Critique | Musique

On était au concert de Soulwax, à l’AB : une frappe chirurgicale

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Soulwax © Rob Walbers
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Concert - Soulwax

Date - 29/01/2024

Salle - Ancienne Belgique

Critique - L.H.

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Lundi soir, Soulwax donnait le premier de ses quatre concerts sold out à l’Ancienne Belgique. Sans nouvel album, mais avec un mix électro-kraut brutaliste, toujours imparable.

Vous avez peut-être vu passer ce meme récemment : si Retour vers le futur sortait aujourd’hui, Marty retournerait en… 1995. De quoi donner un fameux coup de vieux à ceux que l’on rattache à la génération Y. Ou aux fans de Soulwax. Du moins ceux de la première heure. On a souvent pensé à eux lors du premier des quatre concerts (sold out) que le groupe a donné à l’Ancienne Belgique, lundi soir. Que reste-t-il du band, formé à Gand en… 1995 (au passage, l’année de naissance d’Angèle, présente dans la salle) ? Celui dont le premier album post-grunge, publié un an plus tard, sera même produit par Chris Goss (Queens of the Stone Age, Kyuss) ? Pas grand-chose. Enfin si : Stefaan Van Leuven, bassiste indéboulonnable, et évidemment Stephen et David Dewaele.

Pour le reste, tout le reste, Soulwax n’a plus grand-chose à voir avec Soulwax. Depuis un moment déjà. Passé dans le tambour dance, via les 2manydjs, il est devenu cet hydre électro-techno-kraut-rock jusqu’au-boutiste. L’un des « jouets » des frangins Dewaele, jamais avares de projets cintrés – un mix de 24 heures ? OK ; un disque instrumental de synthé analogique avec le mythique EMS Synthi 100? OK ; une BO -celle de Belgica – constituée d’une douzaine de faux groupes ? OK.

Hot machine

Lundi soir, Soulwax réenfilait donc son costume le plus récent. Celui qu’il arbore, en gros, depuis son dernier véritable album officiel, From Deewee (2017). A l’AB, David, Stephen & Stefaan retrouvaient donc leurs… trois batteurs – Blake Davies à droite, Aurora Bennett au milieu, et Igor – Sepultura – Cavalera -, ainsi que Laima Leyton, la compagne de ce dernier, aux claviers. Visuellement, c’est imparable. Perchés sur des échafaudages, alignés de front, le trio de cogneurs domine tout. Eclairés par des lumières blanches presque cliniques, ils sont le moteur, la turbine. Dès qu’elle s’allume, inutile de résister, elle emporte tout.

En bas, les frères Dewaele, Van Leuven et Leyton fournissent le carburant. Tels des fous du labo, ils triturent leurs synthés, qui paraissent sortir tout droit de 2001 Odyssée de l’espace. Ici et là, la voix de Stephen tente de se frayer un chemin, presque fantomatique par exemple sur Missing Wires. Non pas noyée, mais immergée dans le magma. Elle amène d’ailleurs vers un premier pic, l’enchaînement Is It Always Binary/KracK.  

En 2024, Soulwax arrive sans nouvel album, mais pas sans nouveaux titres. Comme Polaris, dont les nappes de claviers font mine de calmer un peu la machine. Un peu plus loin, on devine également New Earth Time – inspiré par la proposition du scientifique néo-zélandais Mark Laugesen de découper la journée, non plus en heures et minutes, mais en 360 degrés. « 360 degrees of time », répète ainsi Stephen Dewaele, comme un mantra. Visiblement, Soulwax n’a pourtant toujours pas fait le tour de la question. Même en terrain connu, il reste ce groupe mutant, testant les frontières du format pop.

Malaxe

Le concert prend ainsi la forme d’un grand mix percussif et synthétique. Un long trip techno-kraut, qui fait remonter les motifs les plus catchy du groupe pour mieux les mélanger – Miserable Girl qui bascule vers E-Talking, pour dériver vers NY Excuse. Soulwax malaxe, gère ses effets, à la fois brut – voire brutal – et sinueux. Malins, les frères Dewaele préservent même l’effet de surprise dans ce qui pourrait, sinon, passer pour un passage à tabac techno en bonne et due forme. A l’image de Goodnight Transmission, le dernier des deux rappels, qui fait mine de musarder en père peinard, avant que le trio de batteurs-bûcherons n’accélère et se charge d’envoyer tout le monde dans les cordes.

A vrai dire, on en ressort un peu sonné. Pas forcément prêt à encaisser le choc. Dans une récente interview au Morgen, Stephen avouait d’ailleurs se trouver lui-même dans « un moment mélancolique à la Sakamoto », n’arrivant à écrire que des morceaux plus calmes au piano. Avant d’être rattrapé par la syncope des batteries et des machines. Lundi soir, elle était toujours aussi imparable.  

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