Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Riders on the storm – Nick Cave, Debbie Harry, Mark Lanegan et autres Raveonettes font revivre le tourmenté Jeffrey Lee Pierce sur base de vieilles sessions d’enregistrement. Bluffant.

Distribué par Glitterhouse Records.

Sans Jeffrey Lee Pierce et son Gun Club, Noir Désir n’aurait jamais existé. Du moins tel qu’il est devenu. Bertrand Cantat vouait un tel culte au Texan… de Los Angeles – » un grand désert puant et emmerdant rempli d’alcooliques« – qu’il s’enferma seul avec sa guitare à 3 heures du matin, en apprenant son décès au printemps 1996, pour enregistrer Song for JLP. Merveilleux hommage à  » l’un des plus grands chanteurs de blues de tous les temps » (Wim Wenders) et, dixit Henry Rollins,  » l’un des mecs les plus compliqués qu’il m’ait été donné de rencontrer, sans cesse tiraillé entre le génie et ses démons. »

Un hommage, We are only riders en est un autre. Grand. Poignant. Vibrant. Tony Cmelik, alias Cypress Grove, y tenait depuis qu’il avait retrouvé, en nettoyant son grenier, une vieille cassette audio estampillée JLP Songs. Soit l’enregistrement de répétitions pour leur album commun Ramblin Jeffrey Lee and Cypress Grove with Willie Love sorti en 1992. Une bande truffée d’inédits inachevés. De chansons à l’état d’ébauche. Nick Cave, Mark Lanegan, The Raveonettes, Debbie Harry, Mick Harvey… Cmelik a trouvé du beau monde, amis, collègue, admirateurs, pour donner vie à ces mélodies orphelines. Le résultat, tantôt apaisé, tantôt possédé, est saisissant. Comment aurait-il pu en être autrement?

Avant tout, Jeffrey Lee Pierce, c’était le cerveau givré, l’âme tourmentée, du Gun Club. Le Gun Club naît à la toute fin des années 70 de la rencontre entre Pierce et Kid Congo Powers.  » Notre idée était de jouer deux ou trois fois et puis de nous séparer. Juste histoire de nous faire payer des verres par les journalistes« , racontera le Kid au NME en 1983. Le succès est au rendez-vous mais KCP est enrôlé par les Cramps pour remplacer Bryan Gregory. Jeffrey enregistre vite et mal une maquette avec le guitariste Ward Dortson. Le temps fera son £uvre. Fire of love, qui comprend notamment une reprise mortelle du Preachin’ the Blues de Robert Johnson, se transformera en album mythique.

Hémorragie

Deux albums et un EP du Gun Club ont déjà fait l’objet de rééditions par Cooking Vinyl fin 2009. A commencer par le redoutable Miami. Miami est aux yeux de Pierce le plus grand mouroir du monde, un cimetière des éléphants déguisé en paradis tropical. L’homme, qui fait des allers-retours répétés entre le studio et l’hosto pour soigner son foie enflé par le bourbon, perçoit son album comme un hymne funèbre. Il s’agit en effet d’un disque possédé par les démons vaudous du rock. Transpirant la fièvre blues. En Europe, la presse voit en le Gun Club les nouveaux Doors. Une désintoxication, quelques musiciens virés (ce ne seront pas les derniers) et un penchant pour le mélange héroïne/cocaïne/alcool plus tard, Pierce et ses nouveaux sbires enregistrent l’EP Death Party. Cinq titres habités qui flirtent en permanence avec la zone rouge. Le retour de Kid Congo Powers et de Terry Graham débouche ensuite sur l’enregistrement de The Las Vegas Story.

Obsédé par la remise en forme, Pierce fait énormément d’exercice mais continue à picoler. Résultat: rupture de la rate.  » Je vais bien. Tout va bien… » Red Rhino, le label du Gun Club, fait faillite. Certains ne s’en seraient jamais relevés. Le groupe survit néanmoins en donnant des concerts. Et en 1990, un fan néerlandais finance une nouvelle maquette. Le Gun Club sortira encore 2 albums avant la disparition de Jeffrey Lee Pierce à 37 ans, des suites d’une hémorragie cérébrale.

Julien Broquet

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