Voyou prend le grand air sur son deuxième album

Thibaud Vanhooland, Voyou au grand cœur. © Emma birsky
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Sur son deuxième album, Les Royaumes minuscules, Voyou se met au vert. Et donne un grand coup de frais à la chanson française, avec une musique solaire faussement naïve.

Pour le lancement de son nouvel album, Les Royaumes minuscules, paru en début de l’année, Thibaud Vanhooland a eu une idée. Il a imaginé une… comédie musicale. Rien que ça! En mode Voyou, évidemment. Diffusé en direct sur Radio Nova, le spectacle était loin de la superproduction bling-bling. “On était plutôt sur un show de type kermesse d’école primaire”, se marre l’intéressé. De fait, la carte blanche, toujours visible sur YouTube, balance entre happening poétique et spectacle scolaire de fin d’année, mise en scène potache et décor (et costumes) en carton. “On s’amuse avec ce que l’on a sous la main (rires). On se démerde. On avait aussi très peu de temps pour faire les choses. À partir de là, l’imperfection devient indispensable à la création. C’est ce qui va rendre les choses différentes et uniques.

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Avec son regard malicieux et sa fine moustache de mousquetaire, Voyou occupe une place à part sur la scène française. Il y a quatre ans, il sortait Les Bruits de la ville, premier album gorgé de chansons enjouées. Depuis, on l’a vu frayer aussi bien avec Albin de la Simone que Yelle, Fishbach ou encore le producteur électro Yuksek. Même les rockeurs garage américains de Black Lips ont flashé sur son enthousiasme communicatif.Improbable, n’est-ce pas! Ils m’ont même proposé de les accompagner en première partie de leur tournée en Europe.” La musique de celui qui a grandi dans la banlieue de Lille, formé comme bassiste et trompettiste, n’a pourtant pas grand-chose à voir avec les éruptions punk des Ramones ou des Cramps. Mais davantage avec les fantaisies tendres d’un Henri Salvador ou les vagues à l’âme d’Alain Souchon. “C’est vrai qu’on ne pratique pas le même genre de musique. Mais on se reconnaît dans la manière de faire. D’en avoir par exemple un peu rien à foutre de sortir les morceaux qu’on est censé sortir pour gagner de l’argent. On est dans cette position où l’on essaie de faire avancer les choses de notre côté, sans ressentir le besoin de rejoindre la marée, de suivre le courant. En ce sens, c’est toujours une victoire énorme de voir l’un des nôtres passer à la télé ou être joué à la radio…

De fait, les chansons de Voyou ont beau être accessibles et populaires, elles ne collent pas forcément à “l’air du temps”. À 34 ans, le musicien- auteur-compositeur-producteur en est probablement le premier conscient. Il avoue par exemple toujours découvrir des musiques chez les disquaires, “le pire endroit pour savoir ce qui fonctionne aujourd’hui (rires). Je n’achète quasi que des rééditions ou des choses ultra-bizarres qui se font un peu partout dans le monde. J’ai mon petit réseau, et quand j’arrive, ils me mettent une vingtaine de vinyles dans les mains. J’écoute tout et je repars souvent avec des choses, sans me poser la question de la gueule des gens qui font la musique.

Retour à la terre

Plus loin, il ajoute encore, d’un ton cette fois plus mélancolique: “Je fantasme aussi vachement des périodes de l’Histoire, où les gens qui avaient de l’influence n’étaient pas ceux qui se filment en permanence pour vendre des choses sur Internet. À l’époque, c’était les surréalistes, Aragon, éluard. Plutôt que Cynthia des Anges de la téléréalité 4 (rires). On a tendance à oublier que c’est important d’insuffler aussi des choses positives…” Réac’, Voyou? Ou bien lucide sur la nécessité de ramener en effet un peu de sens et d’air frais à une société névrosée, rongée par l’égotisme généralisé?

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Après Les Bruits de la ville, Voyou a en tout cas décidé de partir prendre un peu l’air à la campagne. Cela donne Les Royaumes minuscules. Où il chante les oiseaux et les ruisseaux, les rosiers et l’ombre des figuiers. “Je suis arrivé à Paris il y a cinq ans. Ce qui était très excitant au début. Mais au bout d’un moment, j’ai eu envie de sortir de ce truc très étouffant qu’est la ville, et de retrouver des grands espaces, revenir à des choses simples.” Ce qu’il a eu l’occasion de faire lors du premier confinement, en se retrouvant dans une “maison dans les Landes, face à la mer”, “à pouvoir observer la nature se déployer au quotidien. Ou plus tard encore, quand il se fait une entorse, et se retrouve à marcher avec une attelle. “Je me déplaçais hyper lentement! À un moment, j’y ai pris goût. J’avais l’impression d’avoir le temps de regarder tout ce qui se passait autour de moi” (rires).

Le monde est si joli au ralenti”, explique-t-il ainsi sur le morceau titre. Sur des mélodies qui ont l’évidence et la chaleur de certaines musiques tropicales (il a enregistré une partie des percussions à São Paulo), Voyou se balade en promeneur dilettante. Étant entendu que sous ses airs néo-baba se cachent mille et un tourments. De la dépression (le bouleversant L’Hiver) à l’angoisse de louper le coche (le syndrome FOMO sur La Nuit le jour), en passant par la tragédie amoureuse sur Les Insectes. Quitte, dans le morceau en question, à se dépeindre en “gros crado”, déprimé au point de laisser son appartement sombrer dans le bordel et la crasse, envahi par les bestioles -“ça grouille, ça rampe, mais je crois que je m’en moque. Au passage, la chanson est aussi l’occasion de tailler un costard au cliché du chanteur glamour. “Tout à fait! On met parfois l’artiste sur un tel piédestal qu’il faut le rabaisser plus bas que terre pour qu’il arrive ne serait-ce qu’au niveau des gens. C’est nécessaire. Sinon, comment raconter les autres quand tu deviens à ce point-làdifférent d’eux? C’est impossible.

Voyou chante donc les fleurs et les fourmis, mais aussi, entre les lignes, la bienveillance et la solidarité, l’ouverture aux autres et l’importance du collectif. Et ce, toujours avec le sourire. “C’est l’idée. Je ne suis pas naïf, je vois bien que c’est la merde un peu partout. Mais comment demander aux gens d’avancer quand chaque fois qu’on évoque par exemple l’environnement, on en parle avec la mine grave, en faisant défiler des images de forêts qui brûlent, de glaciers qui s’effondrent, etc. ça peut vite devenir tétanisant. Donc j’ai l’impression qu’il faut aussi tenter de mettre un peu de joie dans ce combat-là. Sinon, tu peux vite te retrouver enfermé chez toi, à acheter des trucs sur Amazon (rires).

Voyou, Les Royaumes minuscules ***(*), distribué par Entreprise.

En concert le 24/11 au Botanique.

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