Les cinq albums du moment à ne pas manquer

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Rap, French pop, R&B, et plus si affinités. Les choix de la rédaction du Focus Vif pour vous décrasser les oreilles.

Nourished by Time, « Erotic Probiotic 2 »

Avec sa voix de baryton flottante, rappelant volontiers un James Ingram renfrogné, Nourished By Time imagine une sorte de r’n’b halluciné, entre dérapage dark disco (Daddy) et new wave amoureuse (Unbreak My Love). En neuf titres, Marcus Brown de son vrai nom, parle autant de cœur brisé que d’esprit laminé (Quantum Suicide), perdu dans l’époque. Exemple avec l’épatant The Fields : sur le groove synthétique, Brown grince : « Once or twice I prayed to Jesus/Never heard a word back in plain English/More like signs or advertisements/Telling me to keep consumerizing » (« A l’une ou l’autre occasion, j’ai prié Jésus/Il n’a jamais daigné me répondre dans un anglais correct/Plutôt à travers des signes ou des panneaux publicitaires/Me disant de continuer à consommer »). Un vrai coup de maître. (LH)

Etienne Daho, « Tirer la nuit sur les étoiles »

Fabriqué entre l’été 2021 et l’automne 2022 à Paris, Saint Malo et Londres (passage pour les cordes à Abbey Road, avec quelques parties de piano enregistrées sur celui de Lennon), le nouvel Etienne Daho est un album pop à la fois orchestral, électronique et iodé. Avec des images tout maritimes de plage, de vagues, de phare, Daho parle de guerre en Ukraine, d’après Covid. Mais surtout d’élan amoureux. «Je jouerai à tous les hommes de ta vie que j’incarnerai à l’envi,» promet-il sur Boyfriend. «Nul besoin de me démasquer. Car je ne ressemble à aucun de tes ex» (sur le contagieux Virus X). Un joli disque avec du Burt Bacharach, une chanson en anglais (I’ve Been Thinking About You) et une pléthore d’invités (Unloved, Yan Wagner, Vanessa Paradis…). (J.B.)

Nabihah Iqbal, « Dreamer »

Sur ces dix nouveaux titres, la Londonienne Nabihah Iqbal glisse des introductions qui rappellent inévitablement les années 80. La native de 1988 ne s’en souvient forcément pas directement. Mais difficile de ne pas assimiler le début de This World Couldn’t See Us à des réminiscences salées du New Order des débuts, basse grumpy et claviers rincés… Ou encore, cette nette impression d’entendre The Cure dans les prémices d’Is This Where It Ends. Jeu de cartes, puzzle avoué, goût pour l’illusion et la complémentarité? Si Nabihah réalise de fait un album sous influences, c’est aussi pour les détourner et les emmener au grand air. (Ph.C.)

Billy Woods, « Maps »

En plus de 20 ans d’activisme musical, Billy Woods s’est définitivement imposé comme l’un des agitateurs les plus doués et passionnants de la scène rap indépendante US. Que cela soit avec Armand Hammer, son duo avec Elucid. Ou en solo. L’an dernier encore, il sortait Aethiopes, dont le groove tourbeux en a fait l’un des disques de 2022. De la même manière, Maps est un nouveau coup d’éclat. Pour l’occasion, Woods retrouve le producteur Kenny Segal (quatre ans après une première collaboration, sur Hiding Places). Album à tiroir, bourré de référence et de samples jazz rugueux (Facetime), Maps est non seulement le disqueles plus accessible de Billy Woods (voire un titre comme Waiting Around). Il est aussi l’un de ses plus aboutis. (L.H.)

Kalika, « Adieu les monstres »

Couettes de Lolita et couleurs flashy, propos décomplexés et girl power assumé, Kalika assume frontalement les codes de l’époque. Tout en prolongeant une certaine tradition pop francophone, qui va de Lio – « Je ne sais plus où donner de la langue/Oui, j’ai sucé tous les glaçons » sur les Glaçons – à Yelle, qui, invitée sur le même morceau, rigole : « Je suis sa mère ». Régulièrement, Kalika fait aussi éclater la bulle. Celle dont le pseudonyme rend hommage à la déesse hindoue Kali et à Sara La Kali, la sainte des gitans, communauté où elle a grandi, a visiblement des traumas à expurger. Derrière la « fête multicolore », pointent ainsi des récits plus personnels – tel que le hargneux Tepu dans le noir ou la drame de Sarah et Stéphane – qui rendent ce premier album plus intrigant qu’on ne le pensait. (L.H.)

         

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