L’heure des Watchmen – Zack Snyder signe une adaptation fidèle du comic book visionnaire d’Alan Moore et Dave Gibbons. Les super-héros ne sont plus ce qu’ils étaient…

De Zack Snyder. Avec Billy Crudup, Matthew Goode, Jackie Earle Healey. 2 h 43. Sortie: 04/03.

îuvre cultissime, The Watchmen, d’Alan Moore et Dave Gibbons (voir aussi notre dossier page 8), est aussi la référence ultime en matière de comic book – le Citizen Kane du roman graphique, pas moins. Une £uvre à ce point touffue, audacieuse et visionnaire qu’elle est longtemps apparue intransposable à l’écran. Ils sont d’ailleurs nombreux à s’y être cassés les dents depuis sa parution au milieu des années 80, et non des moindres, puisque Terry Gilliam, Darren Aronofsky et Paul Greengrass ont tour à tour été associés à des tentatives d’adaptation, sans jamais pouvoir mener l’aventure à son terme.

Héritant du projet, Zack Snyder ( Dawn of the Dead, 300) a eu l’intelligence de s’en tenir aux fondamentaux, en respectant au plus près tant l’esthétique que la teneur de l’£uvre originale. Un formidable générique – 40 ans d’histoire américaine passés à la moulinette des Watchmen au son de The Times They Are A-Changin’, de Bob Dylan -, plonge le spectateur dans le vif du sujet. Nous sommes au c£ur des années 80, dans une Amérique alternative où, sous la cinquième présidence de Nixon et aux pires instants de la Guerre Froide, le monde est livré au chaos et à la perspective de l’épilogue atomique.

C’est dans ces circonstances troubles que les Watchmen, champions de la lutte contre la criminalité ayant remisé depuis longtemps leurs habits de super-héros au placard, refont surface. L’un d’eux, le Comédien, est sauvagement assassiné, et voilà que point le spectre de leur élimination systématique. D’une conspiration, l’autre, toutefois: si les Watchmen se sont autoproclamés gardiens de l’humanité, qui donc pour surveiller les Watchmen, dans un monde engagé dans une course folle à l'(auto)destruction?

Moins cinq avant l’apocalypse

Ce canevas posé, le film impose une architecture narrative aussi complexe que stimulante, en même temps qu’il se joue des canons du genre. Si le monde y est en proie à la déliquescence, les (super?) héros sont à son image: perclus de faiblesses et de failles béantes, psychopathes en puissance autant que justiciers, lâchés sur une Terre dénuée de repères. Tout en noirceur, parano aiguë et ambiguïté, le propos du film n’en apparaît que plus captivant. La première partie de Watchmen est d’ailleurs tout bonnement étincelante, soutenue par une esthétique empruntant largement au film noir, à quoi elle superpose toutefois une irréalité revendiquée.

S’il peine à garder ce cap aussi séduisant que radical sur la longueur, faisant l’une ou l’autre concession aux standards du film de super-héros, en même temps qu’il simplifie un tantinet la portée de l’£uvre de Moore, l’ensemble n’en reste pas moins hautement recommandable; émaillé aussi de fulgurances qui en font un épatant moment de cinéma – la scène de la contamination du Dr Manhattan est, par exemple, un morceau d’anthologie.

Alors qu’il était moins cinq avant l’apocalypse nucléaire dans le scénario imaginé en son temps par Alan Moore, le film de Zack Snyder tombe, lui, à son heure. Dans la foulée du Dark Knight de Christopher Nolan, The Watchmen propulse les (super-)héros à l’âge adulte, leurs zones d’ombre assumées, et leurs interrogations demeurées sans réponses. Définitivement humains, donc, et, à ce titre, tout à fait passionnants…

Jean-François Pluijgers

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content