Critique | Musique

Spiritualized – Sweet Heart Sweet Light

ROCK | Extatique comme rarement, Spiritualized sort une nouvelle collection de morceaux géniaux, entre fulgurances psychédéliques et emballement gospel.

SPIRITUALIZED, SWEET HEART SWEET LIGHT, DISTRIBUÉ PAR DOMINO. ****

Le 4 mai dernier, Adam Yauch lâchait prise, emporté par le crabe. Un cancer des glandes salivaires qui a fini par le terrasser alors qu’il n’avait que 47 ans. Cela peut paraître bizarre: débuter une chronique du dernier album de Spiritualized en rappelant la mort de l’un des trois Beastie Boys. Pourtant, alors qu’on réécoute une nouvelle fois Sweet Heart Sweet Light pour écrire ces lignes, on ne peut s’empêcher de penser à la disparition de celui qui se faisait appeler MCA. Pendant 25 ans, les Beastie Boys ont pu faire croire qu’il y avait moyen de ne pas grandir. Ou en tout cas qu’il était possible de cultiver art de la déconne et engagement plus adulte. Bref, de ne pas dire tout à fait adieu à ses rêves, pouvoir imaginer qu’un morceau entendu à la radio pourra toujours vous sauver la vie, ou en tout cas la journée. Seulement voilà, la vie, la vraie, vous rattrape toujours…

On se trompe peut-être. Mais Sweet Heart Sweet Light ne semble pas parler d’autre chose. Le précédent album de Spiritualized, Songs in A&E, sorti en 2008, avait été conçu dans le chaos. A l’époque, Jason Pierce, encore et toujours le principal cerveau du projet (né quelques mois à peine avant Yauch…), avait frôlé la mort, acculé par une double pneumonie. Cette fois-ci, c’est une maladie des reins qui l’a diminué. Au point de devoir passer par une chimiothérapie qui l’a laissé groggy. Sur la pochette de Sweet Heart Sweet Light, un grand Huh?, expression hébétée, qui résume apparemment assez bien l’état dans lequel il a passé ces mois de convalescence. Pour autant, l’essentiel du disque était déjà composé à ce moment-là. Il l’a en fait été lors de la tournée qui a vu Spiritualized reproduire sur scène son magnum opus, Ladies and Gentlemen We Are Floating in Space, élu meilleur album de 1997 par le NME, devant OK Computer de Radiohead. Comment repartir de l’avant quand on replonge dans ce qu’on a probablement fait de meilleur ou de plus marquant? Surtout, qu’est-ce qui a été gagné entre-temps et qu’a-t-il fallu laisser sur le bas-côté?

Célébration

Voilà comment on imagine ce Sweet Heart Sweet Light. Une sorte de bilan, de regard en arrière sur les illusions perdues. Aucune nostalgie ici. Quelque part, un tel album, aussi engagé qu’engageant, renouvelle même sa confiance dans le pouvoir de la musique, malgré les défaites. So Long You Pretty Thing a beau sonner comme un adieu au rock, il en est surtout la célébration. Jason Pierce continue d’ailleurs à tracer ses obsessions, quelque part entre un psychédélisme drogué et une mélancolie euphorisante à la Beach Boys. En cela, Sweet Heart Sweet Light ne renouvelle pas l’univers de Spiritualized. Il lui injecte juste une nouvelle série de morceaux brillants. Hey Jane, par exemple, envoie directement le disque sur les hauteurs, morceau de près de neuf minutes, qui trace sa route crâneur, dérapant en milieu de parcours, avant de repartir, cabossé certes, mais extatique. Plus loin, Headin’ For The Top ronge un autre os, embarqué par un piano velvetien et bourré aux distos. La fin du disque (la trilogie Mary, Life Is A Problem, So Long You Pretty Thing) semble plus rangée, mais c’est aussi le moment où Pierce baisse entièrement la garde. Non sans humour. Et avec un sens du grandiose qui ne peut qu’épater. Alors oui, it’s only rock’n’roll mais…

Laurent Hoebrechts

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