1500 clés USB dans la rue, ou quand le partage se déconnecte de l’Internet

Une clé USB dans un mur à New York. © Aram Bartholl
Kevin Dochain
Kevin Dochain Journaliste focusvif.be

Près de 10.000 Gigabytes de données, réparties sur 1500 clés USB cimentées dans des murs à travers le monde: le projet de l’artiste berlinois Aram Bartholl a cinq ans et permet de récolter photos, vidéos ou… plans de bombes sans passer par le Web.

Au risque de passer pour un vieux con de trentenaire, il n’y a pas si longtemps que cela, échanger des fichiers par Internet n’était pas exactement un jeu d’enfant, la faute principalement à la faible bande passante d’antan. On se souvient de nos premiers émois adolescents lorsque, étant parmi les premiers à avoir acquis un graveur de CD « maison », on échangeait les copies de nos trouvailles par la poste avec des correspondants mélomanes geeks croisés sur les forums du Web 1.0. L’air de rien, on tenait là une version « bêta » du peer-to-peer, avant l’arrivée de Napster et consorts.

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Les Dead Drops, institués par l’artiste berlinois Aram Bartholl il y a déjà cinq ans lors d’une résidence à l’Eyebeam de New-York, ne sont qu’une autre déclinaison de cet échange de fichiers sans passer par la Toile. Le principe, illustré dans la vidéo ci-dessous, est simple: cimenter des clés USB dans les trous de murs et laisser le quidam s’y servir ou y déposer des fichiers de son choix.

Le projet s’inspire directement de techniques d’espionnage particulièrement répandues durant la Guerre froide: les « dead drops », ou « boîtes aux lettres mortes », se présentaient alors sous forme de cylindres étanches à planter dans le sol, permettant aux espions de s’échanger des documents sans se rencontrer. Aram Bartholl a juste remis le principe au goût du jour numérique: l’échange offline de fichiers garantit l’anonymat.

Dead Drops
Dead Drops© Aram Bartholl

Cinq ans après sa création, les clés USB continuent à se multiplier à travers le monde: à l’heure d’écrire ces lignes, pas moins de 1462 Dead Drops sont recensés dans la base de donnée, pour un total cumulé de près de 10.000 gigabytes. Le contenu des dites clés USB étant laissé à la totale liberté de qui veut y brancher son portable, on peut y trouver de tout et de rien: photos, vidéos, textes divers et variés et bien sûr… des virus. « Ça fait partie du concept et du jeu… Soyez-en conscient! Sécurisez votre système! Bootez une machine virtuelle! Ou demandez à un ami de se brancher en premier », peut-on lire dans la FAQ du site du projet.

Problème: le contenu litigieux ne se limite pas à quelques pornos par-ci, quelques virus par-là: en février dernier, un journaliste allemand a découvert les plans d’une bombe dans un Dead Drop de Cologne, comme l’explique le Guardian. Mais aussi, en vrac, les recettes pour produire sa propre méthamphétamine (syndrôme Breaking Bad!) ainsi que divers poisons. Si le dépôt de ces fichiers peut être envisagé plus comme un acte politique que comme une réelle menace (s’ils sont disponibles là, il faut être naïf pour croire qu’ils ne le sont pas sur la Toile), il aura néanmoins suffi à inquiéter la police allemande.

Pour le reste, s’il vous prend le goût de jouer les espions numériques, sachez qu’une carte répertorie précisément tous les Dead Drops du monde et qu’on en trouve notamment à Bruxelles, Charleroi, Gand ou Leuven. De quoi offrir un bol d’air à son laptop…

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