Night In, Night Out #19: Magistral Aguayo

Un nouveau week-end de passé. L’occasion pour Guillermo Guiz, notre chroniqueur nocturne, de jeter un oeil vitreux et imbibé dans le rétroviseur.

Ca commence en famille, dimanche après-midi. Calogero et Stanislas minaudent sur MCM, comme un clip d’anticipation. L’anticipation de l’enfer. Coincé entre l’intégrale du rocker en plastique et une virulente gueule de bois, je me sens aussi inspiré qu’une amibe comateuse dans un kwistax rouillé. C’est beau l’alcool, beau comme un visage boursouflé et le Kalahari entre les gencives. La nuit de samedi, pour paraphraser le champion d’Europe de l’euphémisme, s’est révélé un tantinet compliquée. MCM, tu pars en chicon: mais heureusement qu’après l’encéphalogramme surnaturellement plat de Mozart, l’opéra rock, Simply Red débarque avec le superbe I’ll keep holding on. Et je me sens tout revigoré. Ou presque. Diable, que Matias Aguayo a été bon samedi soir, au Libertine Supersport. La toute grande classe.

L’été dernier déjà, le Germano-Chilien avait retourné les Ardentes dans tous les sens avec sa house chaleureuse, pleine de groove, de bricolages, de bruitages, de sincérité. On l’avait annoncé mi-live, mi-set DJ: multiplié entre les percussions, les platines, son micro et sa furieuse envie de danser, Aguayo a créé une authentique bulle musicale de laquelle il s’est révélé totalement impossible de s’échapper. Complètement organique. Complètement électrisant. Vachement glucose. « C’est de la balle! », m’a répété huit fois Bernard Dobbeleer, à qui je fais toute confiance en matière de goûts musicaux. A la télé, Will Smith, costume noir, bounce avec des extra-terrestres, Edwyn Collins enchaîne avec l’irrésistible A Girl like you. L’amibe se réveille doucement.

Les soirées mémorables sont trempées dans un cocktail singulier. Celui, en l’occurrence, d’une traîtresse enfilade de caipiroskas, d’une compagnie agréablement urbaine, de sons euphorisants, d’une vibration quasi tribale. J’ai passé deux heures en groupie de Matias Aguayo, mouillant le maillot jusqu’au trognon, littéralement, criant « vamos Matias » comme une gamine face à Fritz (prénom d’emprunt) de Tokio Hotel, m’appuyant sur mes restes d’espagnol pour l’inviter à accompagner ma déchéance. « Subete, nos tomamos una copa! » Pas venu. Pas grave. Si tu lis ceci, Matias, c’est quand tu veux: je pourrais devenir ton meilleur ami et on jouera à la Sega ensemble. Quoi? Qui sait? J’ai appris que le sieur Guetta en personne aurait ouï la chronique « J’aime pas les DJ’s » de mon estimée collègue Myriam Leroy. Où elle le traitait de Playmobil. Ay Ay Ay…

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Plein à craquer, le K-Nal, pour la deuxième nuit consécutive d’ailleurs: la veille, le cabanon le plus branché de la ville s’était transformé en catwalk géant pour une soirée Anarchic dédiée aux mannequins de l’agence Dominique. Grosse ambiance post-ado décadente, avec une brochette de modèles aux longues tiges. Suis pas resté très longtemps, ceci dit. Juste assez pour confirmer que le bébé de Benoît Vano se porte on ne peut mieux entre les mains juvéniles et enthousiastes de la plateforme PlayLabel. Depuis l’évaporation des soirées Hot Couture, Playa Noche, Backstage, Hôtel Costes, Women on Top ou Deep Senses, Anarchic trône un peu seule au sommet des sauteries trendy à tendance fashion-clubbeuse. La crise a tétanisé les annonceurs, désormais bien réticents à l’idée d’alimenter la machine nocturne bruxelloise. Seul le magazine Elle fait encore de la résistance, mais on s’amuse dans ses soirées comme dans un colloque sur le déficit budgétaire en Azerbaïdjan. Purée, Seal, il a une drôle de peau. Et Jean-Jacques Goldman a quelques jolies chansons collées au CV.

En attirant dans ses rets la crème du bichon bruxellois, à qui il sert une électro-pop accessible mais intègre, le concept Anarchic a tout compris à la vie. L’ensemble de week-end, par ailleurs, s’est révélé particulièrement riche en bichonneries. Ça n’a pas arrêté. Commencé jeudi au Callens Café, resto qui s’encanaille gentiment après 23h, et où le bichon s’attroupe systématiquement en bans. Info service, cher lecteur: bien apprêté, pomponné, le bichon aime les avant-soirées au Callens. Avant d’aller s’ébouriffer le string aux Jeux d’Hiver. MCM encore, en fond d’inspiration, la tête dans le sable, quinze vodkas dans les veines: « J’entends le loup, le renard et la belette », chante curieusement Nolwenn Leroy, la soeur de Myriam (?). Mais que fait la police? Et Manau?

