Critique | Musique

Chronique CD: Childish Gambino – Because the Internet

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

RAP | Vu à la télé (la série Community), Childish Gambino livre un album qui ne manque pas d’allure, brassant large dans les collections hip hop de l’année écoulée.

Chronique CD: Childish Gambino - Because the Internet

Il ne fallait sans doute pas choisir un titre pareil. Plusieurs jours avant sa sortie officielle, Because The Internet pouvait se trouver sans problème sur la matrix, disponible en téléchargement illégal. C’est ce qu’on appelle aussi la rançon du succès: Childish Gambino sort seulement ici son deuxième album pour une major, mais il est déjà l’objet d’attention de tous les « pirates » du Net. L’autre hypothèse étant évidemment que le bonhomme ait posté lui-même sa musique. Après tout, c’était bien ce qu’il avait menacé de faire, quand sa maison de disques a annoncé vouloir reporter la sortie du disque à l’année prochaine, pour éviter qu’il ne déboule pendant la période creuse de fin d’année. Pas question, avait rétorqué l’intéressé: « Décembre est le mois idéal. Les albums ont eu le plus grand impact sur moi quand j’étais seul, au calme. Et je sais que, quand les étudiants rentrent à la maison, que tout est fermé, c’est un bon moment pour écouter et être soi-même. » Rien que ça.

Petite précision: la reconnaissance, le rappeur a commencé par la trouver ailleurs, sur un autre terrain de jeu. Donald McKinley Glover de son vrai nom (Los Angeles, 1983), s’est en effet d’abord fait remarquer sur les planches -ses numéros de stand up-, mais plus encore au petit écran. Les amateurs l’ont notamment vu passer la tête dans la série satirique 30 Rock, et plus encore dans Community, lancé en 2009. L’intrigue générale du show diffusé par NBC se déroule sur un campus américain, et s’amuse à parodier les clichés du genre, mobilisant les citations pop et le second degré.

On comprend un peu mieux l’univers musical de Childish Gambino. Non pas qu’il joue tellement sur l’humour et la déconnade absurde. Par contre, on ne peut s’empêcher de lire entre les lignes les différentes influences et références du rappeur. A cet égard, Because The Internet n’est certainement pas le meilleur album de rap de 2013; par contre, il est peut-être celui qui résume le mieux ses différentes tendances, Glover alignant les clins d’oeil plus ou moins assumés. Dès le départ, par exemple, le morceau Crawl et son attaque pesante et abrasive sonnent volontiers comme une chute du Yeezus de Kanye West. Sur le très réussi The Worst Guys, il invite la révélation Chance The Rapper. On pointera aussi cette tendance à jouer sur le clair-obscur, comme le fait un Drake.

C’est aussi parfois la limite de Because The Internet, qui sonne trop de son époque pour paraître tout à fait personnel -sur Sweatpants, Gambino singe quasi le prodige Kendrick Lamar. Pourtant quand il sort des rangs, comme sur Shadows, produit notamment par le bassiste Thundercat, le rappeur-acteur fait régulièrement mouche. Au bout du compte, malgré ses défauts, et son insistance à coller à l’air du temps, il faut reconnaître que le disque ne manque pas d’ambition, multipliant les propositions et les angles d’attaque. Gambino a raison: il ne fera pas tache sous le sapin de Noël.

  • DISTRIBUÉ PAR GLASSNOTE/CAROLINE.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content