Critique scènes: Pina, les hommes, les femmes

© DR - Tanztheater Wuppertal
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Exceptionnellement de passage en Belgique, le Tanztheater Wuppertal présente au PBA de Charleroi Kontakthof, pièce phare du répertoire de Pina Bausch sur les rapports, tendres, sensuels, cruels, entre hommes et femmes.

La pièce date de 1978 mais, baignant déjà à sa création dans une ambiance rétro, elle n’a pas pris une ride. On pourrait même dire que, à l’ère post-#MeToo, elle a gagné en pertinence. Dans Kontakthof, titre faisant référence au lieu où se rencontrent prostituées et clients, Pina Bausch dresse un échantillon varié des rapports compliqués entre hommes et femme, où alternent peur et attirance, rires et agressions, complicité et désespérance.

Dans une salle de bal qui est aussi une salle de cinéma (cette séquence sortie de nulle part où pataugent des canetons), les danseurs, d’âges et d’origines diverses, se présentent à nous, exhibant leur corps sous toute ses coutures, comme une marchandise, avant de se lancer dans des courses-poursuites sur chaises, des duels sadiques, des parades nuptiales, un défilé carnavalesque et une de ces rondes « à la Pina », caractéristiques de la grande dame de Wuppertal disparue en 2009. Le tout sur des airs de tango datés -danse langoureuse s’il en est-, comme crachotés par un vieux tourne-disque.

Critique scènes: Pina, les hommes, les femmes
© DR – Tanztheater Wuppertal

De la souris brandie pour effrayer par le vétéran Andrey Berezin aux diagonales douloureuses en escarpins effilés, de l’acharnement sur la fragile fille en rose Ekaterina Shushakova aux femmes évanouies cachées tant bien que mal, des inégalités dans les tenues de soirée (moulantes et échancrées pour les femmes, couvrantes et neutres pour les hommes) aux coups imposés par les mots (« hand, cheek, back, stomach… »), Pina Bausch amène sur le plateau la violence des relations entre le sexe dit faible et le sexe dit fort.

Plus de 40 ans après sa première, après avoir connu une version senior et une version junior et alors que le Tanztheater Wuppertal s’apprête à vivre une révolution copernicienne menée par Boris Charmatz, Kontakthof continue de faire vibrer la vision fine et sensible de la chorégraphe allemande à travers une équipe réjouissante qui mêle la sagacité des anciens et la fougue des nouveaux.

Kontakthof : Jusqu’au 12 mars au Palais des Beaux-Arts de Charleroi.

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