Jeudi. Après le Callens et un passage express à la Woodstrasse, remplie comme l’estomac de feu Carlos, je tente à mon tour les Jeux. Présenté comme ça, rien d’exceptionnel. Je répète: je tente les Jeux. Seul. Sans un ultra-habitué pour assurer le coup. Et J’ENTRE. Aux Jeux. Seul, grande première! I’m in!!! Ca y est, je peux déménager à Uccle. Faut savoir qu’il fut une époque, pas si lointaine, où les portiers des Jeux d’Hiver, qui est au divertissement BCBG ce que Charles Michel est à la tête de winner, se faisaient un plaisir d’interdire à mes vieux os l’entrée de leur triste gourbi. Genre tout le temps. Mais je réessayais. Encore et encore. J’étais un rebut, d’accord d’accord. Mais comprends-moi: plantés dans l’antichambre Ronny-Ralf Lauren des Jeux, le Barabar, mes potes et moi voyions tous les jeudis le bichon s’en aller vers 1h, nous laissant patiner fébrilement avec nos alter egos jupées, les filles en soldes. Cruel. Frustrant.

Mais tu sais que Stromae himself s’est fait recaler aux Games, voici quelques semaines? Véridique. Ouille, Florent Pagny sur l’écran: « Tout le monde veut un jour être heureux. Je voulais te jeter des fleurs, sentir le parfum du bonheur. » Je le verrais bien aux Jeux d’Hiver, tiens, le Pagny, à suçoter une coupe en se plaignant des impôts. Fascination malsaine, curiosité, complexe social, va savoir: en sortant, j’ai filé 5 euros au portier, comme pour dire « c’est bon là, t’arrête de me casser la tête. Pour toujours ». Pathétique. Cela étant, je parlais de cocktail particulier pour soirée réussie: peu importe, en définitive, si 70% des clients des Jeux se touchent en imaginant Sarko enfiler Didier Reynders, suffit d’être bien accompagné, d’être gentiment alcoolisé, de tomber sur de bons DJ’s. Et ça rentre comme dans du beurre. Mes doigts vérifient que c’est bien mon cerveau qui commande cette phrase: oui, la musique était plus que correcte jeudi, aux Jeux d’Hiver. Sous l’impulsion de Mathias Andrianne, un habitué du Marquee. L’after a compromis la suite: il était 9h30 quand j’ai enfin fermé boutique…

Autant dire que mes bonnes résolutions de l’année (aller plus souvent au Fuse, par exemple) sont restées collées au fond de mon verre. Vendredi, pourtant, la FormaT prenait à nouveau ses quartiers bruxellois au Blaes 208. Encore raté. J’irai la semaine prochaine. Par contre, puisque « Night in Night out » semble virer à la chronique mondaine, suis passé vite fait à la Piper Stiletto, qui se tenait au Smoods, le classieux lounge-bar de l’Hôtel Bloom. Aux plaques, un certain Cosy Mozzy en plein set discoïsant à destination d’une foule clairsemée. MCM, tu vas trop loin: My heart will go on de Céline Dion. Qu’on me cloue à une porte. Donc, je disais: au Smoods, le champagne Piper s’était allié à Louboutin, chausson préféré du bichon, pour concocter une soirée un peu fashion comme ça. Mwais. Tiens, chouette: l’oubliée Shola Ama vient nager dans la soupe pop confectionnée au gant de boxe par MCM.

Des hôtesses, masquées façon Eyes Wide Shut, passaient entre les convives avec des hauts talons Louboutin présentés sur un plateau. Là encore, quand ça clinque, le bichon respire la santé. Paraît que la rédac’chef de Elle Belgïe choisissait elle-même l’heureuse élue, celle qui repartirait avec les tshoes à plein d’euros. J’aurais mieux fait d’aller gigoter dans cette improbable soirée underground à Forest, où jouait le sémillant Bernard Dobbeleer, encore lui. Anti Tapas, que ça s’appelait, et c’est mensuel. Inconnu au bataillon. MCM, j’en peux plus, je te zappe. « C’était très alternatif, mais complètement blindé, avec une ambiance de feu », m’a confié Bernard. Qui ne l’a pas précisé, mais c’est pourtant clair: là où les dreadlocks s’entassent, le bichon ne met pas les ongles. Et c’est bien dommage. Ou pas. Rideau.

Guillermo Guiz

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