Critique | Musique

On a assisté au concert de AIR : jamais la nostalgie n’a sonné aussi cool

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Extrait du trailer de la tournée Moon Safari 2024 © D.R.
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Concert - AIR

Date - 29/02/2024

Salle - De Roma

Critique - L.H.

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Jeudi soir, à De Roma, à Anvers, AIR a rejoué l’intégralité de son disque culte, Moon Safari, 25 ans après sa sortie. Compte-rendu d’un voyage dans le temps – et l’espace – qui repassera par le Gent Jazz cet été.

Quel est le plus surprenant? Que Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin, alias AIR, aient décidé de repartir sur la route pour rejouer Moon Safari, premier album culte, sorti il y a (un peu plus de) 25 ans ? Ou qu’une bonne partie du public présent jeudi soir, à De Roma, à Anvers, pour assister à la première date belge de la tournée, ne devait pas être beaucoup plus âgé ? Un peu comme si l’album pour jeunes gens branchés de 1998 avait été endossé par les hipsters trentenaires de 2024. Logique.

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Voilà pour la sociologie de comptoir. On peut aussi écrire plus simplement qu’avec Moon Safari, AIR a pondu non pas son, mais bien un classique. Un incontournable de ce qu’on a appelé à l’époque la French Touch, courant électronique qui transformait tout à coup l’Hexagone en nouvel Eldorado du cool. Au-delà, Moon Safari reste un album essentiel de la musique pop pré-11 septembre, véritable ovni aux reflets futuristes et oniriques. Le genre de disque qui n’appartient, à vrai dire, plus à un seul public, ni même à ses auteurs.

Space is the place

A ce titre, il avait donc bien le droit d’être à nouveau célébré sur scène. En Belgique, les trois dates annoncées – celle d’Anvers et deux autres à Gand, en juillet – ont d’ailleurs très rapidement affiché complet. Pour l’occasion, AIR a décidé de suivre les règles de ce genre d’exercice : l’album, joué dans son intégralité, et dans l’ordre.

Sur le coup de 20h45, le batteur Louis Delorme est le premier à prendre place sur scène. Il est rapidement rejoint par les patrons. Entièrement vêtus de blanc, le trio se lance dans La Femme d’argent. Il suffit que JB Dunckel lâche les premières nappes enveloppantes de clavier, et que Nicolas Godin dégaine la fameuse ligne de basse, et tout se décante.

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C’est comme si l’album reprenait tout à coup vie, tiré de son sommeil. Se déployant sur une dizaine de minutes, la romance électro-pastorale louvoie entre les sons venus de l’espace.. Rarement un décollage aura été négocié avec autant d’élégance tranquille. Derrière, Sexy Boy met les gaz. De son côté, All I Need plane – la voix de Beth Hirsch samplée et distillée par bribes, avec des échos quasi dub.

Boîte à bijoux

Sur scène, le trio s’anime à l’intérieur d’une boite rectangulaire. Une box dont les parois immaculées évoquent un décor à la Kubrick, façon 2001 Odyssée de l’espace. Un décor étroit qui contient les musiciens, coincés entre quatre murs, comme s’ils étaient coincés dans leur époque. Rencontrés quelques heures avant le concert, Godin et Dunckel ne s’en cachent d’ailleurs pas. Rejouer Moon Safari en 2024 revient à présenter une œuvre, prise pour elle-même, tel qu’on pourrait le faire avec un film ou une peinture.

La boite qui occupe toute la largeur de la scène ressemble d’ailleurs à un écran de cinéma. Ou un tableau. Mais vivant. Loin sur disque clinique ou du doudou lounge, Moon Safari est ce drôle d’objet sentimental non identifié. Une humeur flottante qui, sur scène, se matérialise, sans rien perdre de son mystère. Ni de son aspect ludique. Sur Kelly Watch The Stars, Dunckel et Godin se tournent le dos, chacun bidouillant ses machines, sur fond de jeu vidéo d’arcade pixellisées (Pong !).

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Evidemment, rejouer un album en entier dans l’ordre est parfois contre-nature. Après quatre morceaux, AIR a ainsi « grillé » tous ses tubes. Malgré cela, le duo réussit la gageure de maintenir l’intensité du moment. Et de redécouvrir par exemple le long crescendo épique de Talisman, prenant par moment des couleurs quasi jazz. Sur Ce matin-là, AIR imagine un BO seventies, auquel Godin donne des touches d’harmonica à la Ennio Morricone. En tout fin, le piano de Le voyage de Pénélope ne fait, lui, plus semblant de cacher l’influence d’un Michel Berger.

Rétrofuturisme

Après avoir parcouru l’entièreté de Moon Safari, AIR quittera brièvement la scène. Avant de revenir pour une seconde partie en forme de best of. Il permet au groupe de montrer à la fois l’étendue de sa palette et sa cohérence. Entre romantisme échevelé (le toujours bouleversant Highschool Lover, sur la BO  de Virgin Suicides) et divagation cotonneuse (Alone in Kyoto, sur la BO de Lost In Translation). Poussées rock (Surfing On A Rocket) et profession de foi électronique (Electronic Perfomers).

Sur la marche en avant interstellaire de Venus, la box se transforme en un cockpit de vaisseau spatial. De l’autre côté des vitres, les galaxies défilent, jusqu’à ce que le navire mette les gaz et passe en « hyperespace », façon Albator. Un rétrofuturisme que Moon Safari avait parfaitement assumé et magnifié. Ce qui pose d’ailleurs la question à 2 euros : la nostalgie du public pour un objet sorti il y a 25 ans, qui jouait déjà lui-même de la nostalgie d’un futur imaginé, en fait-il un disque d’anticipation ? Vous avez deux heures.

La tournée des 25 ans de Moon Safari passera encore cet été, par le Gent Jazz, les 18 et 19/07. Une nouvelle réédition paraîtra également le 15 mars, distr. Warner.

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