Rock Werchter J4 : Rosalía, la tempête pop qui emporte tout sur son passage

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Dimanche, à Werchter, Rosalía a livré un show époustouflant de bout en bout. Pop, audacieux et moderne.

Débat intéressant dimanche, sur la plaine de Werchter. Un bon show a-t-il nécessairement besoin d’instruments ? Peut-il uniquement reposer sur des bandes pré-enregistrées ? Et si oui, peut-on encore parler de concert ? Vous avez deux heures…

Pour sa dernière journée, le menu proposé Rock Werchter n’aura pas manqué de faire grincer quelques dents, parmi les plus orthodoxes des festivaliers. La semaine dernière, à Glastonbury, par exemple, la fantastique Billy Nomates est venue seule sur scène, chanter et danser sur des bandes. Et s’est fait lyncher pour ça sur le Net… Entre les statues d’anges, Christine & The Queens, poitrine au vent, a préféré botter en touche. Au bout d’un show en solitaire, navigant dans le brouillard d’une avant-pop qui ne s’embarrasse plus de hit, il a précisé: « Peuple de Werchter, merci d’être venu assister non pas à un concert, mais à un poème ». Quant à Lil Nas X, pas certain qu’il ait eu beaucoup d’états d’âme : le hitman (Old Town Road, Montero, Industry Baby) a tout misé sur un show ultrachorégraphié, au service d’un megamix pop euphorisant (de Nirvana à Kanye West, tout le monde est le bienvenue dans l’univers du Texan) et d’une sexualité gay frontale.   

Mais l’artiste qui a définitivement tranché le débat s’appelle Rosalía. Dans une Barn remplie à ras bord (pléonasme), l’Espagnole a à nouveau époustouflé. Au programme, un set/concert/show (biffez définitivement la mention inutile) à la fois ultramillimétré et euphorique, dansant et émouvant, musicalement audacieux et visuellement épatant. Mais de quelle planète vient cette femme ?

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Racines flamenco

Sur le coup de 22h, Rosalía débarque sur scène avec ses danseurs. Sur la tête, un casque de moto lumineux, auquel sont accrochées deux couettes. « Chica, ¿qué dices? ». C’est Saoko, reggaeton futuriste aux sonorités indus. « Yo me transformo », « Je me transforme », annonce la chanteuse. Mutante mais pas artificielle. Mixant De aqui no sales et Bulerías, elle s’ancre dans le flamenco pour mieux le moderniser à coups de claps/palmas métalliques.

Même chose pour les chorégraphies qui mélangent fulgurances pop, figures contemporaines et mouvements traditionnels. Sur Motomami, par exemple, ses danseurs s’imbriquent les uns aux autres pour former une moto humaine qu’enfourche Rosalía. Mais parfois, il suffit à la chanteuse de s’asseoir sur le siège de salon de coiffure, seule au milieu de la scène, pour captiver : c’est Diablo, ballade sombre à peine éclairée par l’intervention de James Blake.  

Tape it!

Arty sans jamais sonner creux, le spectacle est à la fois musical et visuel. Le dispositf scénographique est pourtant ultra simple : deux cubes entre lesquels a été installée une esplanade blanche. Mais la manière dont il dialogue avec les écrans est particulièrement bien pensée. On pense notamment à ces prises de vue du plafond, créant comme des tableaux vivant.

Comme lors de sa tournée en salles, Rosalía est également suivie quasi en permanence par une steady cam. En l’occurrence , l’homme à la caméra ne se cache jamais, pas loin de se mêler aux chorégraphies : comme s’il démontait autant qu’il alimentait le spectacle. On a ainsi souvent l’impression d’assister au tournage d’un clip en direct. Même quand Rosalías’amuse avec le public, en invitant la salle à saluer l’amoureux d’une fan colombienne, elle insiste : « tape it ! tape it »

© Rob Walbers

La caméra multiplie en outre les close-ups sur le visage de la star. Il faut dire qu’il est spectaculaire d’expressivité. Tantôt diva badass, tantôt amoureuse éplorée, toujours intense. Faut voir le regard de ses danseurs, dévorant des yeux Rosalía, quand, perchée sur un piano à queue, elle chante Candy… Plus loin, elle reprend encore Héroe, un morceau d’Enrique Iglesias. Elle est alors seule, dans la semi-pénombre, au sommet d’un des deux cubes. A genoux, elle relève alors la tête, et fixe la caméra qui la filme en gros plan. Et de transformer la ballade FM en véritable tragédie « almodovaresque ».

Intégrant à sa setlist ses derniers singles (Beso, Vampiros), Rosalía termine son concert en rejoignant ses danseurs en trottinette sur Chicken Teriyaki. Avant de conclure avec CUUUUuuuuuute, mix de baile funk, de trap et de drame flamenco. Bluffant.

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