Rencontre avec Unknown Mortal Orchestra, en concert ce jeudi à Dour

Unknown Mortal Orchestra © DR
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Avec Multi-Love, le dernier album de son groupe Unknown Mortal Orchestra, Ruban Nielson raconte l’histoire intime d’un triangle amoureux. Explications avant son concert à dour.

La chanson figure sur le 2e album d’Unknown Mortal Orchestra: So Good At Being In Trouble. Tellement doué pour se retrouver dans les problèmes… Si ce n’est pas autobiographique, cela y ressemble. Les difficultés, Ruban Nielson (au centre sur la photo), cerveau agité, du projet Unknown Mortal Orchestra, semble en effet parfois les chercher.

Cela ne saute pas forcément aux yeux. Quand on le rencontre, le Néo-Zélandais installé à Portland a la conversation cordiale, à peine piquée de l’un ou l’autre trait d’esprit auto-flagellatoire. Il remonte le fil de son histoire: le premier morceau lâché sur Bandcamp, l’album qui suit et qui croule sous les louanges de la presse indie, pop psychédélique à petit budget qui fait mouche. L’emballement est là, bien différent de celui qu’il déjà a pu connaître auparavant chez lui, en Nouvelle-Zélande, avec son premier groupe, Mint Chicks. « A ce moment-là, c’était toujours sous contrôle. C’est tout autre chose de se retrouver à tourner à travers les Etats-Unis, avec un groupe « cool » qui bénéficie d’une large couverture de la presse branchée, entouré de gens qui vous amènent de la drogue… Au début, c’est super. Mais le rythme est tellement soutenu, vous bossez tellement, que les problèmes arrivent vite. Quand mon bassiste a fini à l’hôpital, on a commencé à repenser le truc. Personne n’avait envie de crever après un disque: on a envie d’en faire plus. L’autre facteur est que ma femme a accouché d’un deuxième enfant. Je voulais devenir un bon père. Pas seulement un bon musicien. » C’est ce chaos-là que racontait l’album II, sorti en 2013. Deux ans plus tard, Ruban Nielson a-t-il trouvé la sérénité? Pas certain…

La rencontre avec Nielson a lieu au mois de février. Le long papier que lui consacrera le webzine Pitchfork n’est pas encore sorti. Il ne sera publié qu’en mai, au moment de la sortie de l’album Multi-Love. Nielson y raconte la genèse du disque, révélant ce que la bio officielle de la maison de disques ne faisait qu’évoquer entre les lignes. « We were one, then become three« , chante-t-il ainsi sur le morceau qui donne son titre à l’album. Dans l’interview-confession, il évoque directement la relation qu’il a entamée avec une certaine Laura (prénom d’emprunt). Une jeune femme rencontrée un soir de 2013, alors que le musicien est de passage à Tokyo, entre deux concerts. La connexion est immédiate. Elle se poursuivra par mails, jusqu’au moment où la femme de Nielson, au courant depuis le début de la correspondance, rentrera elle-même dans l’échange épistolaire, pareillement troublée. Laura finira par venir habiter plusieurs semaines chez le couple. L’occasion d’un triangle amoureux, qui se terminera quand le visa de la jeune femme arrivera à échéance…

Bizarre Love Triangle

C’était il y a quelques mois à peine, et Ruban Nielson n’a manifestement pas encore tout à fait digéré. Toujours sur le même morceau, il chante: « Multi-Love/It’s not that this song’s about her/All songs are about her. » « Depuis le départ, je savais que ce titre allait être le centre du disque. Il sert un peu de manifeste pour le reste de l’album. » Et pas seulement parce qu’il en divulgue l’intrigue principale (peut-on aimer plusieurs personnes à la fois? Et si oui, comment?). Tube en puissance, Multi-Love montre aussi comment Nielson s’est affranchi de ses marottes psyché pour virer désormais plus souvent vers une sorte de soul de chambre (voire quasi disco-funk sur Can’t Keep Checking My Phone). Un groove poisseux qui peut éventuellement ramener vers Sly Stone ou Shuggie Otis, les claviers ayant désormais la priorité sur les guitares. « J’essaie d’être assez intime avec l’équipement que j’utilise. J’ouvre souvent le matériel, je regarde comment cela fonctionne, parfois je modifie… J’ai commencé avec les guitares. Quand quelque chose n’allait pas, je les réparais moi-même. J’ai continué à creuser. A force de me pencher sur les questions de voltage, de son transformé, d’oscillateur, je me suis rendu compte que j’étais en train d’imaginer quelque chose qui existait déjà: les synthés (rires). Du coup, j’ai commencé à m’y intéresser de plus en plus. Sur Craigslist, je me suis acheté un mini-Korg 700 tout pourri. Je l’ai réparé et ça a marché! Du coup, il y a en effet pas mal de claviers sur le disque, souvent modifiés. »

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Voilà pour le côté nerd du bonhomme. Qui n’est pas forcément en contradiction avec le reste. On devine même que la maîtrise de la technique -le fil bleu sur le bouton bleu, le fil rouge sur le bouton rouge, l’aide à gérer l’autre chaos, plus personnel, plus intime. Son intranquillité à lui. « La musique, c’est un truc tellement infini. C’est pas mal de s’attarder sur ces choses plus terre-à-terre. Ça aide à ne pas devenir complètement taré. » Disséquer la machinerie pour mettre de l’ordre dans la musique; plonger dans la musique pour essayer d’y voir plus clair dans sa propre vie, trouver le fil conducteur. « Je suis un grand fan de Bowie, de ses multiples transformations. L’une des grandes leçons est de montrer à quel point l’ego est sans intérêt. En changeant de genre, de sexualité, de nom, de visage, de look, Bowie montre en fait ce qui ne bouge pas: en gros, tout ce qui touche à la condition humaine. Soit la manière de sentir, de ressentir, de s’arranger avec les autres, la souffrance, le bonheur… » Multi-Love parle donc d’amour moderne, à deux, à trois, et des relations en général (y compris par exemple entre les communautés, voir un morceau comme Puzzles). Multi-love, mais une seule question: une fois les masques tombés, que reste-il de nos amours…?

UNKNOWN MORTAL ORCHESTRA, MULTI-LOVE, DISTR. JAGJAGUWAR.

EN CONCERT ce jeudi 16 juillet 2015 au festival de Dour, scène La Petite Maison dans la Prairie | 16:45-17:45.

LE 21/07 AU BOOMTOWN À GAND, ET LE 02/11 À L’ANCIENNE BELGIQUE.

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