Pukkelpop J2: parcours fléchés

Le flow surexcité des Sleaford Mods au Pukkelpop. © Caroline Lessire
Kevin Dochain
Kevin Dochain Journaliste focusvif.be

De Sleaford Mods à Thee Oh Sees, de Noel Gallagher aux Chemical Brothers. Un vendredi au Pukkel en deux itinéraires.

Face A

GoGo Penguin. Il n’y a pas que Kamasi Washington et BadBadNotGood, dont ils sont un peu les cousins mancuniens, pour rajeunir le jazz et l’imposer dans l’ambiance parfois casse gueule des festivals de jeunes. Contrebasse, piano, batterie. Les Anglais de GoGo Penguin ont fait honneur à leur troisième album Man Made Object, sorti en début d’année chez Blue Note.

Sleaford Mods. Qu’est ce qu’il y a de plus punk que de chaque soir se vider les tripes et de cracher à la gueule d’une société malade toute la bile qui vous salope le foie? Qu’est-ce qu’il y de plus punk que de monter sur scène appuyer sur un bouton pour lancer des beats et d’y passer le concert la main dans une poche, une bière dans l’autre et un sourire ahuri sur le visage, à regarder son pote éructer? Probablement rien. Héritiers des Sex Pistols, de Crass et de The Fall, Jason Williamson et son complice Andrew Fearn font du hip hop à crête. Regard aigri mais non dénué d’humour et de noms d’oiseau sur le monde qui les entoure. Flow surexcité, quasi jusqu’à l’étranglement et danse du gorille… Adepte du « sprechgesang », comprenez un style de récitation entre la déclamation parlée et le chant, Sleaford Mods incarne l’Angleterre ouvrière, celle des pubs et des entretiens d’embauche. Fuck off…

Roisin Murphy. Roisin Murphy en ciré. Roisin Murphy avec des lunettes d’aviateur. Roisin Murphy en robe de soirée. L’ancienne chanteuse de Moloko nous a autant convié à un défilé de mode (aux allures par moments carnavalesques) qu’à un concert vendredi soir sous le Marquee. L’Irlandaise n’a pas donné la prestation la plus renversante et inoubliable du festival mais elle a réussi son numéro de fashion victim à la Grace Jones.

Whitney. Il y a cinq ans, les Smith Westerns étaient sur la scène du chapiteau qui s’est écroulé comme un château de cartes lorsque la tornade meurtrière s’est abattue sur le Pukkelpop. Vendredi, leurs descendants, les très jolis Whitney se sont produits au Lift. La plus petite tente (une nouvelle) de cette édition 2016 qui doit ressembler en taille à ce qu’était le Club fin des années 90. Entouré de cinq musiciens et notamment d’un génial trompettiste, le batteur chanteur Julien Ehrlich (ex-Unknown Mortal Orchestra) a partagé son spleen et ses peines de coeur. Terminant par un tube No Woman, depuis des mois usé sur Studio Brussel. I left drinking on a city train. To spend some time on the road… Encore un qui a marqué des points.

Thee Oh Sees. C’est l’un des tout meilleurs live bands en activité. Rampant, dévastateur, terriblement explosif et efficace… Thee Oh Sees n’est pas un groupe de rock, Thee Oh Sees est une machine de guerre. Avec son nouvel album (A Weird Exits) tout beau tout frais sous le bras, le grimaçant, sauvage et gloussant John Dwyer a flanqué une trempe à tous ceux qui voulaient encore de l’électricité à une heure du mat. Un bassiste et deux batteurs (qui grosso modo font la même chose)… Le Californien, guitare à hauteur d’épaule, a fait oublier les pancartes No Crowdsurfing et réveillé au taser un public parfois un peu trop amorphe cette année.

