Critique | Musique

Dez Mona feat. Box – Saga

MÉLODRAME | Entre baroque dégraissé et parfums héroïques, Dez Mona propose un 4è album funambule et gonflé, variante d’opéra-cabaret qui pose la question de l’identité.

Il y a 2 ans, on se met en boucle le troisième Dez Mona: Hilfe Kommt avance trouble et ambigu, comme un vieux film de Fassbinder revenant des limbes demander des comptes. On attendait donc la suite de ce rock mouillé à l’accordéon dans des bordels imaginaires d’Anvers et c’est une autre sorte de paquebot qui arrive à quai, comme nous l’explique Nicolas Rombouts, contrebassiste et partenaire créatif de Gregory Frateur, le chanteur à la voix cosmique: « Il y a 2 ans, Gregory et moi avons ressenti le besoin de faire des ballades: une rencontre avec 2 musiciens baroques de l’ensemble Box nous a permis d’esquisser un résultat avec de la harpe et du théorbe (une sorte de luth, ndlr). Et d’explorer un thème particulier: celui de l’identité. » C’est le cas de le dire: sans respecter les formes strictes de l’opéra -il n’y a ni acteurs ni livret-, cet album fait penser au genre, d’abord par la performance vocale de Frateur. Une émotion qui grimpe aux rideaux, théâtralise, place des microns de mélodrame partout où la musique le mène. Ce larynx qui s’amuse à provoquer les aigus est la marque première de Dez Mona et tout ce qu’il faut pour décourager ceux qui pensent et boivent pop-rock intégriste. « Le terme d’opéra a été un moyen de nous libérer de quelque chose, de nous révolter contre les catégories, de rassembler les 14 chansons qui traitent des racines et de la notion de « maison », précise Nicolas. C’est une quête personnelle même si les discussions politiques sur la Belgique peuvent donner un autre écho au thème. De fait, nous sommes fiers d’être anversois, flamands et belges. »

Analogique!

Alors oui, on peut être logiquement dérouté par l’aspect « contemporain » de la chose (cf. Soldiers) mais ce serait rayer l’élégance musicale qui englobe la performance du chanteur Gregory Frateur, unanimement formidable (cf. Automated Sun, A Part Of Our Lives). Cette musique, donc, digère toutes sortes d’influences: on peut y entendre du tango dévoyé comme du Brecht actuel, et les échos d’une lointaine tristesse anglaise à la Nick Drake (Now It Is Still). Passées les références, qui ne sont jamais que les repères approximatifs d’un scénario à plusieurs couches, restent le son et les chansons. Du premier, il faut dire qu’il a été magnifiquement saisi en analogique par le même ingé son que le disque précédent (Phil Delire), honorant tout autant un slap de contrebasse que la viole de gambe et le clavecin des invités baroques de Box. Quant aux morceaux, la plupart peu spectaculaires de premier abord, ils révèlent au fil des écoutes une grandeur d’âme et des nuances infinies qui assurent au disque une profondeur durable.

Philippe Cornet

Dez Mona feat. Box, Saga, distribué par PIAS. ****

Concerts en 2012 dont l’AB au printemps (date à préciser).

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