La semaine infernale

Lundi, c’est jury. Concours de miss, concerts improbables, soirées nineties, notre chroniqueur Guillermo Guiz a bien rentabilisé sa semaine, de jour comme de nuit. Night in, Night out, épisode 34.

Ca commence par une réflexion. Il est des semaines où l’homme, battu par l’ennui, cassé par la neutralité ambiante, voudrait bien réussir sa vie. Comme Henri. Il en est d’autres où, curieusement, les improbabilités s’enchaînent comme les caddies de ton Colruyt préféré, celui où pour the sake of ton portefeuille, les caissiers n’ont pas de caisse et les plafonds pas de faux plafonds. M’est arrivé des machins tout mystico-sentimentaux cette semaine. Joseph Mount, le leader de Metronomy, m’a expliqué avec une patience légèrement contrariée pourquoi le cricket était un sport hautement respectable. N’importe quoi. C’était vendredi soir, après l’éblouissant concert du quartet britannique. Metronomy vient de sortir l’album qui tue sa mère, après l’ancien album qui tuait son père. Suage animal, chantage karaokesque, sautillage batracien et crackage de slip: n’eut été la moiteur révolutionnaire du VK, petite salle des quartiers populaires de Molenbeek, j’aurais probablement pogoté ma vie comme dans un clip de Reciprok. Ouille, écriture automatique.

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Tiens, parlant de Reciprok (excellent enchaînement Geneviève, vous prendrez bien une petite Suze?), j’ignore si le garçon a touché ses royalties au Café Bota un peu plus tard dans la nuit. Parce qu’on était en pleine soirée « God Saves The Nineties »: ambiance chaudasse, 600 entrées bourrées blindées et des prints tout cheap des Spice Girls, de Michael Jordan ou de 7Extra sur les murs/vitres, un 7Extra avec Richard Grieco en couverture! L’avait la classe Richard, dans 21 Jump Street puis dans Booker, à l’époque où les séries américaines rivalisaient encore avec Navarro, Julie Lescaut et Les Cordiers dans le coeur des foyers bien éduqués. Cela ne nous rajeunit pas Geneviève (vous prendrez bien un pouce de Porto?), surtout qu’on a la vingtaine trainante et finissante, vous et moi, alors que les 599 autres festoyeurs nostalgésiques entraient manifestement à peine dans la grande décennie des désillusions.

Vingt piges. Et ça reprend du Haddaway en choeur! Tu parles sérieux ou quoi ici? Qui a bien pu faire découvrir Haddaway à ces kids? Nirvana, Metallica, Radiohead où toutes les joyeusetés qu’on a aimées ados, nous la génération 77-83, je comprendrais et j’approuverais. Mais Haddaway? What is love, baby don’t hurt me, ok c’est fort, ça parle aux Hommes. Mais ça vaut pas un beau chapeau, hein Geneviève? Puis comment tu expliques que les premières mesures de Freed From Desire déclenchent chez ces gamins (j’aime bien faire mon ancien combattant) une espèce d’hystérie généralisée et conductrice? N’empêche, Whoops Now de Janet, Simple & Funky d’Alliance Ethnik, Bye-Bye de Menelik ou Derrière les rochers de Sous le manteau, c’est toujours bien gai à se glisser sous la perruque, même si dans la sacoche, faut se farcir Pump it up (qui date de 2003, cela dit), I’m Blue et quelques autres fantaisies vaguement eurodance uber tarte à la crème. C’est le deal. Mais belle réussite en tout cas, et j’ai même vu une nana tatouée entre les seins. Bouya!

Tiens, je me demande bien si, après mon départ vers de plus modernes cieux, les DJ’s ont passé le cultissime Who Am I? de Snoop Dogg. A nouveau Geneviève, vous avez la transition subtile et enchanteresse, un petit vermouth pour faire passer tout ça? Ben oui, parce que si tu fais partie de la caste gazouillante et privilégiée des jeunes qui ne m’ont pas encore jeté de leur liste d’amis Facebook, tu sais peut-être que j’ai interviewé Snoop Dogg mercredi soir à Amsterdam. Après 6 heures d’attente. Des envies de meurtre. Je raconterai le bazar en détails dans les colonnes papier de Focus, sous ma casquette vernie de vrai journaliste, mais si je te parle de ça, c’est parce qu’entre Snoop et Metronomy, Myriam Leroy et moi-même avons assisté à assisté à une rencontre du troisième type, celle d’un micro et de Jean-Charles De Keyser. Et bien surprise ô surprise: le concert n’était pas si horrible qu’attendu. JCDK, tu m’étonneras donc toujours.

