Les groupes Kau et Schroothoop, représentants du Brussels Sound: « L’idée, c’est de mélanger les styles »

Matteo Genovese, de Kau (à droite): “Certains sont plus trap. D’autres plus techno. Nous, avec Kau, on mélange le jazz au hip-hop mais on y ajoute des synthés qui parfois sonnent comme du Jean-Michel Jarre.” © monday jr
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Avant de fêter leur label Sdban à l’Ancienne Belgique le jour de la Saint-Nicolas, Kau et Schroothoop expliquent leur vision du Brussels Sound.

Révélé en 2014 par la compilation Funky Chicken qui mettait à l’honneur le groove belge des années 70, Sdban est devenu en moins de dix ans l’un des plus influents labels jazz de notre Plat Pays. Et ce à un moment où le genre se réinventait, emporté par le souffle d’une jeunesse qui dégageait ses horizons et lui ouvrait le champ des possibles. La scène aujourd’hui est florissante, innovante, excitante. On va même pour la qualifier (du moins en partie) jusqu’à parler de “Brussels Sound”. “À la base, l’idée, c’est de mélanger les styles, le jazz, le rap, les musiques électroniques, pour en faire disons de la musique “alternative”, explique Matteo Genovese, le bassiste de Kau (ex-Kau Trio). C’est une nouvelle école qui propose un jazz plus accessible au public jeune. Qui essaie de créer une vibe se rapprochant des musiques disons commerciales. On connaît bien les musiciens de Echt!, de Jean-Paul Groove, de Tukan. On vient tous du Conservatoire, de l’école jazz classique. On a de la technique, des idées rythmiques assez complexes. Mais on les utilise avec des sources d’inspiration modernes. J’y vois plusieurs explications. La première étant que Bruxelles est pour le moment une ville dominée par le hip-hop et les musiques électroniques.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

L’expression Brussels Sound a émergé après la pandémie, mais cette tendance à mélanger les genres existe depuis longtemps en Belgique. “Je dirais même qu’elle résume une façon toute belge de faire de la musique, poursuit Matteo. Si on remonte le cours de l’Histoire, on trouve ainsi quelqu’un comme Marc Moulin. Issu de l’école classique ou jazz, il s’est orienté vers le funk dans les années 70 avec son groupe Placebo avant d’expérimenter avec la musique électronique et dance au sein de Telex. On vit dans une ville complètement folle où on est habitués à tout voir, habitués à accepter, à comprendre. C’est ce qui nous sort du commercial et du mainstream, je pense… Tu as beaucoup d’esprits musicaux différents et le public est très ouvert. Alors les gens essaient, expérimentent.

Matteo vient d’Italie. Il est arrivé en Belgique à l’âge de 13 ans et a rencontré ses camarades en secondaire à l’école européenne. Jan Janzen, le claviériste, est mi-italien mi-allemand. Et André Breidlid, le batteur, est mi-norvégien mi-suisse. “Beaucoup de musiciens arrivent en ville plus tardivement. Ils débarquent pour étudier le jazz avec des idées en tête mais découvrent Bruxelles où la techno et le hip-hop sont omniprésents et se disent qu’ils peuvent faire ça avec leurs instruments.

Le Brussels Sound donne à voir la musique électronique et la musique à danser. “Un musicien procure d’autres sensations qu’un DJ… Voir un être humain qui joue un morceau amène à l’apprécier autrement. On s’est un peu trop habitués à la musique faite par ordinateur. Le Brussels Sound, c’est ça. Ce sont des musiciens de jazz qui n’ont plus envie d’en faire mais qui veulent expérimenter. Faire de la musique plus moderne, plus actuelle. En gros, cette idée qu’on appelle Brussels Sound en Belgique, on la qualifie ailleurs de nu jazz. Ça vient plutôt d’Angleterre et des États-Unis. BadBadNotGood est un bon exemple. Ils partent du jazz, font du hip-hop, parfois en utilisant des synthés électroniques.

Rik Staelens de Schroothoop (au centre): “Jouer avec le bricolage et l’électronique est faisable partout dans le monde. Ce qu’on amène surtout, ce sont les gammes arabes, le style africain… On emploie des rythmes traditionnels mais aussi des éléments dance et drum’n’bass.”
Rik Staelens de Schroothoop (au centre): “Jouer avec le bricolage et l’électronique est faisable partout dans le monde. Ce qu’on amène surtout, ce sont les gammes arabes, le style africain… On emploie des rythmes traditionnels mais aussi des éléments dance et drum’n’bass. © Anna scholiers

Brussels Sound ou le grand mix

Matteo préfère parler de Belgian que de Brussels Sound. Parce que si les artistes sont pour la plupart basés à Bruxelles, ils n’en sont pas tous originaires. Puis, parce que Lander Gyselinck (maintenant installé dans la capitale) et son groupe STUFF., qui en sont les précurseurs, sont gantois. “Ils sont arrivés avec une technique de ouf. Une incroyable liberté. Des beats hip-hop qui font danser.” Pour lui, STUFF. est le père du Brussels Sound et le “centre for music” anderlechtois Volta, ce formidable incubateur, en est la mère. Avant le Covid, on était davantage éparpillés. Le Volta et Bruxelles ont été les premiers à se réveiller. Sans le Volta, je ne dis pas qu’il n’y aurait pas eu de Brussels Sound mais c’eut été plus lent. Il a accéléré le processus et l’arrivée d’une nouvelle vague.

Pour Matteo, un groupe plus ancien et métissé comme Black Flower relève lui aussi du son bruxellois… La capitale de l’Europe est clairement un carrefour des cultures marqué par les musiques de l’ailleurs. “Pour moi, avant tout, le Brussels Sound est un melting-pot de plein de sons et de cultures différentes qui se rencontrent ici, dans cette ville, réagit Rik Staelens de Schroothoop (traduisez par “décharge” ou “dépotoir”). Bruxelles est un grand mélange des cultures. Il y a par exemple beaucoup de musiciens gnawa. Ça a un véritable impact sur sa musique. Je vois le jazz comme un commentaire sur la musique populaire mais aussi sur la vie, sur ce qu’il se passe. Je trouve donc naturel que tous ces sons trouvent un chemin vers notre musique.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Autodidacte, ancien musicien de rue, Rik a entre autres fait de la musique avec des Bulgares et des percussionnistes sénégalais. Avec Schroothoop, il utilise des objets de récup, ou plutôt, devrait-on dire, des déchets. “Je suis arrivé à la lutherie sauvage par mon boulot. J’anime des ateliers dans le secteur jeunesse. J’ai exploré plusieurs pistes telles que le body drumming. Comme il n’y avait pas de budget, j’ai fait avec ce que je trouvais. C’était il y a quinze ans. J’ai commencé avec un petit violon assez charmant fabriqué avec un tube en carton, une conserve de thon ou de concentré de tomates et des fils de pêche. Puis aussi des cintres en guise d’archets. J’allais les chercher dans la rue Neuve après avoir repéré le jour où passait Bruxelles-Propreté.

Rik dirige toujours ces ateliers mais sa pensée a changé en matière de bricophonie. “Avec le succès de Schroothoop, je me suis interrogé. Je peux fabriquer une clarinette avec des tuyaux d’électricité mais une vraie clarinette sonne clairement mieux. Je me suis dit que je devais construire des choses qu’on ne trouvait pas dans les magasins. Je veux dire par là de nouvelles sonorités.” Le Brussels Sound et le recyclage font ici bon ménage…

All Things Sdban, avec Kau, Schroothoop et LupaGangGang le 06/12 à l’AB Club, Bruxelles.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content