Rhye, home sweet home

Mike Milosh, tête pensante de Rhye: "Je préfère les musiques plus introspectives, qui laissent de la place pour tracer votre propre voyage". © Emma Marie Jenkinson
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Adepte d’une pop amoureuse et sophistiquée, Mike Milosh sort un nouvel album de Rhye. Un disque « confinement-friendly », célébrant le foyer comme espace ouvert de création.

Il y a de fortes chances que Mike Milosh ait passé une meilleure année 2020 que vous. Confirmation à l’autre bout de l’appel Skype, depuis son domicile, un peu dehors de L.A. « Comme tout le monde, ça a été compliqué de ne plus pouvoir voir ma famille. Mais à part ça, je n’ai pas trop de raison de me plaindre. Ma vie ici est assez agréable. Juste avant la pandémie, on a trouvé cette maison, dans la montagne, en pleine nature. On a eu beaucoup de chance. » C’est aussi là qu’il a installé son studio, et mis la dernière main au nouvel album de Rhye. Son titre? Home. Un disque qui, avant même le confinement, entendait célébrer le foyer, comme le « lieu privilégié où être au plus près de soi ». « Je ne dis pas que je joue un rôle à l’extérieur. Mais à la maison, je peux être pleinement moi, créatif et présent à 100%. »

Jusqu’ici, Mike Milosh n’avait que rarement expérimenté ce genre de sédentarité. Né au Canada, il a souvent eu la bougeotte, de Toronto aux Pays-Bas, de l’Allemagne à la Thaïlande. La vie de musicien a conforté cet état d’esprit nomade. Surtout depuis le succès de Rhye. C’est en 2013 que s’est fait connaître ce qui était alors encore un duo (avec le producteur danois Robin Hannibal). À la faveur notamment de deux premiers tubes, tirés de l’album Woman. Inaugurant une pop-r’n’b sentimentale, Open et The Fall semaient le trouble, avec leur romantisme pastel, crooné par la voix androgyne de Milosh. Les albums Blood (2018) et Spirit (2019) ont suivi dans la même veine, à chaque fois accompagnés de grosses tournées. « Ce sont des périodes très intenses. Tout va très vite, vous êtes sur-stimulé. C’est très facile de se cramer. Du coup, quand je rentre, c’est l’extrême inverse. Je me mets en retrait. Pour ça, cette maison est parfaite. Elle est isolée, loin de la folie de la ville. Pour y arriver, vous devez monter en voiture pendant une bonne cinquantaine de minutes. Le matin, on déjeune dehors, au-dessus des nuages. »

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L’endroit en question se nomme Topanga Canyon, près de Santa Monica. Depuis les années 60, il a intégré la mythologie rock en ayant abrité pas mal de musiciens. Pour le meilleur -Neil Young y a enregistré After the Gold Rush-, et plus sordide -Alan Wilson, l’un des fondateurs de Canned Heat, retrouvé mort, suite à une overdose, alors qu’il campait sur une colline. Charles Manson et sa bande traînèrent également dans ce qui était alors souvent un refuge pour hippies et autres dissidences new age.

Appel à la débauche

Cette ambiance baba cool règne d’ailleurs toujours en partie sur les lieux. Chez Mike Milosh, en particulier. « On vit au milieu des arbres. Je peux observer les animaux, me reconnecter aux cycles de la lune et du soleil. Il n’y pas d’éclairage urbain, la nuit, le ciel est rempli d’étoiles. » Avec sa compagne Genevieve Medow Jenkins, artiste et réalisatrice qui a elle-même grandi « à Big Sur, dans une communauté alternative un peu hippie » (l’Institut Esalen, NDLR), il a également monté les Secular Sabbath. Des événements où se mélangent musique ambient, séance de relaxation, cérémonie du thé, etc. « Mais on ne médite pas. Il y a de la nourriture, la possibilité de se faire masser, etc. C’est très calme, un peu psychédélique, avec des lumières douces, etc. » Diplo y est même passé pour mixer. Mike Milosh, lui, en profite surtout pour expérimenter et improviser. « J’explore ma voix, je crée des boucles, je la passe dans des filtres, etc. J’aime l’idée de ne pas savoir ce que je vais faire. »

Rhye, home sweet home

Ces séances ont pu nourrir le nouveau disque de Rhye. Moins pour les expérimentations – Home reste fondamentalement pop- que par l’esprit soft cocooning qui se reflète dans les morceaux. Plus que jamais, les chansons de Rhye enveloppent, cajolent, caressent, avec leurs violons bienveillants et des harmonies vocales langoureuses. « J’écoute énormément de choses différentes, du classique au funk, mais pas les musiques énervées. Je n’aime pas le punk ou le metal, par exemple. Je ne suis pas une personne très en colère. Je préfère écouter des musiques plus introspectives, qui laissent davantage de place pour tracer votre propre voyage. C’est la même chose avec la bouffe. Je n’aime pas manger trop salé, trop gras. Il faut que ce soit plus nuancé. »

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De la nuance à la sophistication, il n’y a qu’un pas, que Rhye n’hésite pas à franchir. Avec Home, sa musique peut à l’occasion lorgner plus franchement une certaine dance music (les réminiscences disco du single Black Rain). Mais dans l’ensemble, l’humeur reste délicate, raffinée, voire précieuse. Pourtant, même quand elle frôle la musique de salon, la musique de Rhye conserve son mystère. On commence à connaître Mike Milosh, on sait où il veut aller. Mais on n’a toujours pas compris comment… Un morceau comme Holy -avec son choeur féminin, également présent dans l’intro et l’outro du disque, pas très éloignées du chant grégorien-, suggère la piste spirituelle. Milosh balaie l’hypothèse. « Un morceau comme Holy incite justement à ne pas l’être. C’est même un appel à la débauche. Je retourne l’idée du titre pour dire: « Arrête de vouloir être si parfait, si irréprochable ». En ce sens, quand je me penche sur les chants grégoriens, le contexte religieux ne m’intéresse pas. Ce qui m’attire ce sont les tons et les sons qui ont été utilisés pour rassembler les gens autour d’un même sentiment de communauté. » Derrière le glacis pop, cependant, il y a bien autre chose, un grain, une épaisseur insondable. Ce que Milosh appelle des « petits secrets ». « J’en glisse dans chaque morceau. Ce sont des éléments que j’ajoute, mais que l’oreille ne perçoit pas. Ou au contraire, qui étaient là, mais que je retire et qui créent aussi une marque. Je suis très intéressé par le fait que de petits choses puissent affecter de manière subliminale votre comportement. Ce sont un peu mes fantômes. » Qui aurait cru que la maison de Rhye était hantée?…

Rhye, Home, distribué par Caroline. ***(*)

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