MICKEY ROURKE BRILLE DANS L’ANNÉE DU DRAGON ET LA MAISON DES OTAGES, DEUX POLARS RÉALISÉS PAR UN MICHAEL CIMINO FRAPPÉ DE DISGRÂCE HOLLYWOODIENNE, ET FAISANT L’OBJET D’UNE RESTAURATION EXEMPLAIRE.

Vingt ans déjà que Michael Cimino réalisait The Sunchaser, son dernier long métrage à ce jour. Dans l’attente d’un hypothétique come-back (aux dernières nouvelles, le réalisateur n’aurait pas abandonné tout espoir d’adapter La Condition humaine de Malraux), Carlotta a l’excellente idée de poursuivre la réédition exemplaire de son oeuvre. Après Heaven’s Gate (Les Portes du paradis), le chef-d’oeuvre absolu du cinéaste aux côtés de The Deer Hunter (Voyage au bout de l’enfer), c’est aujourd’hui à Year of the Dragon de faire l’objet d’une ressortie somptueuse, sous la forme d’un coffret DVD/Blu-ray ultra-collector ajoutant au film restauré les suppléments d’usage, mais aussi un volume de 208 pages qui, sous le titre L’Ordre et le Chaos, réunit présentation, scénario, entretiens d’époque et photos inédites. En un mot comme en cent, un must…

Volonté inébranlable

Ponctuant, en 1985, ce qui devait constituer après-coup son triptyque autour de l’idéal américain, Year of the Dragon est en quelque sorte le film de la deuxième chance pour Michael Cimino, frappé de disgrâce hollywoodienne après l’échec cuisant de Heaven’s Gate -dont on a dit qu’il précipita la faillite de la United Artists, mais aussi du Nouvel Hollywood; beaucoup pour un seul homme, en tout état de cause. Adapté avec le concours d’Oliver Stone du roman éponyme de Robert Daley, le script plonge le spectateur dans les méandres de Chinatown, New York, à la suite de Stanley White (Mickey Rourke), un vétéran hanté par les fantômes du Vietnam, ci-devant flic aussi respecté qu’obstiné. Et qui, convaincu de l’existence d’une mafia chinoise régissant souterrainement un empire du crime et de la corruption, va se lancer dans une croisade visant à mettre les Triades au pas, dût-il pour ce faire semer le chaos et la désolation…

S’appropriant magistralement le sujet, Cimino passe l’Amérique contemporaine au crible d’un polar baroque et sombre, où il orchestre de stupéfiante façon le mano a mano violent entre un parrain nouvelle manière et un flic borderline poursuivant son idéal de justice jusqu’à l’aveuglement (idéalisme dans lequel on peut voir une projection du cinéaste, confiant, en bonus, avoir appris de Clint Eastwood, son mentor, un enseignement essentiel: « Même si la situation est impossible, ta volonté doit être inébranlable »). Un duel culminant fort logiquement dans une scène portuaire renvoyant à la mythologie du western. Et l’un des grands moments d’un film n’en étant pas avare, que rythment une mise en scène éblouissante et le tempo qu’y imprime Mickey Rourke, l’acteur, alors à son sommet, embrasant l’écran de son charme canaille, pour achever de faire de Year of the Dragon une flamboyante réussite… Dans la foulée de Stanley White et de ses méthodes peu orthodoxes, Michael Cimino sera taxé de racisme par une partie de la critique, accusation joliment tournée en dérision dans sa passionnante interview accompagnant le film: « On m’a traité d’homophobe quand j’ai tourné Thunderbolt & Lightfoot; de fasciste d’extrême-droite à l’époque de The Deer Hunter; de marxiste pour Heaven’s Gate, et de raciste pour Year of the Dragon. Est-ce que je peux être tout cela à la fois? Je ne crois pas. » Tout est dit, le procès ne résistant objectivement pas à l’analyse. A 30 ans de distance, Year of the Dragon n’a rien perdu ni en force, ni en fulgurance: un classique.

La rage au ventre

Mickey Rourke retrouvera Michael Cimino cinq ans plus tard pour Desperate Hours (La Maison des otages), remake du film de William Wyler avec Humphrey Bogart; une commande acceptée par un cinéaste sortant du flop retentissant du Sicilien. La classe arrogante du comédien fait ici des ravages, et notamment sur Nancy Breyers (Kelly Lynch), son avocate qui, sous le charme, va organiser l’évasion de Michael Bosworth (Rourke, donc), détenu de droit commun au lourd passé rejoint dans sa cavale par Wally, son frère (Elias Koteas), et Albert, un ami (David Morse). Et le trio de se planquer dans une villa cossue, prenant la famille qui l’occupe en otage.

L’on a certes déjà connu le réalisateur plus inspiré. Pour autant, Desperate Hours (objet d’une restauration HD et présenté par le critique Jean-Baptiste Thoret) n’est pas le navet intégral que ses plus féroces détracteurs ont voulu y voir, en dépit des saccages pratiqués par la production. Si le huis clos est plutôt convenu, il est aussi efficace, malgré un final ayant le don de laisser rêveur. Cimino l’aère surtout d’échappées dans l’espace américain, moments de toute beauté renvoyant à l’essence même de son cinéma, tandis que Rourke trouve un rôle à la mesure de son charisme désabusé. L’un et l’autre connaîtront des lendemains qui déchantent, le cinéaste ne tournant plus que The Sunchaser tout en entretenant sa légende; Rourke effectuant une longue traversée du désert, dont il ressortira cabossé, mais la rage toujours au ventre -voir The Wrestler suffit à s’en convaincre…

YEAR OF THE DRAGON. DE MICHAEL CIMINO. AVEC MICKEY ROURKE, ARIANE, JOHN LONE. 1985. 2 H 15. ED: CARLOTTA. DIST: TWIN PICS. DISPONIBLE EN EDITIONS ULTRA-COLLECTOR ET SIMPLE.

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DESPERATE HOURS. DE MICHAEL CIMINO. AVEC MICKEY ROURKE, ANTHONY HOPKINS, KELLY LYNCH. 1990. 1 H 45. ED: CARLOTTA. DIST: TWIN PICS.

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TEXTE Jean-François Pluijgers

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