Nuits Bota: Carl et les hommes-boîtes, timbré, radical et hors format

Carl et les hommes-boîtes © Sébastien Delahaye
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Artiste inclassable, Carl dessine avec La paroi de ton ventre un deuxième album à l’univers radical, angoissant et poétique. À voir aux Nuits (musée) ce lundi.

Illustrateur, vidéaste, musicien, « ou du moins bidouilleur », auteur, chanteur ascendant parleur, Carl Roosens est avant tout un raconteur d’histoires. Des histoires bizarres, flippantes, tordues, anxiogènes qui vous foutent les boules quand vous les écoutez tout seul le soir dans le noir du salon, avant d’avoir fermé la porte à clé.

Le projet qu’on connaissait du temps d’Où poser des yeux?, son premier album, sous le nom de Carl, est devenu Carl et les hommes-boîtes. Référence à un roman (L’homme-boîte) du Japonais Kôbô Abé. L’histoire d’un type qui a enfoui sa tête et le haut de son corps dans une boîte en carton pour sortir physiquement de la société et ne plus en être que spectateur. « Cette idée m’a touché, marqué. Je trouvais ça très beau, ces gens qui se retirent du monde pour observer ce qu’il s’y passe. J’y ai vu un parallèle avec moi. J’aime regarder les choses dans le détail pour mieux les décrire. Ausculter les gens pour en dresser des portraits. Des portraits mélangés au fantasme. À ce qui me trotte dans la tête, à ce que j’ai lu, à ce qu’un ami a vécu… »

Sorti de l’ERG (l’Ecole de Recherche Graphique), Carl a plus qu’un faible pour Dominique A, Mendelson, Arlt, son pote Veence Hanao… Il revendique aussi l’influence d’un réalisateur comme Alain Cavalier. « Cavalier a commencé dans des grosses machines. Puis il a fait des films avec sa petite caméra DV. Des portraits de personnes. Il crée des rencontres, prend le temps, pose un regard… Je trouve ça fascinant, touchant, juste. J’aime beaucoup Claire Denis aussi. Sa façon de raconter, très belle. Leurs approches me plaisent et m’intéressent. »

Quand il évoque « la manière d’allier la réalité à des univers bizarres et tarés » que prône le bédéiste américain Daniel Clowes (Comme un gant de velours pris dans la fonte), Carl pourrait tout aussi bien parler de lui.

Une petite histoire en bande dessinée (« celle d’un mec en bagnole qui voit un bout de bois, que des bûcherons tentent d’assassiner, se jeter sur sa route ») lui a inspiré la chanson Bûche. « J’ai voulu entrer dans la peau d’un arbre et imaginer ce qui lui passe par la tête pendant qu’il se fait découper. »

La musique de Carl est aussi timbrée, radicale, hors format que ses textes. Il la concocte avec Emmanuel Coenen, Pascal Matthey et les deux Cédric, Manche et Castus, lors de sessions de recherche musicale. De chipotages entre musiciens. Quand ce n’est pas Noza, ancien acolyte de Veence Hanao, qui s’en charge. « Noza m’a mis le pied à l’étrier. Poussé à faire de la musique. Il comprend mon univers. Mon écriture. Il m’emmène toujours là où je ne m’y attends pas. C’est dur de mettre en image, ou même en musique, quelque chose que tu as déjà raconté. La collaboration est d’autant plus essentielle. Du fait que plein de gens y participent, un album est pour moi quelque chose d’incontrôlable. »

C’est sans doute en partie ce qui fait de La paroi de ton ventre, objet musical non identifié, un incroyable, inquiétant et poétique voyage qui prend aux tripes et qu’on vous recommande d’écouter en circulant. « Je ne sais pas si je suis un angoissé. J’ai l’impression de glisser beaucoup d’humour dans ce que je fais. Mais j’ai des questionnements comme tout le monde. » Qui oserait s’en plaindre?

CARL ET LES HOMMES-BOÎTES, LA PAROI DE TON VENTRE, CHEZ HUMPTY DUMPTY. (****)

Le 6 mai aux Nuits Botanique (Musée).

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