Live coding: le mariage geek des algorithmes et de la musique

Les "live coder" programment littéralement leur musique. © Getty Images/iStockphoto
Elisabeth Debourse Journaliste

Quand les nerds sortent de l’ombre et font de la musique, elle est faite de lignes de code, improvisée et publique. Le live coding pourrait bien faire parler de lui à l’avenir (et pas que dans une galaxie lointaine, très lointaine).

Une cascade binaire verte fluorescente sur fond noir, c’est à peu près l’image que beaucoup d’entre nous se font du code, langage technologique obscur. S’il nous semble difficilement maitrisable, certains le domptent et le font même chanter. C’est le cas des « live coder », ces programmeurs pianistes d’un autre temps et d’un autre clavier. Bienvenue dans l’univers du live coding, où la musique unit culture geek, clubbing et philosophie du hacking.

L’algorave, nouvelle scène électro

Des rythmes aliens et futuristes mêlés à une ambiance de rave-paty; c’est l’algorave, une scène club émergente issue du live coding et disons le franchement, très expérimentale. L’artiste-programmeur crée un son hypnotique et atypique grâce à une succession de lignes de code ou de graphes. Le genre peut être extrêmement différent d’un live à l’autre, allant de l’ambient, à la drone techno en passant par une discussion entre R2D2 et C3PO. « Dans l’idée, on se rapproche de l’esprit punk, mais côté son, on est parfois plus proche du free jazz », explique Alex McLean, créateur du label de musique algorithmique Chordpunch, dans l’émission Tracks d’Arte.

Le phénomène a franchi nos frontières, puisqu’on retrouvait du live coding au Resonance Ghent, un festival de musique axé technologies. Le Live Code Festival, qui a eu lieu pour la première fois en avril dernier en Allemagne, se consacrait quant à lui entièrement à la musique programmée en direct.

Place à l’improvisation

Le résultat est toujours spontané, puisqu’en changeant le code en cours de performance, le live coder n’a bien souvent aucune idée de ce à quoi va ressembler l’ensemble musical. Dans le magazine Vice, McLean raconte: « Le code devient assez complexe et je peux le changer, mais je ne sais jamais exactement ce qu’il va se passer quand je le transforme. Ca devient quelque chose avec lequel je joue. » Les artistes improvisent donc, quitte à tout faire planter. Parfois, une virgule oubliée ou une parenthèse de trop peut plonger la salle dans un silence gênant, le temps que le programmeur comprenne d’où vient sa boulette.

En live, même si l’on ne comprend pas le code qui est projeté en temps réel sur un écran, l’expérience est immersive; la musique est créée sous les yeux du public, souvent très lentement, mais pour atteindre un climax fait de loops parfois surprenants. Il s’agit peut-être d’un type de musique un peu moins hédoniste que ce à quoi a pu nous habituer la scène électronique (ni dress code exubérant, ni pilules magiques, même rouges ou bleues comme celles de Matrix), mais avec une approche visuelle intéressante, se rapprochant du VJing.

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Codeurs partageurs

Si l’idée de regarder, pour le plaisir, quelqu’un en train de pianoter des balises sur un ordinateur peut sembler ridicule au premier abord, le live coding n’en reste pas moins un concept nouveau qui véhicule des valeurs étonnantes dans le monde de la musique, telles que le partage.

En effet, la règle d’or du live coding est « show us your screens! » (c’est d’ailleurs le titre d’un documentaire consacré au sujet). Tout est visible et se veut exprimé dans un langage de programmation « à la portée de tout le monde ». Les lignes de codes peuvent être téléchargées et utilisées gratuitement. C’est l’un des autres fers de lance du milieu: entre codeurs, on se serre les coudes! Alexandra Cárdenas, programmeuse et musicienne colombienne l’explique à Tracks: « Pour la communauté du Live Coding, la règle c’est: tu peux compter sur moi. Si tu es bloqué, je t’aide. Pour moi, c’est une nouvelle manière de penser. Rien à voir avec ce qui se passe dans notre société capitaliste: plus on possède, plus on est riche. Ici plus on partage, plus on s’enrichit. » Les logiciels utilisés pour la programmation musicale en live sont également open-source, c’est-à-dire libres de droits et d’accès.

Sur la scène club expérimentale, il faudra désormais compter sur le live coding, qui définit la programmation comme un art à part entière. Le code est libre de se mélanger aux autres domaines artistiques, pour créer des cocktails innovants, comme le robot taggueur de Thomas Lindemeier et Oliver Deussen, qui peint ses fresques sur base d’algorithmes. De quoi continuer à alimenter les fantasmes d’alliance homme-machine pour quelques temps encore.

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