Arthur H : « Plus ça avance, plus ce monde me paraît obsolète »

Arthur H: “Je n’ai jamais été le chouchou de la classe, plutôt le mec assis au fond, à côté de la fenêtre. Ce qui me va très bien.” © Getty images
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Entre discours intime et récit collectif, les chansons d’Arthur H continuent de cultiver leurs libertés, trouvant l’inspiration dans de larges paysages organiques.

Paris, Maison de la Radio, fin janvier. Face à la Seine, l’immense paquebot de Radio France accueille la deuxième édition de l’Hyper Weekend. Créé par Didier Varrod, le monsieur chanson du service public hexagonal, le festival agite pendant trois jours le cocotier francophone -du rock au rap, de l’hyperpop à l’électro. À côté d’une installation du label Ed Banger, le studio 104 accueille par exemple aussi bien le rappeur Limsa d’Aulnay que la jeune Eloi. Dans les couloirs, on croise également Juliette Armanet venue écouter Philippe Katerine en mode philharmonique, avant de monter elle-même sur scène pour reprendre avec d’autres (Yelle, Biolay, etc.) les chansons de Mylène Farmer. Ces deux derniers concerts sont des créations du festival. Celui d’Arthur H en est une autre. Quelques jours avant la sortie de son nouveau disque, le chanteur a voulu en effet le proposer en avant-première. Et en son immersif.

Ils sont trois sur la miniscène dressée au milieu du Foyer C. Costume blanc et chapeau noir sur la tête, Arthur H est coincé entre les machines d’Hervé Déjardin, “scientifique fou de Radio France” et l’attirail, plus léger, de Léonore Mercier, réalisatrice-plasticienne-musicienne et compagne du chanteur. L’une lance les pistes sonores, l’autre les spatialise. À un moment, un oiseau semble survoler l’assemblée. Plus tard, Léonore Mercier tient une sorte de télécommande et lance des sons aux quatre coins de la salle, entre gadget sci-fi et baguette de sorcière…

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Si le dispositif immersif fonctionne, c’est que les nouveaux morceaux d’Arthur H s’y prêtent particulièrement bien. Dès l’entame de l’album, de lents violons accompagnent les notes de piano sur lesquelles s’étend la voix rocailleuse, reconnaissable entre mille. Plus loin, le bruit du vent ou une averse de cordes figurent les grands espaces. “Pour cet album, j’ai beaucoup composé dans les Landes, avec l’océan juste à côté, raconte l’intéressé, rencontré peu avant le concert. C’est vaste, et surtout c’est très vide. Ça laisse de la place pour l’inspiration et ça donne pas mal d’énergie. D’une certaine manière, l’info est plus pure, moins parasitée.” Plus tard, il explique encore à propos d’un disque aux textures foncièrement organiques: “Il y avait l’envie d’inventer des paysages et de pouvoir se perdre dedans…

Au fond de la classe

L’album -son douzième, si l’on compte bien- s’intitule La Vie. Rien que ça… “J’avoue (sourire). C’est un titre à la fois trop simple et trop large. Mais finalement, il s’est imposé, sans grande explication. Sinon qu’il permettait aussi de contraster avec le précédent.” En 2021, Arthur H publiait Mort prématurée d’un chanteur populaire dans la force de l’âge, musique du spectacle éponyme, créé avec Wajdi Mouawad. La pièce racontait l’histoire d’un chanteur ex-punk sur le déclin, “perdu dans ses rêves et ses désillusions”. “Ça a pu m’arriver. J’ai eu des périodes d’amertume assez fortes. Mais comme, fondamentalement, le malheur est quelque chose d’inutile, j’ai quand même toujours réussi à m’en sortir, en réalisant que ce n’était qu’un système mental, que ça ne correspondait pas forcément à la réalité.”

© National

Avec une discographie inaugurée en 1990, Arthur H a eu le temps de varier les plaisirs, rencontrant plusieurs fois le succès critique et populaire. Mais sans jamais décrocher le tube qui en aurait fait un chanteur mainstream. “En gros, je n’ai jamais été le chouchou de la classe, plutôt le mec assis au fond, à côté de la fenêtre. Ce qui me va très bien. ça correspond aussi à ma nature profonde, j’aime la liberté. Je n’ai pas envie d’être enfermé comme certains chanteurs peuvent l’être, après un immense succès.

Remise en question

Pas de hit qui vous colle à la peau. Ni d’étiquette qui réduit le champ de vision -que ce soit celle de Tom Waits français (la voix) ou de fils de géant (Jacques Higelin). Préférant le “mouvement perpétuel, Arthur H a passé son temps à définir sa propre identité, sans se laisser enfermer, cherchant à préserver la spontanéité de la démarche, sans se répéter. Dans un morceau comme L’Innocence, il chante même: “Toi et moi, on savait qu’un jour, elle reviendrait”. Il serait donc possible, même après plus de 20 ans de carrière, de préserver une certaine naïveté? “Comme vous, ma mère en doutait. Personnellement, je pense pourtant qu’on peut perdre l’innocence et puis la retrouver.

La parenthèse de Mort prématurée… mise à part, La Vie est le premier album d’Arthur H depuis la disparition du paternel, en 2018. Il est évidemment présent sur le disque -via Le Secret, revenant sur l’abus dont Jacques Higelin a été victime gamin. Amie de la famille, Brigitte Fontaine se cache, elle, derrière le morceau Divin blasphème -“Mon ver de terre, ma capricieuse, ma pomme de terre, ma dévoreuse”, détaille Arthur H, entre autres qualificatifs.

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L’horizon de La Vie d’Arthur H ne se limite toutefois pas aux proches et à l’intime. Ici, il évoque de manière très explicite La Folie du contrôle –Je me trompe peut-être, mais j’ai l’impression que, dans le débat qui oppose sécurité et liberté, beaucoup de gens et de politiques n’auraient pas trop de mal à expérimenter une certaine forme de fascisme”.

Ailleurs, c’est l’effondrement général qui est mis en musique. Avec un titre –Titanic– qui en dit long sur la vision qu’en a Arthur H… “Ah ben, il semble assez évident que l’on se trouve dans une sorte d’impasse écologique, culturelle, civilisationnelle, voire métaphysique. Mais je ne suis pas un collapsologue pour autant! J’ai juste le sentiment que l’on arrive dans un moment de grande remise en question du socle d’idées qui a produit tout ce que l’on vit aujourd’hui. Plus ça avance, plus ce monde paraît obsolète et inadapté.” Et comme le fameux paquebot, condamné à disparaître? “Je ne suis pas un grand connaisseur de l’hindouisme, mais je crois savoir que la destruction et la création y sont intimement liées. Donc, oui, aujourd’hui, on prend l’eau. Mais ça va peut-être permettre de changer les perspectives et d’en inventer de nouvelles…”

Arthur H, La Vie (7), distribué par Naïve/Pias. En concert le 30/03 au Cirque Royal, Bruxelles.

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