Stijn Verdonckt (Daft Studios): « ici, on est dans l’idée de voyage »

Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Au coeur de l’Ardenne bleue, les Daft Studios et leur boss Stijn Verdonckt renouvellent l’offre d’enregistrement à la belge. Et mettent sur pied, en collaboration avec Focus, le premier festival Super Sauvage.

Planqué dans la nature, ce complexe studio/hôtel ouvert en 2017 bénéficie d’une situation exceptionnelle, propice à une vie intégrée. « Je crois que la reconnaissance de notre travail tient à la fois aux qualités du studio bien sûr, à l’environnement campagnard et au fait que les musiciens et leurs éventuels accompagnateurs peuvent également loger sur place. Il n’y a donc personne qui rentre chez lui le soir, ce qui change la façon de travailler, la concentration, et amène aussi des idées de chansons. Ici, on est dans l’idée de voyage. » Stijn Verdonckt ne cache pas sa satisfaction quant à son bébé. Soit trois corps de bâtiment -en partie construits en bois élégant- entourés de nature et même de quelques tentes/tipis qui logent aussi les visiteurs qui n’optent pas pour l’hôtel doté d’un sauna et d’une piscine intérieure. » La convivialité du lieu est d’autant plus particulière que l’hôtel n’accueille pas seulement les gens en enregistrement, mais aussi, selon les disponibilités, des touristes. Et tout le monde peut se croiser au petit-déjeuner. »

Stijn Verdonckt, patron de Daft Studios.
Stijn Verdonckt, patron de Daft Studios.

L’histoire du Daft commence du côté de Courtrai en 1980, année de naissance du futur ingénieur agronome Stijn Verdonckt. « C’est ma formation, précise-t-il, mais j’ai toujours mis ma passion dans la musique. D’abord comme assistant et puis comme ingé son. J’ai été engagé au Studio La Chapelle, à Waimes, pas très loin d’ici, dans les Hautes Fagnes. Un lieu avec une belle réputation: fondé en 1979, il a reçu des artistes comme Marvin Gaye, Boney M, LaToya Jackson, Einstürzende Neubauten, BAP. Lorsque le propriétaire Pierre Piron a décidé d’arrêter, il m’a revendu le studio, en 2008. »

Pendant sept ans, Stijn gère donc un endroit « encore très analogique« , mais se trouve limité par la situation du bâtiment, déjà un rien fatigué, au coeur d’un village, sans véritable possibilité d’expansion. D’où l’idée de filer à quelques kilomètres de là, dans les environs sauvages de Malmedy. Dès l’automne 2015, l’ambitieuse construction débute, dotée d’un budget conséquent de 2,5 millions d’euros. La première session Daft est accueillie en janvier 2017, dans un environnement voulu zen: « On propose aux gens une expérience complète. Aujourd’hui, enregistrer un disque, c’est comme raconter une nouvelle histoire. On est un peu dans l’héritage de lieux comme le château d’Hérouville, pas très loin de Paris, ou La Fabrique, en Provence. Non seulement, on reçoit des artistes qui viennent boucler des chansons en studio mais aussi, nombre de writers camps. » Soit des rassemblements, généralement mis sur pied par un label, entre une vingtaine ou une trentaine de compositeurs, producteurs, interprètes qui travaillent en équipe et en pré- production. À ce moment-là, l’hôtel se transforme en labo musical, supporté par une dizaine de mini-studios mobiles.

Stijn Verdonckt (Daft Studios):

Mellotron vintage

Hormis son emplacement exceptionnel et une architecture qui apaise le regard, le Daft tire naturellement sa réputation de la qualité supérieure de ses équipements. Si l’opération finale du processus d’enregistrement se fait en Pro Tools – le programme digital classique -, les prises peuvent se réaliser en analogique, et ses bonnes vieilles bandes sensibles. Avec ce qui constitue la Rolls des tables, une console Neve 5088: invention de l’ingénieur anglais Rupert Neve (1926-2021), qui a notamment mis au point des machines historiquement utilisées par Pink Floyd, Dire Straits ou Foo Fighters. « L’équipe de Neve est venue à plusieurs reprises ici, pour des mesures du bâtiment et du studio, et des réunions sur nos options musicales. Ça nous a pris environ un an et demi pour avoir notre table finalisée, construite à la main, correspondant précisément à nos demandes. » C’est peu dire que Stijn -malgré une addition finale de 250 000 dollars- est ravi de son précieux 24 pistes. Auquel s’ajoute une large variété d’amplis et d’instruments, disponibles sur place grâce à la coopération de la firme Kick d’Aarschot, spécialisée en back-line. Par exemple ce rarissime Mellotron M 300 vintage, dont il n’existerait plus qu’une trentaine d’exemplaires fonctionnels dans le monde. D’où des artistes et opérations extrêmement éclectiques, depuis X Factor Italia au concours de nouveaux talents de Studio Brussel, sans oublier les sessions de musique de films ou les Flamands indés de Sore Losers. Une clientèle au final à 70% internationale. « On est moins en concurrence avec l’ICP ou le Dada de Bruxelles qu’avec Real World, Abbey Road ou La Fabrique en France. » Une expérience marquante? Les 76 musiciens rassemblés dans la grande salle du Daft pour enregistrer la BO d’un film maudit d’Orson Welles, The Other Side of the Wind. Musique dirigée par Michel Legrand, qui, à 90 piges, hospitalisé avec pneumonie à la veille de venir, mènera la session depuis Paris via le Net. « Une expérience très enrichissante comme celle avec Lous and the Yakuza, une session et une personne exceptionnelles. »

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