Pleasure Principle: un nouvel album pour le projet solo de Paul Ramon

“Pendant le confinement, je suis parti à la campagne chez mes parents. J’ai fait deux mois sans picoler. Une expérience intéressante à mener, mais que je ne recommande pas spécialement.” © raphaël berrichon
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Paul Ramon, le batteur de Bryan’s Magic Tears et l’une des plus belles moustaches de la scène rock française, se raconte en même temps que son échappée solitaire.

Tu vois là juste en face? C’est notre ancienne coloc. Un trou à rats. Un gros appart de teuf. Notre arche de Noé. À un moment, on n’avait plus qu’une clé. On la planquait dans le couloir et la moitié de Paris savait où elle était.” Janvier 2020, Paul Ramon (oui, comme McCartney) reçoit au Diplomate, une brasserie un peu vieillotte du XVIIIe arrondissement, pour raconter son projet solo. Fils d’une prof de français et d’un prof de maths, le batteur de Bryan’s Magic Tears est né dans le Var, à Ollioules, et a grandi à Marseille. “Le Var, c’est moitié Côte d’Azur, moitié gitan. Perso, je suis hyper attaché à la nature entre Toulon et Six-Fours. Je kiffe le Var. Mais Marseille est déterminant.” C’est dans la bouillonnante cité phocéenne que Paul fait les 400 coups et se met à la musique après avoir découvert les Ramones. “Un de mes potes avait reçu par son père le double best of. J’ai pété un câble. Un truc dans ma tête a vrillé. J’ai vraiment vécu une épiphanie. Les Ramones ont ouvert la porte à tout le reste. J’ai ressenti le même truc quelques années plus tard avec le Good Bad Not Evil des Black Lips. Mes sens se sont affolés tout de suite. Le son, l’attitude, une certaine humanité.

L’autre trauma adolescent du Marseillais, c’est le reggae. “Mon cousin avait rencontré une bande de skins à la fac. Pour moi le reggae, c’était Bob Marley et là je découvre The Upsetters. La compile Trojan Skinhead me fait péter les plombs.” Paul a un groupe de rock (les Dolipranes) et il organise occasionnellement des concerts punk à la Machine à Coudre. “C’était tellement vétuste qu’un jour la baignoire du mec du dessus est tombée dans la salle. Heureusement, il n’y avait personne.

Après un an d’études à Aix, Paul monte à Paris et fait une double licence (anglais et allemand) de langues, littératures et civilisations étrangères à l’Institut catholique. “J’avais des cours de théologie avec des bonnes sœurs. J’ai passé quasiment deux ans sans parler à qui que ce soit à la fac.” Il se rattrape à la Cantine de Belleville où il rencontre Catholic Spray et toute la scène garage. “C’était une minuscule cave de 25 personnes sans issue de secours. Tu avais quatre ou cinq concerts par semaine et tu devais traverser le resto pour entrer.” À l’époque, il joue dans La Secte du Futur et quand il se casse à Berlin pour un Erasmus, il se trouve un groupe avant même de se dégoter un appart. Il intègre Puff, un projet de synth punk givré -des petits protégés de Stereo Total- et multiplie les allers-retours en train de nuit sans couchette où il pieute dans les chiottes.

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Grandeur et petitesse de l’homme

De retour à Paname, Paul fait un master à Paris 8, des traductions au black et plein de musique. Il exerce ses talents de traducteur pour Noisey, bosse sur des sous-titres pour Viceland et des scripts de cinéma. “J’ai trimé sur un truc de littérature jeunesse américain à la con pendant deux mois. Ça m’a vraiment fait chier. J’ai aussi traduit des bouquins genre Comment vivre sans le plastique?”

Paul joue dans Marietta, se retrouve en colocation avec Benjamin Dupont dans sa festive tanière du XVIIIe. “Ce lieu a été super important pour nous. Plein de gens ont défilé. Notamment deux potes qui ont une agence de graphisme, Adulte Adulte, et ont notamment bossé avec Rendez-vous. C’est là que Benjamin a enregistré le premier Bryan’s Magic Tears.” Là aussi que Paul a jeté les bases de Pleasure Principle. “Je fais de la batterie depuis que j’ai 15 ans, mais j’ai toujours grattouillé. Un peu comme tout le monde. Benjamin avait un petit ordi et une table pour enregistrer. Vers 2014-2015, il a mis le feu aux poudres en me montrant les rudiments. On a commencé en after à 7 heures du matin dans sa chambre. Ça m’a bouleversé.

Malgré ses avis toujours tranchés, Paul ne s’est jamais senti l’âme d’un leader. “Je faisais écouter mes trucs à mes potes chez moi au milieu de la nuit. Je les voyais danser mais ça s’arrêtait là. C’était notre musique d’after. Tout le monde balance tout sur Internet. SoundCloud, Bandcamp… C’est super cool à la base. Ça casse les barrières. Mais ça dévalorise aussi les choses. Les mecs qui te sortent un morceau mal mixé tous les trois jours, ça fait un peu: regarde, j’ai chié dans un bol. C’est pas trop mon truc. Après, c’est vrai, j’aurais pu crever avec deux albums dans mon disque dur.”

Porté par J’attends la bombe et Dernier homme, le premier sorti il y a quatre ans est un disque disparate. “Une espèce de best of 2015-2019. J’ai gardé les morceaux les plus finis, les plus aboutis. Ceux qui tenaient la route. Il y avait à boire et à manger. Mais ça me ressemblait totalement. J’enregistrais des trucs, des motifs que j’avais dans la tête depuis des années.” Pour son successeur, Paul, qui aurait adoré un double album à la Sandinista!, a consciemment mis certains aspects de sa musique de côté. “Je crois fondamentalement que quand je cherche à aller quelque part, je n’y arrive jamais, poursuit-il aujourd’hui.

Le Français s’est replongé dans la musique organique et la guitare, cite Leonard Cohen, John Cale ou encore la Fat White Family (un des rares groupes actuels qui le touchent vraiment). Il signe un disque chaloupé qui ne manque pas de couleur et aime l’exotisme mancunien des Happy Mondays. “Je déplore que la plupart des gens dans la musique en français ne disent rien. Je voulais des textes qui aient une portée politique. Mais je ne suis pas une meuf, je ne suis pas noir, je ne suis pas défavorisé. J’allais pas me prendre pour un Bruce Springsteen français, le porte-parole des ouvriers. Buvez le poison parle de la grandeur et de la petitesse de l’homme. C’est une exploration de la psyché humaine. Une méga analyse de moi, de mes névroses, de la haine de soi et de l’absurdité de notre condition. Mais toujours avec un certain détachement.” Plutôt que de parler de ce qui se passe, Paul parle de ce qu’il vit. “Je me suis bien mis mal. Je suis tombé assez bas. J’ai un peu l’impression d’être descendu en rappel dans les fosses de l’enfer du cerveau humain.

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