Olivia Ruiz: « Face à la catastrophe, on sera plus égaux que jamais »

Olivia Ruiz: “Est-ce qu’il y a un prix à payer pour suivre sa voie? Oui, certainement, mais comme tout dans la vie.” © Charlotte Abramow
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Huit ans après son dernier album, et être devenue entre-temps une écrivaine à succès, Olivia Ruiz revient à la chanson avec La Réplique. Un sixième album qui chaloupe entre appel au corps et au cœur.

C’est un visage familier. L’air de rien, cela fait même maintenant un peu plus de 20 ans qu’Olivia Ruiz est apparue dans le paysage francophone. Pas besoin de rappeler quand -à la faveur de la première édition de la Star Academy, en 2001. Ni comment -en s’extirpant du télécrochet, et de sa notoriété fulgurante, pour tracer sa propre route: dès son premier album, J’aime pas l’amour, en 2003, elle s’éloignait du profil variétoche (collaborant notamment avec Juliette et l’ex-VRP Néry).

On passe donc vite à la suite. Sauf que. Le mois dernier, après s’être longtemps tenue à l’écart du programme, Olivia Ruiz est repassée par le plateau de Nikos, visiblement émue. Sa venue confirmait, en outre, l’impression que la Star Ac’ version 2.0 cherchait désormais moins à dénicher la prochaine nouvelle star qu’à alimenter sa propre nostalgie. Surtout, elle rappelait le chemin parcouru par la chanteuse née à Carcassonne (en 1980). Et comment sa gouaille sudiste s’est immiscée dans l’esprit collectif, identifiée par plusieurs générations. Ce soir-là, aux côtés des élèves, elle chantait un medley de ses incontournables: J’traîne des pieds, La Femme chocolat, Elle panique, etc. La preuve en temps réel qu’Olivia Ruiz a bien intégré le cercle très fermé des artistes dont on n’a pas besoin d’avoir l’intégrale de sa discographie pour siffloter les airs…

Appel à la danse

L’autrice-compositrice sort cette semaine son sixième album, La Réplique. Pour en parler, elle a fait le déplacement jusqu’à Bruxelles où elle a enchaîné les interviews pendant deux jours. Un abattage promo sans doute nécessaire après huit ans d’absence discographique. Mais qui n’a pas l’air de lui peser, rompue mais toujours pas blasée par l’exercice. Le tutoiement est naturel, la parole bavarde et sans chichi.

© National

Quand on lui demande par exemple quel regard elle jette aujourd’hui sur son album précédent, À nos corps-aimants, elle ne tourne pas autour du pot, comme beaucoup d’autres l’auraient pourtant fait. “C’est mon disque qui a le moins bien marché, puisqu’il a fini à peine disque d’or. Bon, ce serait indécent de se plaindre -aujourd’hui, un jeune artiste qui vend 40 000 albums c’est un énorme succès. Mais disons que je réalise aujourd’hui que je n’étais pas très bien. Je venais d’avoir mon garçon, j’étais un peu en post-partum. Quelque part, je suis fière d’avoir malgré tout réussi à faire un disque que je trouve toujours vachement chouette, dans un moment de ma vie où j’étais fragile.

Less is more

Cela n’empêchera d’ailleurs pas la tournée qui suit de faire le plein. Mais une fois de retour à la maison, Olivia Ruiz aura besoin de se poser. “Mon petit garçon a grandi dans un tour bus. Ce qui est une vie géniale, mais qui a un prix en termes de fatigue. Et puis, de toutes façons, la maternelle devenait obligatoire en France cette année-là…” La musique est donc mise entre parenthèses. Mais Olivia Ruiz ne disparaît pas pour autant. On la voit par exemple à la télé (le téléfilm États d’urgence), sur scène (son spectacle Bouches cousues), et surtout dans les rayons des libraires. Publié en 2020, son premier roman, La Commode aux tiroirs de couleurs, devient un best-seller (un demi-million de lecteurs). En 2022, Écoute la pluie tomber connaîtra le même sort.

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Un joli carton qui confortera son image d’artiste tout-terrain. Une chanteuse électron libre qui, après avoir réussi à s’écarter du carcan de la téléréalité, a toujours suivi ses envies. Dans le cas de son nouvel album, elle tenait ainsi à “rester assez minimaliste, en mode “less is more””, le tout en développant un “chaloupé permanent, qui soit un appel au corps. Ce qui passe par des textures électroniques, et une bonne rasade de sons reggaeton et cumbia.

Le prix à payer

Sur le morceau-titre, elle chante ainsi: “J’aime que ça parte du ventre et du bassin”. Dans le refrain, elle ajoute: “Je suis de celles qui nagent à contre-courant/Qui refusent le sens du vent. Sans surjouer pour autant la franc-tireuse rebelle. “Est-ce qu’il y a un prix à payer pour suivre sa voie? Oui, certainement, mais comme tout dans la vie. Rien n’est gratuit (sourire). Pendant quinze ans, par exemple, ma vie n’était que travail. Je ne voyais quasi plus ma famille, mes amis. Je me souviens avoir terminé la tournée de La Femme chocolat en pesant 40 kilos, avec un manager qui aurait pu me presser jusqu’à la mort si je ne lui avais pas dit de partir. Donc oui, c’est une vie parfois compliquée. Mais c’est aussi un métier passion. Par rapport à ma grand-mère qui faisait toujours la cueillette des pommes à 78 ans, ou mon grand-père qui était encore dans ses vignes à 82 ans, c’est difficile de ne pas me dire que j’ai des problèmes de riches.

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La lumière a changé

Sur La Réplique, Olivia Ruiz célèbre ainsi au moins autant ses petites victoires perso et ses nœuds amoureux que les combats collectifs, alternant le français et l’espagnol. Peut-être parce que, comme elle le chante dans Ce que je suis, “la lumière a changé”?… Le titre À toi évoque ainsi l’accueil des migrants, tandis que Tu danses revient sur le féminicide de Nadia Guillemain, tuée par son compagnon en 2021 -et sur laquelle Olivia Ruiz a écrit un texte pour l’ouvrage collectif 125 et des milliers, mené par Sarah Barukh.

Quant à La Pachamama, il prend la forme d’un conte écolo, en espagnol dans le texte. “En me lançant sur la thématique, j’avais peur de tomber dans les poncifs. Au final, j’en ai fait une sorte de film, façon Hellboy (rires). J’avais presque le court métrage en tête, avec le monstre à qui on fait du mal et qui décide de se rebeller. Donc je suis dans la fantaisie. Mais je dis quand même des choses. Et puis, je reviens quasi avec le même refrain qu’À toi, où je chante qu’on est tous identiques. Face à la catastrophe, on sera même plus égaux que jamais, tu vas voir (sourire). Même Jeff Bezos, il n’y coupera pas. Ce qui rend le drame vers lequel nous nous dirigeons pas si inintéressant au fond…

Olivia Ruiz, La Réplique, distribué par Pias.

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