Roméo Elvis, dans l’œil de la Straussphère

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Six mois après Tout peut arriver, Roméo Elvis est déjà de retour avec un nouvel album… photo, cette fois ! Son titre : Straussphère ou l’ascension fulgurante du rappeur, vue par ses potes photographes, Martin Gallone et Nicolas Catalano.  

Si vous avez un peu suivi les aventures de Roméo Elvis, vous n’avez pas pu les louper. Là où s’agite le rappeur, Nicolas Catalano et Martin Gallone ne sont jamais très loin. Avec, autour du cou, leur appareil photo, pour documenter le parcours de leur pote. Présents depuis les débuts – ils se connaissent depuis l’école de photo, le Septante-Cinq, à Bruxelles- -, Nico et Martin n’ont pas loupé une miette du parcours de Roméo. Ce qui donne aujourd’hui Straussphère. Soit le surnom donné par le rappeur à ses photographes. Et le titre d’un beau-livre revenant sur une trajectoire et des années qui auront marqué le paysage musical belge. Straussphère ne documente d’ailleurs pas seulement la montée en puissance de Roméo, mais aussi l’explosion d’une scène rap belge qui n’avait jamais connu telle médiatisation.

Le livre démarre donc en 2016 avec la sortie de Morale pour s’arrêter avec celle de TPA au printemps dernier. Un nouvel album qui n’aura pas connu le même accueil que le précédent Chocolat, et que Roméo n’aura d’ailleurs défendu sur scène qu’en festival (aucun concert belge en salle, hormis le tour de chauffe au Bota). Fin novembre, le Bruxellois mettait ainsi déjà un point final à la tournée TPA avec une date emblématique à Bercy. Le 13 décembre, jour de son 30e anniversaire, il publiait également le clip-souvenir de 13/12. Et annonçait sur Instagram : « Je reviens ici quand j’ai quelque chose à vous proposer merci! ».  En attendant, voici donc Straussphère, livre  – avant un docu ? – qui jette un regard dans le rétro, tout en marquant la fin d’un chapitre.

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Quelle idée aviez-vous en tête quand vous avez commencé à photographier Roméo?

Nicolas Catalano : Au départ, il nous appelle pour la release party de Morale, à Recylart. On est en mars 2016. Il nous demande juste de capturer le moment. Mais on a rapidement compris qu’il se passait un truc. Il y avait une énergie très… bruxelloise. Quelque chose en tout cas à documenter. Du coup, on a continué. Et tout s’est très vite enchaîné.

Vous aviez déjà fait de la photo de live ?

Martin Gallone : Non, pas vraiment. Ce n’est pas trop notre formation. A vrai dire, c’est même l’inverse de ce qu’on a étudié à l’école. C’est aussi un peu pour ça qu’au final, il y a assez peu de photos de scène dans le livre. On montre surtout les backstage, les à-côtés, les coulisses, les gens qu’on a rencontrés.

Roméo Elvis : Il y avait aussi un peu un fantasme d’adolescent. Nico et moi, on était fan du docu Across The Universe de Justice, du style un peu trash. Donc on s’est lancé, avec l’infime espoir qu’un jour ça marche vraiment, qu’on se retrouve un jour à voyager comme eux, etc. Et puis, autre détail qui a son importance : Nico et Martin avaient tous les deux le permis ! Du coup, cela faisait d’une pierre deux coups. Ils venaient en caisse, on allait ensemble au concert et ils en profitaient pour shooter.

Pourquoi fonctionner en duo ?

MG : Le manager nous a souvent posé la question : pourquoi vous êtes deux, ça coûte deux fois plus cher ! (rires)

NC : Martin et moi, on était déjà potes. Mais c’est vrai que c’est un peu Roméo qui nous a rassemblés. On a deux caractères différents. Martin est plus cash, plus rentre-dedans, là où moi je suis plus timide et introverti, je me mets plus en retrait. J’observe de loin, Martin est davantage dans le mouvement.

MG : Au fil du temps, on est devenu aussi tellement complice que l’on n’a presque plus besoin de parler pour se comprendre. On peut se retrouver aux deux bouts opposés d’une immense scène, devant une salle bondée, et une sono qui va à fond, et comprendre en un regard ce que va faire l’autre.

NC : Et puis, au fur et à mesure, on connaît tellement Roméo. On sait par exemple que, quand il tombe le t-shirt, il est chaud, il y a des chances qu’il saute dans le public. Ou quand il enlève ses bagues : tu sais que tu peux déjà descendre et te placer pour avoir le meilleur cliché.

RE : Ce sont des photographes, mais aussi mes meilleurs amis. Ils sont là sur tous les événements, des émissions radio aux concerts, en passant par le tournage de Dupieux (NdR: le film Mandibules). Limite, ils m’accompagnent chez le médecin !

Vous avez pu suivre l’ascension de votre ami en direct…

NC : Le « pire », c’était en 2018-2019, quand Roméo devient en quelque sorte mainstream. Le rythme est acharné, la période très intense. On doit être deux nuits à Bruxelles, le restant de l’année, on est sur la route.

