Hashtag festival

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Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Si le net a décimé l’industrie du disque, il est par contre devenu l’outil indispensable des festivals. Twitter, Facebook, Instagram…tous les réseaux sociaux sont bons pour entretenir le sentiment de communauté.

18 août 2011. Ce jour-là, le Pukkelpop doit affronter une tempête aussi soudaine que violente. En quelques minutes, le festival se transforme en un véritable champ de bataille, des tentes et des chapiteaux s’effondrant sous le vent et la pluie. Le bilan est lourd: cinq festivaliers décèdent et près de 150 sont blessés, certains lourdement. Sur place, rapidement, les réseaux GSM saturent. L’info passe alors par les réseaux sociaux. Sur Twitter et Facebook, la solidarité s’organise spontanément. Trois mois plus tard, un groupe d’experts remettra au Ministère de l’Intérieur un guide sur l’utilisation des médias sociaux en situation de crise, se basant en grande partie sur les événements du Pukkelpop…

Les festivals n’ont évidemment pas attendu le drame de 2011 pour s’inscrire sur les réseaux. Chaque événement dispose aujourd’hui de sa page Facebook et de ses comptes Twitter et/ou Instagram. Le festival de Dour ne fait pas exception. Il a même été parmi les premiers à entamer la « conversation » avec son public. « En 2000, je suis arrivé pour m’occuper du site Web, explique Alex Stevens, aujourd’hui programmateur de l’événement. Dès l’année suivante, les forums de discussion étaient lancés. » Il s’agit d’abord de faire tourner l’information, de multiplier les canaux pour atteindre le public. Les festivals y dévoilent leur programmation au compte-gouttes, donnent les horaires de passage, renseignent un plan du site… Mais le plus important est ailleurs. Si les réseaux sociaux sont devenus si cruciaux, c’est parce qu’ils participent à la création du fameux « esprit de communauté »…

Champion toutes catégories: le Tomorrowland. Le festival dance charrie un nombre de « followers » record, aussi bien sur Facebook que sur Twitter: quelque 5,6 millions sur le premier, près d’un million sur le site de microblogging… Plus que tout autre festival belge, le Tomorrowland bénéficie d’une audience internationale -13 % de ses fans Facebook sont connectés depuis le Brésil, 9 % viennent du Mexique, 9 autres d’Allemagne, 5 d’Italie, 4 des Etats-Unis… « Du coup, explique Debby Wilmsen, responsable presse de l’événement, tous nos posts sont rédigés en anglais. L’objectif est vraiment de créer du lien avec le spectateur. Par exemple en l’interpellant par des questions ou en postant des vidéos/photos qui peuvent susciter un sentiment positif… » En 2011, le Tomorrowland a par exemple inauguré le principe d’after-movie. Diffusé sur YouTube, le reportage consacré à l’édition 2013, long de plus d’une demi-heure, a été vu à près de… 70 millions de reprises. Depuis quatre ans, le Tomorrowland se passe aussi de spot télé, radio ou d’affichage pour sa promo. « On n’utilise plus que le Web et les réseaux sociaux. » Résultat: il n’a fallu à nouveau que quelques minutes pour écouler les 180 000 tickets du double week-end anniversaire de 2014…

Mobilisation générale

A Dour, Alex Stevens a toujours la main sur les différents canaux. « Un mois avant le festival, un stagiaire arrive quand même en renfort. » Par exemple pour planifier les tweets qui peuvent déjà l’être, en utilisant des outils comme Hootsuite. « Exemple très simple: le tweet avec les coordonnées pour les objets trouvés est déjà prêt à être balancé dès le lendemain du festival. C’est bête, mais quand vous êtes le nez dans le guidon, c’est très pratique. » Pendant l’événement même, les comptes officiels tournent à plein régime. Une petite dizaine de photographes officiels alimentent Facebook, Twitter, Instagram, Tumblr… Ils ne sont pas les seuls: une quinzaine d’autres personnes diffusent également directement sur la « plateforme » Dour. « Le but n’est pas forcément d’avoir la photo de la tête d’affiche, qui risque d’être identique à celle prise le lendemain, sur un autre événement. Il s’agit plutôt de montrer les gens qu’on ne voit pas, l’ambiance, le décor, les coulisses… Si j’apprends par exemple que l’un des chauffeurs du festival prend des photos, je vais lui configurer son compte pour qu’il puisse poster directement sur notre profil Twitter/Instagram... »

Du côté du Tomorrowland, une seule personne est également en charge du « community management », pendant toute l’année. Derrière elle, par contre, c’est une vraie fourmilière. « Quelque 270 personnes travaillent sur des courts reportages pour Tomorrowland TV« , explique Debby Wilmsen. Plusieurs d’entre elles sont équipées de mini-caméras GoPro, histoire de s’infiltrer au coeur de l’action. De sept à huit heures de direct sont également prévues sur YouTube. En outre, une dizaine de photographes parcourent également le site. Cocasse: toute la matière accumulée sert évidemment à nourrir les différents canaux virtuels, mais aussi à illustrer un bon vieux journal, imprimé quotidiennement, et déposé le lendemain matin devant les tentes des participants… Au Tomorrowland, il est ainsi possible de recharger son gsm à tout moment, mais aussi d’envoyer une vraie carte postale ou de personnaliser un véritable album-souvenir papier envoyé à une véritable adresse physique… Comme quoi, le fameux sentiment de communauté ne passe pas que par la « matrix »…

Les réseaux sociaux n’en sont pas moins devenus incontournables. Un outil indispensable aux festivals pour affiner leur image, prolonger l’événement et fidéliser le public. Quitte d’ailleurs à ne mettre en avant que la facette la plus « glamour » de l’histoire. « C’est clair que vous ne trouverez par exemple aucune info sur les plaintes déposées par les riverains du Tomorrowland, avoue Debby Wilmsen. Nos médias sociaux ne servent pas à ça. Leur but est de créer un feeling positif, de renforcer le sentiment de fête, de vacances. »

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