Critique | Musique

L’album de la semaine: A$AP Rocky – AT.LONG.LAST.A$AP

A$AP Rocky © DR
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

HIP HOP | Avec un deuxième album brillant, A$AP Rocky démontre qu’il n’est pas qu’un flow crâneur, et une belle gueule récupérée par le monde de la mode.

L’art du cool est toujours un exercice périlleux. Quand A$ap Rocky a déboulé dans le rap game, il y a quatre ans d’ici, c’est peu dire qu’il maîtrisait le sujet à la perfection. Une vraie gueule d’ange, avec une dégaine de lascar, et le « CV » qui l’accompagne. Né Mayers (1988), prénommé Rakim comme le rappeur de légende, A$ap Rocky a douze ans quand son père file en prison pour trafic de drogues, treize quand son frère se prend une balle dans une rue de Harlem. Ado, il erre avec sa mère et sa petite soeur, quasi SDF, pour finir par vendre du crack dans le Bronx… Dans les années 90, un tel parcours lui aurait assuré d’office un contrat dans une maison de disques. En authentique « millenial », A$ap Rocky préférera passer d’abord par la case mixtape. Par ailleurs, il jouera toujours moins la carte « gangsta » que celle du rappeur 2.0 décomplexé, amateur de skate et de fêtes enfumées. Pas besoin non plus de le rattacher à tout prix à son quartier de prédilection -Harlem-, ni à une quelconque scène new-yorkaise, le jeune surdoué préférant plutôt mixer les influences, qu’elles viennent de la Côte Est, Ouest ou, surtout, du Sud -d’Atlanta à Houston en passant par Miami.

Il faut ajouter à cela un certain sens de l’élégance canaille -le swag, comme on disait en 2011-, qui transformera le bonhomme en parfait client fashion. Sa connexion avec le Belge Raf Simons, aujourd’hui directeur créatif chez Dior, semble par exemple bien réelle, pas du tout anecdotique. A force de fréquenter les défilés, A$ap Rocky avait cependant fini par troubler un peu le message: avait-il vraiment l’épaisseur pour proposer autre chose qu’une figure de mode un peu creuse? Une fois les fumées du cool dissipées, que restait-il réellement du jeune prodige?

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Rap digest

La réponse se trouve dans son nouveau AT. LONG. LAST. A$AP. Deux ans après son premier album « officiel », LONG. LIVE. A$AP, Mayers sort une suite solide, qui sans être parfaite, peut être ajoutée sans problème à la liste, déjà impressionnante, des réussites rap de 2015. Avec ses 18 titres (66 minutes), le disque est d’abord consistant, tenant admirablement la longueur. Produit par Danger Mouse (de retour au hip hop, après ses travaux pour les Black Keys, U2…), et A$AP Yams (compagnon de route, décédé en janvier d’une overdose, et auquel la pochette rend directement hommage), l’album regorge également d’invités: de Kanye West à Mos Def, en passant par Miguel (en duo virtuel avec Rod Stewart sur Everyday), M.I.A., Future ou Schoolboy Q. Une profusion dans laquelle le principal intéressé aurait pu éventuellement se noyer, s’il ne restait en permanence au centre du propos. Son flow y est pour beaucoup. Aussi pâteux que magnétique, A$ap Rocky épate par sa manière d’occuper l’espace. C’est spectaculaire sur des titres aussi décharnés que Canal St, ou aussi drogué que le terrible Fine Whine. Mais même dans les sorties les plus « soul » (Jukebox Joints), Rocky maîtrise son sujet.

Bon résumé des principales tendances du rap de ces cinq dernières années, AT. LONG. LAST. A$AP a tout de la superproduction (y compris les dérives pop souvent moins convaincantes). Mais sans que son auteur ne s’en retrouve jamais dépossédé, dirigeant les manoeuvres avec un cool décidément à toute épreuve.

DISTRIBUÉ PAR SONY.

EN CONCERT LE 10/07, AUX ARDENTES, À LIÈGE.

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