Mais sans avoir le retour direct qu’a pu avoir Roméo pour « compenser »…

NC : Oui, et tant mieux. Surtout quand on voit ce qu’il subit : les fans, les flashs, le fait que, dès qu’il bouge le petit doigt, tout le monde en parle… Mais il est aussi fait pour ça, pour la lumière ! Moi je sais que ma place est plus dans l’ombre.

MG : Après, Roméo est évidemment le fil conducteur, mais le livre raconte aussi plein de choses autour de lui. Notamment ce moment où le rap devient populaire, et où la scène belge est fort mise en avant. Il y a eu Niveau 4 à Couleur Café. Après le succès de Bruxelles arrive, Dour propose également un plateau, avec Caballero, Jeanjass, l’Or du commun, Isha, Zwangere Guy, etc. On apprend à connaître les uns et les autres. C’est très bon enfant, tout le monde veut grailler ensemble. Et on est témoin de ça. Même si, à ce moment-là, on ne réalise pas forcément ce qui se passe. On est nous-mêmes dans la « machine ». C’est par la suite, en prenant du recul, que l’on revoit les images, et qu’on réalise que l’on a de l’or entre les mains. Il fallait en faire quelque chose.

L’image a toujours joué un rôle capital dans la carrière d’un artiste. Aujourd’hui, on a parfois l’impression qu’elle est à la fois de plus en plus contrôlée, et en même temps, de plus en plus éclatée sur les réseaux…

MG : Nous, cela nous a choqué. A la base, on vient de l‘ « argentique ». Tout à coup, on rentre dans le monde d’Instagram. Où la vitesse de propagation de l’image est folle. Trois minutes après avoir été postée, ta photo se retrouve déjà sur tel compte de fans du coude droit ou du sourcil gauche de Roméo ! A d’autres moments, elle est récupérée par des sites de marques, simplement parce que Roméo a porté telle veste. La photo est souvent recadrée, photoshopée, sans jamais évidemment qu’on te demande l’autorisation. Et cela fait des dizaines de milliers de likes. Ce qui représente de l’argent. Pas pour nous mais pour eux… C’est déstabilisant. Mais au bout d’un moment, tu t’y fais, tu essaies de comprendre et de « surfer » sur la vague. On est aussi dans une démarche de promotion du boulot de Roméo. Si cela avait nos travaux personnels, cela aurait été un peu différent.  

RE : Il a fallu adapter notre façon de faire à la manière dont l’image existe sur les réseaux sociaux. Principalement Instagram, qui a été mon moteur de carrière. On a essayé d’amener notre touche artistique dans ce monde-là. Mais c’est vrai que c’est toujours moi qui les pousse à être plus « instagrammable ». Cet été encore, je leur disais : « moins de photos, plus de reels, et mettez-moi tout ça à la verticiale ! ». Pour eux, c’est pas mal de changement, mais c’est aussi intéressant à travailler. Ils se sont adaptés sans se travestir.

Au fil de toutes ces années, vous avez dû accumuler énormément de matière. Comment avez-vous construit le livre ?

NC : Comme l’idée du bouquin est arrivée assez tôt, on a eu le temps de faire pas mal d’essais de maquettes, de test de fanzines, etc. A ce niveau-là, l’éditeur nous a laissés complètement libres. Donc le livre suit une certaine chronologie, découpée en chapitres. Mais en se permettant aussi des ellipses, ou des photos un peu mélangées. Plus que de raconter en détails une histoire, l’important était le sentiment, l’impression qui se dégage, quand vous feuilletez les pages

RE : Si je puis me permettre, on sait que le livre sera principalement acheté par des fans. Mais j’aime bien aussi l’idée d’avoir commis une sorte de « braquage ». Dans le sens où l’on propose un vrai bouquin de photographie. Ce n’est pas un vlog. Il y a une dimension artistique, qui permet à chacun de se faire son histoire. Je me dis que si, dans ceux qui ont mis la main sur le livre, l’un ou l’autre se dit : « tiens, je vais m’acheter un petit appareil argentique, pour faire autre chose que des photos avec mon téléphone », ce serait hypercool.

Comment se profile la suite ?

RE : Peut-être un docu un jour ? C’est vrai qu’on a l’impression de clore un chapitre. Avec le concert à Bercy, on est arrivé au sommet de la montagne (rires) et on profite du paysage. Le livre, c’est un peu ça. On savoure une dernière fois ce qui s’est passé. Cela ne veut pas dire que je vais arrêter la musique. Mais la montée, l’ascension continue, c’est fini. C’était dingue. Mais là, on va revenir à autre chose, peut-être des salles plus petites, on verra bien. Et puis les Strauss ont aussi d’autres aspirations.

NC : Rien n’est prévu. Mais… tout peut arriver

Straussphère, Roméo Elvis, Martin Gallone, Nicolas Catalano, 190 pages, ed. Michel Lafon

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