Les Ardentes J2, hit collection

© Olivier Donnet
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Sous le soleil, le festival liégeois a vu pleuvoir les tubes, de Tyler The Creator à Hamza, en passant par Damso.

Les Ardentes, deuxième jour du reste de sa (nouvelle) vie. Et directement le point météo : ciel dégagé, plein soleil, le temps idéal pour les récoltes. Hamza, par exemple, n’a pas (encore) sorti de projet en 2022, mais il a semé toute l’année. Résultat : vendredi en début de soirée, c’était le temps de moissonner ses tubes de saison. Ajoutés aux précédentes cuvées, cela a donné un concert d’anthologie. Bon, comme d’hab avec le Bruxellois, il ne se passe rien sur scène. C’est le no show dans ce qu’il peut avoir de plus « radical ». Pourtant, dans les coulisses, on se presse pour assister au concert : un indice qui ne trompe pas sur l’excitation que continue de provoquer le Sauce God, et son mélange amoral de rap cru et de r’n’b vicelard. Dégaine à la Maradona, il enchaîne les dribbles, pardon les hits, avec une facilité déconcertante. Il démarre par exemple, avec Jodeci Mob, Drill FR5 avec Gazo, puis God Bless avec Damso (mais sans Damso, pourtant présent sur le site), revient vers l’album Paradise (Dale, HS). L’apéro tourne carrément au festin quand Hamza finit par dégoupiller ses deux cartouches de saison : la roucoulade d’Atasanté, signée Tiakola, et l’excursion dance de Fade Up, avec SCH et ZEG P, prouvant que le rappeur a toujours le nez aussi creux quand il s’agit de détecter les dernières (https://www.youtube.com/watch?v=ay1l_u6vltY ) tendances (https://www.youtube.com/watch?v=yjki-9Pthh0 ). En toute fin de set, il se permet même de balancer encore un inédit, avec ni plus ni moins qu’Offset en invité. La régalade.

Dans la foulée, un autre Bruxellois était de retour sur la grande scène. Avant de performer en salle à l’automne, Damso s’est offert un summer tour, autour d’un album, Qalf, sorti en pleine pandémie, et qu’il n’avait eu que peu l’occasion de jouer en live (le festival Fire Is Gold, l’an dernier, à Anvers). Après un compte-à-rebours, le rappeur lance ainsi les débats avec MEVTR, Zwaar, puis Vantablack. Une triplette fracassante, saturée en basses sombres et avec une hargne qu’on n’a pas souvent vue chez l’intéressé. Loin de certaines attitudes parfois un peu trop flegmatiques, Damso apparaît affûté et combatif. Après 2 Diamants, Ipséité est une première occasion de baisser un peu la cadence. C’est nécessaire : comme à d’autres moments de la journée, la pression de la foule a commencé à causer ses premiers malaises dans le public. « Ceux qui sont devant, ralentissez un peu », demande le rappeur.

Pendant la pandémie, celui-ci ne s’est pas contenté de sortir Qalf, en deux parties, pour maintenir son statut. Il a aussi continué d’ajouter les featurings marquants à sa collection déjà bien fournie (Mwaka Moon avec Kalash, Rêves bizarres avec Orelsan). Après Mosaïque solitaire, il détaille le son de l’été 2022, en glissant Rencontre (Disiz la Peste), enchaîné avec Dégaine (Aya Nakamura), puis Démons (Angèle) : imparable. Le 8 juillet 2016, Damso sortait son premier album officiel, Batterie faible. Six ans plus tard, il est devenu une superstar du rap francophone. A l’occasion de cet anniversaire, il balance BruxellesVie et insiste auprès du public : « Soutenez les artistes belges » (mais pas forcément les photographes, interdits de front stage). Et surtout, « émancipez-vous », dixit celui qui a créé son propre label et mène en effet désormais sa carrière à son propre tempo. Et selon ses propres codes, capable de faire chanter à une plaine entière des lyrics particulièrement crus, maître de sa bande-son, comme de son image. Le concert se termine d’ailleurs par des remerciements et crédits, façon générique de film.    

Dans le genre, Tyler The Creator est lui aussi un vrai personnage de cinéma – on l’imagine facilement dans un Wes Anderson. Tête d’affiche américaine de la journée, il arrive ainsi en chapka, short, doudoune, et sac à dos, gravissant le décor de montagnes, projeté sur le fond de la scène. Comme son prédécesseur, le rappeur californien est seul à occuper le podium. Et de multiplier ainsi les « tronches », tour à tour inquiétantes ou émouvantes, dansant ici à la Michael Jackson, là comme un pantin démoniaque. « I’m a psycho, huh ? », suggère-t-il sur Corso, en entrée. En tout cas un fameux coco. « Je vais passer l’heure qui vient à sauter et crier, j’espère que cela vous va », demande-t-il pour la forme. Lemonhead, Wusyaname, et Lumberjack se succèdent, tous tirés de Call Me If You Get Lost, son dernier album/mixtape sorti l’an dernier. En avril, il était récompensé d’un Grammy (Best rap album), comme son prédécesseur Igor, paru en 2019. Si Drake, Kanye West, Future ou Kendrick Lamar sont souvent cités comme les rappeurs les plus décisifs de ces dernières années, Tyler, The Creator a aujourd’hui les arguments pour revendiquer le même genre d’impact. Aussi bien sur disque que sur scène pour le coup. Avec une scénographie minimaliste mais visuellement canon, et surtout une musique, qui, entre « oldies » grinçantes (Yonkers) et dernières cartouches plus soul (Earfquake) , a montré toute sa folie et sa richesse. 

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