Julien Broquet

Face B

NOFX. « 72 virgins can never stop a war, but 100.000 hookers can beat the marine corps (…) When everyone is getting blow jobs, that’s when we’ll finally have world peace », entonne Fat Mike après avoir introduit un morceau « sur les musulmans. Tout le monde aime les musulmans! » 32 ans après ses débuts, NOFX n’a pas changé sa formule d’un iota: punk bas du front mais subtilement engagé (leurs hymnes anti-Bush et anti-rednecks résonnent toujours à l’heure de l’Amérique de Trump), chansons qui dépassent rarement la minute 30, entrecoupées de discours gentiment crétinoïdes. « Belgium is like the France of Europe », poursuit-il avant de traditionnellement massacrer les Champs Elysées de Dassin. Ca se marre, ça pogote dès très jeune, et c’est déjà très bien.

Few Bits. Cinq guitares sur scène. Deux acoustiques, deux électriques, une basse. En fallait-il tant pour espérer donner de la substance à la pop rêveuse et aérienne des Anversois, ou n’était-ce qu’une excuse pour faire monter tous les copains sur scène? Quoi qu’il en soit, la musique de Few Bits est tout mignonne, comme son petit bout de chanteuse qui rappelle une Sarah Bettens jeune par moments. Mais qu’est-ce qu’on s’ennuie vite…

Double Veterans. On les avait découverts au premier festival Stellar Swamp, où ils avaient fait partie des toutes bonnes surprises. Deux ans et un excellent album plus tard, on retrouve les rockeurs psyché en terrain conquis d’avance, puisque les gamins sont originaires du coin. Riffs gras, envolées bien senties et surtout refrains frôlant la perfection adolescente (ce Beach Life!) en feront le concert qui démarrera (enfin) notre journée.

Noel Gallagher. Chaque fois qu’on croise Noel ou Liam sur scène avec leurs projets respectifs, on en arrive à la même conclusion: qu’ils feraient bien de ravaler un peu leur ego et de reformer Oasis ou d’arrêter les frais. Car il n’y avait pas photo ce vendredi: encore une fois, ce sont les classiques du groupe mancunien qui ont fait mouche (Champagne Supernova, Wonderwall, Don’t Look Back in Anger), tandis que les morceaux des High Flying Birds sont passés totalement inaperçus, plus en tout cas que ses dédicaces à son saxophoniste atteint d’un cancer de la prostate (bonjour l’ambiance) ou à ses bien aimés… Diables rouges.

Refused. Il y a quatre ans, les Suédois qui ont réformé le punk et (presque) inventé le post-hardcore avec le cultissime The Shape of Punk to Come se produisaient au même Pukkelpop, en même temps que les Foo Fighters. Résultat des courses: un public aux abonnés absents, alors que la bande à Dennis Lyxzén s’attendait à ce que « personne n’en ait rien à foutre » de la pop à Dave Grohl. Qu’à cela ne tienne, leur retour avait aujourd’hui un agréable goût de revanche. Toujours aussi hargneux et occupant chaque centimètre carré de la scène, le chanteur/hurleur défend fougueusement son dernier Freedom, album ultra-engagé et produit par Shellback, l’homme derrière les tubes de… Taylor Swift, Maroon 5 ou Pink. Plus qu’un bonus aux riffs speedés et dansants, les tirades pro-réfugiés ou féministes prêchées avec passion entre les morceaux donnent de la substance au concert déjà révolté musicalement. Et on maintient à jamais que l’intro de New Noise est la plus puissante de tous les temps.

The Chemical Brothers. On n’en aura vu qu’un petit quart d’heure, mais quel quart d’heure! Ca déploie la grosse artillerie pour se la jouer Spinal Tap de l’électro avec notamment deux colossaux robots sortis de nulle part pour sublimer Don’t Think en balayant la plaine de leurs yeux lasers. Pas avare d’un classique même s’il pioche fréquemment dans son récent Born in the Echoes, le duo hypnotise avec le thème arabisant de Galvanize et achève les festivaliers avec basse démente de Block Rockin’ Beats. On se met bien.

Kevin Dochain

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