Critique | Musique

Billy Nomates, punk et battante

3,5 / 5
Billy Nomates: “Quand j’avais 20 piges, personne ne pouvait me dire quoi que ce soit. Je n’écoutais rien ni personne. Je suis toujours un peu comme ça. Je ne suis pas devenue mature. Mais je grandis un peu. Je comprends dorénavant ce qui est bon pour moi.” © National
3,5 / 5

Album - Cacti

Artiste - Billy Nomates

Genre - Pop

Label - Invada/Pias

Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Billy Nomates, la protégée de Sleaford Mods et de Geoff Barrow, ausculte le malaise post-Covid sur un deuxième album très pop qui pique là où il faut. L’artiste se produira sur scène ce jeudi soir au Botanique.

Regard franc. Cheveux blonds en bataille. Tor Maries est chez elle, à Bristol, où il fait “fucking freezing” en ce milieu du mois de décembre. La jeune femme a le rire facile et l’honnêteté tranquille. Billy Nomates (traduisez paradoxalement par “Billy sans copains”) cause comme si on se connaissait depuis toujours. Elle parle sans honte de ses conneries et de ses doutes, de dépression et de dyslexie. Tor est née et a grandi dans l’agglomération de Leicester, à Melton Mowbray. Une petite ville qui abrite le centre d’entraînement des animaux de l’armée britannique, est connue pour son célèbre bleu (le Stilton) et son Monty Python Graham Chapman. “Je pense qu’il a été dans la même école que moi. On avait une plaque commémorative à son nom dans notre établissement…

Ça n’a jamais été l’endroit où Tor a préféré passer ses journées. “J’ai quitté l’école avec presque rien. J’étais dyslexique et on ne s’en est rendu compte que tardivement. Le système éducatif n’a pas fonctionné avec moi. J’ai pratiquement tout raté. J’ai essayé d’étudier la musique et je me suis plantée. J’ai tenté d’entrer à l’unif et ça n’a pas marché. C’est marrant. Aujourd’hui, j’y participe à des conférences.

Dans son attitude comme dans son approche de la musique, Tor Maries est une rebelle, une punk. Une jusqu’au-boutiste aussi. Même si elle a failli tourner définitivement le dos à son art. “Dans le temps, j’ai eu un groupe. On a signé sur un petit label. Je suppose que j’espérais une vie arty de musicienne. La ville de Bristol a un glorieux passé culturel. Je recherchais le succès dans la musique mais il n’est jamais venu. Donc, à un moment, la musique, je lui ai foutu la paix. Et ça a duré quelques années. Je me disais qu’elle ne me permettrait jamais de gagner ma vie.

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Tor n’est devenue Billy Nomates qu’à l’approche de la trentaine. Après avoir assisté à un concert de Sleaford Mods dans une petite salle de Southampton. “Je me suis pris en pleine tronche leur énergie et leur abandon. Cette manière de présenter leur musique aussi. Pas besoin d’un groupe, de fioritures. Ils faisaient ça à deux. Ça me parlait. Tout à coup, j’ai compris que personne ne ferait les choses à ma place. Que je devais me bouger, me lever le matin pour avancer. Ça a changé ma manière de penser. Je n’ai jamais été la personne forte sur qui on pouvait compter dans l’équipe. J’ai l’impression que j’ai toujours été à deux doigts de me faire virer.

Un an et quelques mois plus tard, Billy Nomates chantait sur le Spare Ribs de Sleaford Mods (l’irrésistible Mork n Mindy) et Jason Williamson figurait sur le premier album de Billy Nomates (la chanson Supermarket Sweep). La bête est sortie sur Invada, le label de Geoff Barrow (Portishead). “Geoff cherche des outsiders et essaie de leur donner de la visibilité. Il aime les gens avec une autre vision de la vie. Avec Invada, il a créé une plateforme où les artistes peuvent venir faire leur propre truc, aussi bizarre soit-il.”

© National

Survivance

Le disque aurait pu comme tant d’autres mourir du Covid. Asphyxié par les confinements. Étouffé dans l’étranglement. “À plusieurs moments, j’ai pensé que c’était game over. Il y a juste une battante en moi qui n’a pas voulu laissé les choses filer. J’ai essayé d’aller aussi loin avec ce disque que je le pouvais. On a bien fait de s’obstiner. Beaucoup de gens en ont parlé. Ils avaient le temps de l’écouter et il était différent…

Différent, son successeur l’est aussi. Fini les sonorités post-punk. Cacti est un disque définitivement plus pop. “Je suis une grande fan des années 80. De groupes comme Depeche Mode et Simple Minds. Ils ont écrit des pop songs explosives pleines d’émotions. Ils repoussaient, épuisaient les limites de technologies primitives. J’aimais beaucoup ça. Mais j’ai aussi grandi avec l’americana. The American Songbook. Tom Petty, James Taylor… J’ai été nourrie par un tas de trucs et je suis aveugle à la question de genre. J’entends juste des chansons. Je suis aussi branchée par l’électronique. Ma musique est le résultat de tout ce qui est passé par mes oreilles et de ce que j’en fais. Je peux aussi bien partir d’une guitare que d’une drum machine.

Cacti, c’est “cactus” au pluriel, mais c’est aussi le nom d’un logiciel conçu pour surveiller l’activité d’un réseau… “Je ne savais pas. C’est intéressant. J’aime bien l’idée. Pour moi, c’était symbolique. Les cactus sont des symboles de survivance. Ils poussent dans le béton, dans des déserts très hostiles et y survivent. Ça résume bien mes nouvelles chansons.Des chansons qui documentent à leur manière le malaise post-Brexit.Les deux dernières années ont quand même été assez sauvages pour les gens. Émotionnellement et mentalement. Je voulais parler de ce qui nous était arrivé à l’intérieur. De comment on avait surmonté tout ça. Avec une approche personnelle de la chose. Ça a vraiment été étrange pour tout le monde. Chacun a eu sa propre expérience de la pandémie et du confinement. Pour moi, ça a été beaucoup de douleur, d’isolement. Et en même temps, j’ai sorti mon premier album, signé un contrat avec une maison de disques. J’ai été confrontée à des émotions très contrastées qui bataillaient les unes avec les autres.”

Les relations humaines ont en tout cas pris un coup dans l’aile. “L’année dernière, on a dû réapprendre à interagir. Retourner aux bases, aux conversations quotidiennes, aux interactions physiques. Ça a été difficile. Et je trouve ça encore compliqué. Parce que je suis une introvertie. Mais aussi parce que les divisions dans notre société se sont accentuées. Avec les vaccins. Avec la politique. Tout le monde est sorti de l’isolement avec un peu plus de haine et de colère qu’avant. J’ai rarement vu les gens avec des opinions aussi diamétralement opposées sur un tas de sujets.” Et Billy de conclure: “C’est autre chose. Dans les textes et dans le son. Je montre une facette plus vulnérable de moi. Certains aimeront. D’autres te diront que je ne suis plus aussi punk qu’avant.

En concert le 14/03 au Grand Mix (Tourcoing), le 06/04 au Botanique (Bruxelles).

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