nécessite donc un matériel conséquent, un hardware puissant, un casque de VR fatalement individuel. Ces deux facteurs peuvent être un frein considérable à la possibilité de diffusion publique à grande échelle. Se pose dès lors une question évidente. Cette technologie et la création qu’elle propose sont-elle vouées à rester au stade expérimental pur? À ne demeurer que dans un cadre muséal ou de happening? « À ce stade du développement, et malgré l’excellence des réalisations qui sont produites chaque année, c’est vrai que l’audience doit se restreindre à un espace muséal. Pour l’instant! », réagit Alain Gallez. « Car pour chaque étape de l’évolution technologique, y compris dans le cinéma, il y a eu des barrières ou des réticences. Petit à petit, nous sommes déjà passés d’un matériel prototypique à un matériel disponible, commercialisé, et qui va être progressivement à portée d’un plus grand nombre. Même si trouver un espace collectif demeure compliqué -en raison du hardware qui est encore assez lourd, des questions d’assurances-, une évolution vers une standardisation n’est absolument pas à exclure. »

Mind Palace
Mind Palace

Immersion

La qualité de navigation, d’immersion, et l’interactivité dans les oeuvres proposées est sidérante. À côté de l’émouvant Mind Palace de Carl Krause et Dominik Stockhausen, ainsi que de l’exploration des tourments qui ont nourri Le Cri, oeuvre emblématique de Munch, le court métrage interactif -22.7°C et la minisérie Gloomy Eyes ne laisseront personne indifférent. Le premier est signé Jan Kounen. Le réalisateur de Dobermann, 99 Francs et Blueberry avait déjà travaillé l’an dernier sur le projet Ayahuesca, une expérience numérique immersive qui permettait de vivre une véritable initiation chamanique dans les forêts d’Amazonie. Il est question de ces traversées ancestrales et légendaires ici aussi, au coeur de la banquise arctique, où nous sommes plongés dans une expérience mystique rythmée par les sons du producteur Molécule, dont le voyage boréal a inspiré le présent récit. Difficile de décrire ce qui est le plus troublant: la capacité du spectateur à moduler certains sons grâce au capteur posé dans la paume de ses mains, la chute vertigineuse au pied d’un iceberg, jusqu’aux entrailles de la Terre, ou la navigation psychédélique dans le trip astral et méditatif qui suit l’effondrement? L’immersion cosmique proposée par Kounen raconte, quoiqu’il arrive, quelque chose de notre fragile condition humaine.

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Poésie gothique

Entre Tim Burton et Jacques Prévert, Gloomy Eyes sera certainement la sensation du festival. Il s’agit là bel et bien d’une minisérie, qui suit un enfant mi-humain mi-zombie dans un univers de nuit perpétuelle -le soleil ayant disparu dans les entrailles de la Terre- dans lequel il cherche une place pour l’amour d’une petite fille. Raconté par l’acteur irlandais Colin Farrell, Gloomy Eyes, en plus d’être une belle petite fiction bourrée de poésie gothique, est aussi un tour de force visuel. Chaque scène étant comme autant de petites maquettes avec décor et personnage dont le spectateur peut s’approcher… en se penchant littéralement en avant. L’immersion est ici totale et le propos philosophique et politique sous-jacent d’une splendide acuité. Pas étonnant que cette série ait été récompensée aux Festivals de Sundance (Best VR Animation), d’Annecy (Cristal for Best VR Work) et à Anima (Best VR Short). Certainement un coup d’éclat et de maître dans la programmation de Are You Séries?

Festival Are You Series?, Du 11 au 15/12 à Bozar. Infos: www.bozar.be

Audace et immersion

Fleabag
Fleabag

En ouverture, le festival propose une entrée exclusive: la gourmande et sexy Foodie Love, signée Isabel Coixet (Elisa y Marcela). Dans cette série produite par HBO Europe, deux tourtereaux, rencontrés via une application, voyagent de Rome à Tokyo pour en découvrir les délices gastronomiques. En hors-d’oeuvre, la séance Cult Binge consacrée à l’intégrale de Fleabag (14/12) promet une ambiance de feu, au moins aussi ébouriffante que la deuxième saison de The New Pope, qui fait sa grande première à Are You Series? (14/12) avant sa diffusion officielle sur Netflix.

La seconde production HBO Europe du festival, l’excitant Hackerville, vient de Roumanie et d’Allemagne. Cette minisérie, coproduite avec TNT Allemagne, suit un expert allemand en cyber-criminalité enquêtant sur une attaque informatique en Roumanie. Un sujet brûlant d’actualité.

C’est surtout le régime scandinave qui s’avère copieux. On y pointe volontiers The Oil Fund, comédie noire et grinçante sur le monde du trading, et Wisting (Norvège), qui plonge dans les méandres d’une enquête internationale, à la poursuite d’un serial killer américain.

La 7e édition du festival privilégie la transversalité, l’audace et l’immersion. Rencontre avec Laure Hendrickx, coordinatrice de l’événement.

The New Pope
The New Pope

Are You Series? se démarque des grands raouts qui moissonnent les exclusivités tous azimuts. On peut parler de ligne éditoriale, de curation?

Oui, c’est un travail qui se fait tout au long de l’année. On regarde forcément beaucoup de séries, on va dans la plupart des festivals, pour voir ce qui se dégage d’intéressant, d’innovant, capter ce qui est dans l’air et définir ce qu’on peut creuser. Cela donne une programmation qui met en avant d’autres géographies (Luxembourg, Roumanie, cette année), qui est politique ou sensible aux thèmes des minorités, de la communauté LGBTQI+. On ne trouvera pas nécessairement ici les séries qui ont le plus cartonné… Plutôt une programmation originale, fruit d’une réflexion et de choix en interne, où nos séries préférées trouvent leur place. Notre coeur de cible c’est plutôt les fans de Fleabag.

Cette année, c’était le bon moment pour accorder à Phoebe Waller-Bridge, sa créatrice, une place dans la programmation, avec ce Cult Binge consacré aux deux saisons de Fleabag?

Cette nana est une véritable chef d’orchestre, elle est dans 100 projets à la fois, elle bosse sur le montage, le rythme de ses séries comme peu de réalisateurs. Pour nous, Fleabag est une masterpiece. Notre public est très féminin et réactif, on s’attend à avoir le même effet que l’an dernier, avec la projection de Big Little Lies -complètement sold out et avec 80% de femmes dans la salle. Ce sont deux séries qui ont eu un impact immense sur la déconstruction des clichés.

Votre programmation est marquée par la transversalité, avec la participation de Stereopsia à l’élaboration d’une programmation immersive, centrée sur des productions de réalité virtuelle (VR).

Cette transversalité nous permet de mettre le futur des nouvelles narrations, avec la VR. Nous avons choisi, en collaboration avec le jury européen de Stereopsia des productions qui donnent un vrai coup de pied dans la fourmilière. Des contenus audiovisuels qui questionnent la manière de raconter des histoires. On ne peut plus ignorer le fait que les séries ont fait évoluer les storytellings. Aujourd’hui, après l’impact des web séries, arrivent ces contenus immersifs en VR, mélange de codes familiers et d’expériences sensorielles nouvelles. Avec Le Cri ou -22.7°C, on sort un peu des séries à proprement parler, mais les synergies entre ces deux mondes vont donner des résultats fascinants, dont on espère donner un avant-goût.

Shadow Lines
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