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C’était jeudi soir, le printemps avait sorti le décolleté et à la lisière de La Roue, quartier belgo-belge ultra-populaire d’Anderlecht, une brochette de supra-bourges s’était aventuré Koh-Lanta au Bizou. Au Bizou, promis-juré, un café-concert dans lequel le nouveau poulain d’Universal nous a gratifiés d’un récital simple & funky, dans une atmosphère Fort-Jaco ébouriffante. Bon, soyons clair: JCDK est un chanteur-catastrophe de chansons écrites au gant de boxe. Mais sa monocordie (la soeur d’Annie) a de quoi provoquer une douce somnolence bienvenue en ces temps de stress et d’amertume. N’eut été le confort soviétiques des chaises réquisitionnées pour l’occasion, je me serais probablement laissé aller au plus réparateur des sommeils du monde. Loin de moi, cela dit, l’envie d’égratigner à nouveau le crooner/patron de Belgacom TV qui, à son âge, a le mérite d’aller chercher son rêve. Mais si je t’en parle, c’est parce que l’auteur du flamboyant Bouchon Boulot (sur l’air de Shake your booty, de KC & The Sunshine Band, ça reste en tête, promis, comme une rupture difficile) s’inscrit parfaitement dans une semaine placée sous le sceau du surréalisme à la belge. Belge… Miss Belgique! Geneviève, vous êtes épatante et vos genoux sont ravissants, on ne loue pas assez la beauté d’une rotule bien ciselée, vous prendrez bien un doigt d’anisette pour cette transition remarquable?

Juré aux présélections de Miss Belgique. Quand je raconterai ça à mes petits enfants, ils n’en croiront pas leur trois yeux (je suis assez pessimiste quand à l’avenir de l’humanité). A Mons d’abord, à Dinant ensuite, j’ai dû jouer les analystes en beauté, les spécialistes du charme, les questionneurs raffinés. Et bien, première constatation: tu serais étonné de voir le nombre de sosies de Justine Henin qui se baladent dans ce genre de concours. Un juré de mes amis, dont je tairai le nom, s’amusait d’ailleurs à demander « tu aimes le tennis? » à ces jeunes filles au demeurant gentilles, sympathiques et essentiellement étudiantes en esthétique. Sauf une bouchère et une aide-ménagère super touchante, parce que complètement physiquement hors contexte, mais timide comme tout et manifestement désireuse de s’extraire par tous les moyens de sa situation. J’en parle encore avec un pincement au coeur, vraiment. Puis ça va mieux, parce qu’à la question (bidonne), « qu’est-ce que tu aimes boire », une jeune Namuroise répondit « de l’eau, j’adore l’eau », et le monde s’éclaircit à nouveau.

Dans les morceaux choisis, je pourrais te parler de ce bichon qui, tout à coup, commence à danser la rumba devant le jury. De celle qui aime chanter et se met à entonner, plutôt bien d’ailleurs, « Je l’aime à mourir » (je détourne les yeux, ça me gêne). De la question qui tue, signée par la présidente du comité Miss Belgique, soucieuse de connaître le niveau de néerlandais des candidates: « What eet je graag? » (pour une fois, la fille capte ce qu’on lui veut). « Pasta » « Met welke saus? » Et tout est dit… Je me rappelle aussi de ces nanas qui récitent un texte par coeur (« Et bien bonjour à vous membres du jury »), de celles qui aiment Julie Taton, de cette rousse lucide (« Je suis rousse et je sais bien qu’on dit tout le temps les rousses c’est pas beau et tout. »), du grand retour de la présidente (« Tu aimes manger des moules? »), de la seule candidate maghrébine d’origine (« Tu as fait ta prière ce matin? », s’interroge, de manière subtilement limite, un membre du comité national), de cette patriote (« Pourquoi veux-tu devenir Miss Namur? » « Parce que c’est une très belle ville. »), de ces phrases souillées par le stress (« Je ne parle pas néerlandais et d’ailleurs je le regrette. » « Depuis que j’ai l’âge de trois ans, j’en rêve. » « Mes zobbies sont le scoutisme et la danse. » « Le néerlandais, c’est un problème pour moi. » « J’ai 21 ans, je proviens de Bioul. » « J’aime bien tout ce qui est Patrick Bruel et tout. » …).

Ah oui, je me souviens aussi de nos petits mots de petits cons moqueurs, passés sur des feuilles A4 comme à l’école primaire: (« Elle fait du cheval, qui se ressemble s’assemble. » « Elle a envoyé une photo avec un cheval, mais qui est qui sur la photo? » « Elle a le plus petit menton du monde. » « C’est la fille d’Elie Kakou et d’une grenouille. »). On va encore me traiter de sexiste et tout, mais bon, ces jeunes filles offrent consciemment leur physique en pâture à des mecs comme moi, sensibles et compréhensifs en général (les passages en bikini me gênaient vraiment, l’impression d’être à l’abattoir, sauf quand elles étaient vraiment biches, l’impression d’être un pervers sexuel assoiffé de chair fraîche), mais volontiers bestiaux quand l’occasion s’y prête. De toute façon, le plus ridicule d’entre tous, comme d’hab, c’était ma gueule: décidant à l’improviste de dormir sur place, j’ai passé tout le dimanche avec un tee-shirt que l’ami Daniel C. m’avait prêté. Un tee-shirt XS. Echancré jusqu’au nombril. Sur un corps XL. Le plus beau sosie de Georges Michael, ce week-end, c’était moi. « Bonjour à tous, je m’appelle Geneviève (prénom d’emprunt) et je viens de Wasmes. » Et tout est redit. N’est-ce pas Geneviève, un petit Cécémel, pour la route? Rideau.

Guillermo Guiz

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