Pierre de Maere, en concert à l’OM: « Je veux que mes chansons soient accessibles à la première écoute »

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Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Lancé par l’EP Un jour je marierai un ange, étiqueté next big thing en France, Pierre de Maere réussit son premier album, en assumant sans complexe ses envies pop. Il se produit à l’OM, à Seraing, ce jeudi soir.

Bien sûr, sa maison de disques lui a proposé de prendre un pseudo. “J’ai un label merveilleux, mais ils ont eu un peu peur. Mon nom leur semblait trop compliqué à prononcer pour le public français. Ils m’ont fait une série de propositions, mais j’ai tout refusé, ça finissait toujours par sonner comme un projet bobo parisien…” Pierre de Maere a bien fait. En tout cas, cela n’a pas empêché son électropop distinguée de trouver un certain écho, et ce des deux côtés de la frontière.

La semaine prochaine, le jeune Belge concourra d’ailleurs aux Victoires de la Musique -dans pas moins de deux catégories, Révélation masculine et Chanson originale (pour Un jour je marierai un ange). Il y croisera forcément Stromae -quatre nominations-, compatriote et modèle avoué. “Racine carrée est un album parfait, tout est tellement bien ficelé du début à la fin.

Comme Paul Van Haver, Pierre de Maere affiche des traits volontiers androgynes et une tendance à rouler ses “r”. Comme le Maestro, il travaille également en famille: son frère Xavier de Maere, ingénieur du son diplômé de l’IAD, mixe et contribue aux arrangements de tous ses titres. Et puis, il y a également en commun une certaine belgitude. Que ce soit via “une attirance pour le surréalisme, qui se retrouve par exemple dans les photos de presse, où vous pouvez trouver des références à Magritte”. Ou encore “dans l’écriture décalée, la dérision un peu loufoque de certains titres, comme Enfant de”.

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À vrai dire, cette forme de second degré a pu jouer des tours au jeune chanteur. Avec ses airs de dandy maniéré et sa moue boudeuse, Pierre de Maere n’a jamais eu peur de passer pour une tête à claques. “Je vois ce que vous voulez dire. Oui, ça a pu créer des incompréhensions. Par exemple quand j’utilise le slogan: “Rendez-moi célèbre!” Ajoutez à ça les premiers visuels, très lisses, le côté Barbie et Ken, posés dans un décor. J’avais conscience que j’arrivais avec un personnage qui pouvait ne pas être attachant. Mais depuis mon enfance, j’ai été bercé par les tubes. Mes icônes, telle Lady Gaga, sont des figures populaires qui font une musique fédératrice. De la même manière, je veux que mes chansons soient accessibles à la première écoute. Donc quand je dis “rendez-moi célèbre”, ce que je demande, ce n’est pas la fame, la célébrité sans rien faire, mais plutôt “écoutez mes morceaux!””

Magie des algorithmes

Né à Uccle, en 2001, Pierre de Maere d’Aertrycke grandit à Woluwe, avant de déménager dans une ancienne ferme à Walhain -un peu plus de 7 000 habitants dans le Brabant wallon. Dès 11 ans, il trompe son ennui sur GarageBand, avec lequel il compose ses premières chansons, en autodidacte. À l’adolescence, il dévie un temps vers la photo, entame même les Beaux-Arts à Anvers. Mais la musique finit par le rattraper. “À 18 ans, je tombe aussi amoureux pour la première fois. Je me suis dit qu’une chanson allait pouvoir m’aider à séduire.” Le morceau s’intitule… Judas -pas certain que le plan ait réussi.

À ce moment-là, Pierre de Maere chante encore en anglais. Un an plus tard, il bascule vers le français et publie Potins absurdes, posant dans sa baignoire en chemise Valentino. Via la magie des algorithmes et d’une playlist Spotify, le titre arrive dans les oreilles de Théo Hotuqui, directeur artistique du label français Cinq7 -qui abrite aussi bien Philippe Katerine que Dominique A. “Au-delà du morceau, il a surtout kiffé le phrasé, le personnage, l’identité déjà définie. Dans la foulée, je lui ai envoyé une série d’autres maquettes et, sur cette base-là, on a signé pour quatre albums.

On est en 2020. À partir de là, la machine se met rapidement en branle. Premier concert au club de l’AB, apparition à la cérémonie des Magritte, passage sur le plateau de Quotidien, chez Laurent Ruquier… Pierre de Maere a à peine 20 ans et se retrouve directement jeté dans le grand bain. Ce qui n’est pas pour lui déplaire. “Je redoute déjà d’avoir 30 ans! J’ai toujours aimé l’idée de jeune prodige. Ce qui n’est absolument pas mon cas. Mais oui, je pense que mon âge est un atout et j’essaie d’en profiter le plus possible.

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Par exemple avec un premier album pop-chanson plein de panache. Son titre? Regarde-moi, injonction exhibi que les paroles ambiguës de la chanson en question viennent toutefois nuancer -“Ce soir je fais des bêtises/J’m’arrache à coup de tise/La foule adore ma triste comédie”. Car, derrière la pose glacée de wannabe arriviste, Pierre de Maere n’a aucune peine à craqueler le vernis. En interview, le jeune chanteur est même plutôt drôle. Étonnamment cash aussi, n’hésitant pas, l’air de rien, à piquer gentiment ses collègues, au moins autant qu’il se flagelle lui-même, avec une sincérité assez désarmante -“Je sais que je ne chanterai jamais comme Céline Dion, mais je dois encore bosser ma technique vocale pour être au moins juste sur scène, ça fait partie de mes objectifs importants pour 2023”.

Willy Wonka électropop

Doué pour l’ironie, mais loin par exemple du cynisme synthétique de l’hyperpop, Pierre de Maere figurerait plutôt un genre de néo- classicisme pop. Avec la volonté évidente de briller, mais sans donner à ses chansons une dimension politique. Ni vouloir en faire un outil de développement personnel ou même une quête existentielle. “J’ai cette recherche de reconnaissance, mais aucune revanche à prendre sur la vie, ni de réelle blessure à guérir. On m’a toujours regardé, apprécié, j’ai toujours eu pas mal d’amis à l’école, etc. Donc j’ai vraiment l’impression que ce qui m’anime avant tout, c’est la passion pour la musique, l’écriture et les choses que j’estime belles.

Et l’envie d’enrober tout ça d’une image, soignant son personnage.Oui, même si ce n’est pas non plus un alter ego ou une carapace. Avec le temps, j’ai même l’impression qu’il y a de moins en moins de distance entre ce que je suis à la ville et à la scène… En fait, j’aime bien l’image de marchand de rêves. On m’en a vendu beaucoup plus jeune, j’ai envie d’en proposer à mon tour. Un peu comme Willy Wonka. Quelque part, j’aimerais bien être le Willy Wonka de ma génération!

Pierre de Maere, Regarde-moi (7), distribué par Wagram. En concert entre autres le 22/03 au Reflektor (Liège), le 18/05 à l’AB (Bruxelles).

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