Qui est Kobo, ce proche de Damso qui vient de sortir un premier album magistral?

Kobo: "Les filles que je côtoie au quotidien ne ressemblent pas aux bimbos paradant sur des grosses bagnoles. Ce sont des meufs normales."
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Proche de Damso, le rappeur bruxellois a pris son temps pour sortir son premier album, entre récits de la rue et spleen hautement sentimental. Rencontre.

Qui est Kobo? Est-il le rappeur indolent qui, le lundi, annule l’interview à la dernière minute? Ou alors, celui qui, le mercredi, arrive pile à l’heure, sérieux, le verbe posé et réfléchi? L’ex-étudiant en droit sirote alors un thé, affable et disponible. Pendant l’entretien, il garde ses petites lunettes de soleil rondes. Mais il a désormais laissé tomber le masque derrière lequel il se planquait lors de ses premières apparitions…

C’est en 2016, via le morceau What’s My Name, que Kobo a commencé à faire parler de lui. L’année suivante, il réussit encore à se glisser sur la BO 100% rap belge du film Tueurs (le titre Au pays des droits de l’Homme), avant de se retrouver invité dans la capsule Rentre dans le cercle spécial Belgique organisée par la star Fianso: la rumeur prend encore un peu plus d’ampleur. Le rappeur bruxellois préfère toutefois prendre son temps. C’est avec la vidéo du morceau Baltimore, publiée il y a tout juste un an, que les choses se précisent véritablement. Loin des bravades gangster, Kobo y évoque la vie du « quartier » et ses vices – « C’est rare de s’en sortir entier, de la chasse au billet »-, naviguant sur une mélodie soul désarmante – « Mais qui n’a pas rêvé de briller? »-, magnifiquement sombre. Un classique instantané. Aujourd’hui, Kobo sort un premier album, intitulé Période d’essai, signé sur la major française Polydor (Universal). Un disque tout en clair-obscur, étonnamment abouti, et loué unanimement par la critique. Sur la pochette, il se pose en Janus, rappeur à deux têtes dont le côté frondeur n’est jamais très éloigné d’une certaine mélancolie. Qui est alors Kobo? Sans doute un peu des deux…

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En tout cas, la musique n’était pas forcément le plan de départ. Certes, gamin, il y a les premiers cours de piano. « Je devais avoir sept ans. C’est ma mère qui m’y avait inscrit. Comme elle enchaînait pas mal de petits boulots, elle ne pouvait pas toujours venir me chercher le soir, après l’école. Du coup, elle m’a inscrit à un cours de musique, juste à côté. Si j’étais demandeur? Pas vraiment, mais ma mère, c’est un peu la dictature, mon avis ne comptait pas vraiment (rires). » Kobo rentre alors tout juste du Congo. Né à Bruxelles en 1992, il a passé sa petite enfance à Kinshasa avant de devoir fuir le pays. « Quand le régime de Mobutu est tombé, il y a eu pas mal de violences et de pillages. On a dû quitter Kin dans la précipitation. » L’épisode laissera des traces. Dans le morceau Black, il glisse notamment: « Leurs canons sciés pointés vers mes yeux/Morts de rire en voyant ma famille paniquer ». « Des soldats sont en effet rentrés chez nous, se rappelle-t-il. Mon père s’est retrouvé avec une arme pointée sur lui. Ce sont des images qui restent gravées. Je devais avoir quatre ou cinq ans. Cela teinte forcément votre conception des choses. J’ai compris très tôt que l’être humain pouvait être capable du meilleur comme du pire. »

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L’ami Damso

Quand la situation se normalise en RDC, la famille retourne à Kinshasa. Kobo y passe l’essentiel de sa scolarité secondaire, avant de revenir en Belgique pour commencer des études de droit à l’UCL. C’est à ce moment-là qu’il retombe sur un camarade de classe: un certain William Kalubi. Celui qui se fait déjà appeler Damso est complètement concentré sur ses projets musicaux. « Ce qui n’était pas du tout mon cas. J’étais vraiment très loin de ça. Je rejoignais tout le monde en studio, mais je me contentais d’observer, dans mon coin. J’étais vraiment le pote qui fout rien (rires), celui qui a la voiture, et dont on sait qu’il pourra redéposer tout le monde, si ça se finit tard. »

Un jour, Damso lui file quand même une production sur laquelle s’essayer. « Je ne pensais pas que c’était fait pour moi. Mais je me suis lancé. Quand je lui ai fait écouter, il a kiffé, il m’a même dit que j’allais aller loin, alors que lui-même était encore quasi inconnu! » Quand, quelques années plus tard, Kobo voit la vague rap belge décoller, il se dit que ça vaut en effet peut-être le coup de se lancer. Il est toujours aux études, qu’il finance comme il peut, en comptant notamment sur ce qu’il appelle la « débrouille »« Je n’ai pas forcément envie d’expliciter, mais il y avait un peu d’illégalité, oui ». La musique pourrait l’aider à sortir de là.

En 2016, What’s My Name fait encore dans le « sale », raccord avec le cahier des charges d’un rap de « rue », cru et volontiers vulgaire. Le titre est également un clin d’oeil à la scène West Coast américaine qui a longtemps fasciné Kobo: Dr. Dre, Snoop Dogg, et surtout Tupac. « Je n’oublierai jamais la première fois que je suis tombé sur California Love. Tupac avait un côté à la fois « conscient », il était le fils d’une Black Panther; et en même temps, il jouait sur le côté gangster. Il essayait à la fois d’être un exemple pour sa communauté, mais était aussi un produit de son environnement et de la « rue ». C’est cette complexité qui est intéressante. »

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Après le parti pris très « street » de ses débuts, Kobo va d’ailleurs rapidement donner d’autres couleurs à sa musique. Visuellement, déjà, il sort des sentiers hip-hop trop rabâchés. Il tourne par exemple la vidéo de Charbon à Venise, celle de Baltimore à Londres, ou encore plus récemment l’incroyable dyptique Nostalgie/Succès à Kinshasa. Pour All Eyes on Me, il montre un gang de filles sauvages, loin des clichés encore souvent machos du genre. « Les filles que je côtoie au quotidien ne ressemblent pas aux bimbos paradant sur des grosses bagnoles. Ce sont des meufs normales, qui font du son, fument des sticks. Comme des mecs en fait, c’est mes potes (sourire).  »

Avec ce premier album, le rappeur a pris le temps de bien faire les choses. À rebours de la tendance du moment, où tout doit aller très vite, très fort, Kobo propose du coup un vrai univers personnel, mélange de bravoure et de spleen, à la fois âpre et fragile. Jusqu’à son titre, il évite de rouler des mécaniques: Période d’essai, alors qu’on est déjà prêt à lui offrir son CDI…

Kobo, Période d’essai, distr. Universal. ****

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