Critique | Musique

The Internet – Purple Naked Ladies

HIP HOP | Odd Future n’est pas constitué que de morveux adeptes de la trash attitude. Exemple avec The Internet, troublante branche neo-soul du collectif.

THE INTERNET, PURPLE NAKED LADIES, DISTRIBUÉ PAR SONY. ***

Écouter l’album sur Spotify.

Année sans grand relief, 2011 a au moins eu la bonne idée de révéler Odd Future. Débarqué de nulle part, le collectif à géométrie variable est venu agiter le petit monde du hip hop. Une bande de joyeux pieds nickelés, avec des manières de skaters et des outrances « tarantinesques ». De vrais sales gosses… Avec sa voix de verre pilé (et son mini-hit Yonkers), Tyler The Creator est celui qui a le plus facilement monopolisé l’attention. C’est ainsi qu’on a pu le voir débouler avec ses potes d’OFWGKTA sur la scène de Werchter. Au milieu des jeunes excités, on avait alors remarqué la présence d’une fille, la seule, débardeur lâche et majeur régulièrement pointé en l’air, braquée sur son rôle de DJ faisant mine de gérer les platines. C’est elle qui sort aujourd’hui son 1er album. Sous le nom de The Internet, on retrouve la dénommée Syd Tha Kid, chanteuse, DJ et productrice au sein du crew de L.A., associée au producteur Matt Martians. Les 2 sont « officiellement » liés à OFWGKTA. Mais ils en donnent sensiblement une autre version. Ou en tout cas nuancent la donne hip hop radicale qui caractérise habituellement Odd Future (le dédouanant au passage des accusations homophobes et mysogynes, en comptant dans ses rangs, en la personne de Syd Tha Kid, une chanteuse ouvertement gay).

Dilettantisme

A bien des égards, The Internet représente l’une des facettes les plus accessibles de la galaxie Odd Future. Comme Frank Ocean, autre figure emblématique du collectif, The Internet délaisse la matrice rap stricto sensu. Non pas pour s’aventurer dans un r’n’b mutant, comme s’y emploie Ocean. Le terrain de jeu de The Internet se situe plutôt du côté de la (neo-)soul. C’est la première surprise: avec ses langueurs et ses rondeurs suaves, The Internet sonne presque comme une version nocturne de la musique d’Erykah Badu. Y compris quand il en emprunte ses atours les plus jazzy. Un morceau comme Lincoln démarre en croisant un piano électrique à la Stevie Wonder avec une jam à la Funkadelic, tandis que She Dgaf passe presque pour du Outkast de salon (la branche Andre 3000). Sur Cocaine, c’est la voix caverneuse du camarade Left Brain, autre membre de la famille OFWGKTA, qui vient encore un peu plus appuyer le propos ouvertement sexuel. Mais c’est encore la manière dont Syd Tha Kid se pose tout au long de l’album qui retient le plus l’attention. Sensuelle, elle oublie de minauder pour suggérer des sentiments plus ambigus. Loin des poses crâneuses de ses potes, elle apparaît comateuse, presque désarmée, et du même coup d’autant plus troublante. Certes, Purple Naked Ladies a bien un problème: il manque par moments de consistance et oublie souvent d’aller au bout de ses idées. A bien des égards, il sonne davantage comme une mixtape qu’un véritable album. Mais, d’une part, la démarche est cohérente avec celle du collectif, habitué à dégainer dès qu’il peut ses dernières créations gratuitement sur le Net. Plus encore, le dilettantisme de Purple Naked Ladies correspond bien à l’esprit de sa musique: vaporeuse et trouble comme une nuit trop moite.

Laurent Hoebrechts

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