Le meurtre de Nipsey Hussle, un révélateur de la violence des rues américaines

© Mark Ralston / AFP
FocusVif.be Rédaction en ligne

La mort du rappeur californien Nipsey Hussle, abattu à bout portant dimanche à Los Angeles par un homme encore en fuite, met une nouvelle fois en lumière la culture de violence imprégnant les rues américaines mais aussi l’imagerie du rap. Une violence dans laquelle Hussle avait grandi et qu’il entendait désormais combattre.

Pour certains, la mort du musicien de 33 ans s’inscrit dans la lignée des fusillades des années 1990 dans lesquelles sont tombées de nombreuses stars du hip-hop, comme Tupac Shakur et Notorious B.I.G. Autant de musiciens talentueux, issus de quartiers défavorisés et souvent associés à des gangs, abattus dans la fleur de l’âge, dont Nipsey Hussle ne serait que le dernier en date? « La musique n’a rien à voir avec ça », conteste Najee Ali, militant des droits de l’Homme en Californie. « La pauvreté et les zones défavorisées, voilà ce qui génère la violence, pas la musique », martèle-t-il.

Les éloges funèbres, de stars comme Beyonce, Kendrick Lamar, Drake et Cardi B ou d’anonymes l’ayant fréquenté dans son quartier de Crenshaw, dans le sud de Los Angeles, insistent en effet beaucoup sur son engagement au sein de sa communauté. Et tous déplorent les fusillades qui déciment régulièrement les jeunes hommes noirs aux Etats-Unis, Nipsey Hussle comme les autres. « Ca fait mal », écrit ainsi sur Instagram le rappeur new-yorkais Nas. « C’est dangereux d’être un MC. Dangereux d’être un joueur de basket. C’est dangereux d’avoir de l’argent. Dangereux d’être un homme noir. » « C’est enraciné si profondément. C’est pas facile de changer ça. Dur de changer quoi que ce soit quand les gosses continuent à vivre dans la pauvreté », affirme-t-il.

Nipsey Hussle
Nipsey Hussle© AFP/Matt Winkelmeyer

La crédibilité par la violence

Pendant des décennies, le public a associé le rap aux gangs. A ses débuts, le hip-hop de la côte ouest des Etats-Unis s’est beaucoup développé sur les territoires des gangs, mettant en mots et en musique le dénuement et l’injustice sociale qui frappaient de nombreux quartiers dans les années 1980. La décennie suivante a assuré le succès du « gangsta rap » et ses textes faisant l’apologie des armes à feu, de la drogue et du machisme, avec des chefs de file comme Snoop Dogg, connu pour être un membre du gang des Crips.

« Le rap est un genre musical qui exige une grande authenticité de la part de ses artistes », explique Geoff Harkness, sociologue au Rhode Island College et spécialiste du hip hop. « Même pour des musiciens de rap qui n’ont pas d’intérêt ou de lien avec la violence, il existe une immense pression pour acquérir de la crédibilité via des actes violents », dit-il à l’AFP.

XXXTentacion au Rolling Loud Festival, Miami
XXXTentacion au Rolling Loud Festival, Miami© ISOPIX/Matias J. Ocner/Miami Herald

Voici moins d’un an, XXXTentacion, jeune rappeur de Miami réputé pour ses textes sombres, était lui aussi abattu. Sa courte vie avait été émaillé d’épisodes particulièrement violents, au diapason avec les stéréotypes trop souvent encouragés par l’industrie du disque, estime Geoff Harkness. « Les maisons de disques et les médias récoltent des fortunes en poussant de jeunes hommes noirs, souvent pauvres, à jouer sur leur passé criminel, voire à s’en fabriquer un, pour vendre davantage », assure le spécialiste, qui tient aussi les rappeurs pour « complices » de ce phénomène.

Comme beaucoup d’autres avant lui, Hussle appartenait à un gang -celui des Crips- et sa musique rappelait le gangsta rap des débuts. Mais ces dernières années, l’artiste s’était engagé pour combattre la violence à Los Angeles. Le lendemain de son meurtre, Hussle devait même rencontrer des responsables de la police pour discuter avec eux des moyens d’endiguer les actes des gangs et en éloigner les jeunes.

Plus qu’un rappeur

Hussle, né Ermias Asghedom, et d’origine érythréenne, avait investi dans son quartier de Crenshaw et c’est devant son magasin de vêtements qu’il a trouvé la mort. « Ce n’était pas seulement un rappeur », relève Najee Ali. « Nipsey était notre prince noir qui avait surmonté l’adversité et la vie dans le gang pour devenir un artiste nommé aux Grammy Awards, et l’un de nos leaders les plus influents dans la communauté », dit le militant. « Il aurait pu facilement déménager pour une propriété sécurisée. Il a fait le choix de rester. »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content