Critique | Musique

Justice – Audio, Video, Disco

ÉLECTRONIQUE | Revenu du triomphe de son 1er album, le duo électro français réussit un « Audio, Video, Disco », pourtant bourré aux références prog-rock gênantes.

Qu’on le veuille ou non, Justice aura bouleversé la donne. Avec leur premier album, +, paru en 2007, le duo français aura consacré un son et surtout une attitude musicale. Celle qui voyait le rock soumis au diktat de l’électro: après tout, leur premier coup d’éclat reste le remix du We Are Your Friends, de Simian, encore à ce moment-là un groupe rock. A moins que cela ne soit l’inverse: après tout, Gaspard Augé et Xaver de Rosnay ont également toujours revendiqué davantage l’influence de Metallica que celle, au hasard, de Derrick May dans leur musique… Soit. Le fait est que + a amené une nouvelle électricité, aussi cartoonesque ou ironique soit-elle, à l’électronique.

Quatre ans plus tard, le duo est de retour. L’option « métalleuse » a quasi disparu. Audio, Video, Disco plonge cette fois-ci dans -c’est le gimmick- le prog-rock des années 70. Autant dire le scénario du pire… La dynamique pourtant n’a pas foncièrement évolué. Horsepower a beau ouvrir le disque à coups de riffs de guitare électrique à cheveux longs, il développe la même emphase qu’un morceau comme Phantom, par exemple. Et, par certains aspects, le single Civilization sonne comme la suite logique d’un DVNO.

Cela ne veut pas dire que Justice n’a pas changé le décor. Ohio est le morceau californien de l’album, vocaux solaires et rêveurs sur arpèges à la Eagles. Brianvision est, pour le meilleur et pour le pire, un hommage au guitariste de Queen, tandis que Parade cite directement We Will Rock You. De son côté, l’intro de Canon sonne comme si elle avait été tout droit samplée d’un trip prog-rock médiéval à la Jethro Tull.

Décalage naïf

Le duo continue ainsi à marcher en équilibre sur le fil, entre références ironiques et amour sincère de la musique. On n’est franchement pas obligé d’y croire. Dès son 2e album, Daft Punk a fait le coup, louant une sorte de « décalage naïf » qui est devenu aujourd’hui monnaie courante. Dans le genre, un projet comme Aeroplane a encore été plus loin, citant par exemple les B.O. de Rocky et les bluettes italo-disco les plus cheesy… A sa manière, Justice enfonce encore un peu plus le clou. Quitte à risquer l’overdose? Le truc, c’est que, la plupart du temps, cela fonctionne…

Evidemment, Audio, Video, Disco reste un disque de « graphistes »: un album qui fonctionne à l’idée plus qu’au jet brut, au collage photoshop plutôt qu’à la fulgurance. Avec du coup ce paradoxe: il a beau multiplier les accroches et les clins d’oeil, il n’arrive jamais tout à fait à toucher. Malgré ça, la musique de Justice tient toujours moins de la pose crâneuse que de la posture, vrai choix cohérent assumé jusqu’au bout.

Clairement, Audio, Video, Disco est bourré de références que l’on a passé son temps à vomir (le prog rock, le rock FM californien…). Mais il n’arrive jamais pour autant à se faire détester. Allez comprendre…

Laurent Hoebrechts

Justice, Audio, Video, Disco, distriué par Ed Banger/Warner. ***
EN CONCERT LE 5/03 (COMPLET), À L’ ANCIENNE BELGIQUE, BRUXELLES.

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