L’écran et le ring ont vu Mickey Rourke passer de la gloire à la honte, puis au plus surprenant des come-back. Chronique d’une trajectoire troublée.

Qu’ont bien pu penser ces boxeurs confrontés, dans les années 90, à un adversaire qui avait, quelque temps plus tôt, connu la gloire sur les écrans du monde? Qu’ont-ils bien pu penser en écrasant directs, uppercuts et crochets sur ce visage qui avait fait rêver tant de spectatrices? Et qu’était allé chercher Mickey Rourke sur le ring? Un titre mondial, comme il l’affirma, bravache, au début d’une carrière pugilistique professionnelle entamée à… 39 ans? Une punition masochiste pour payer les erreurs du comédien s’avouant dégoûté de lui-même? Toujours est-il que celui qui boxait sous le pseudonyme d’El Marielito, sous le coaching de Chuck Zito (un Hell’s Angel), disputa une dizaine de combats et les gagna presque tous, ne concédant que 2 matchs nuls. S’il arrêta, en 1995, c’est parce que son corps n’en pouvait plus. Plusieurs opérations au visage lui furent nécessaires, tandis que, ruiné par un train de vie irréaliste, il entamait une thérapie pour chasser ses démons…

Flash-back sur la décennie précédente, quand le natif de Schenectady (dans l’état de New York) semblait promis au plus beau futur cinématographique. Des rôles dans Heaven’s Gate de Cimino, Body Heat de Lawrence Kasdan, Diner de Barry Levinson et surtout l’emblématique et générationnel Rumble Fish de Francis Coppola l’avaient propulsé dans la « short list » des acteurs les plus recherchés. Stuart Rosenberg en fit The Pope Of Greenwich Village, Michael Cimino (encore) le flic de Year Of The Dragon, Adrian Lynne l’amant sado-maso de Nine 1/2 Weeks, Alan Parker le détective privé d’ Angel Heart, et Barbet Shroeder lui donna un de ses meilleurs rôles dans Barfly d’après Charles Bukowski. Le climat éthylique et autodestructeur de ce dernier film était, on allait trop rapidement le savoir, bien plus qu’une excursion fictionnelle. Dans la vie dite « réelle », Mickey Rourke avait des fréquentations quelque peu sulfureuses. Des escrocs, des mafieux, des rappeurs violents, des Hell’s Angels peu commodes, l’accompagnaient dans des dérives nocturnes dont il émergeait parfois difficilement à l’heure de rejoindre les plateaux. Devenu un interprète au comportement craint des producteurs et des réalisateurs, il n’arrangea pas son cas en opérant de mauvais choix artistiques, dont un Wild Orchid plus grotesque que sulfureux, qui allait lui valoir une nomination au Razzie Awards comme « pire acteur de l’année 1990 ». Refuser par ailleurs – comme une rumeur insistante le colporta – le rôle d’Eliot Ness dans The Untouchables de Brian De Palma, ou celui du frère aîné dans Rain Man (Tom Cruise le joua finalement), n’était pas non plus gage de lucidité… Et Mickey s’en alla oublier, sur le ring, ses déboires hollywoodiens. Pour revenir au cinéma au milieu des années 90. On dit qu’il laissa passer le rôle du boxeur dans Pulp Fiction, celui-là même qui offrit son second souffle à Bruce Willis! Il préféra incarner l’ennemi de Jean-Claude Van Damme dans Double Team, ce qui ne laissait guère augurer d’un retour au sommet… Après une suite de seconds rôles alimentaires, c’est son ex-mentor Francis Coppola qui amorça son vrai retour en grâce en lui confiant le personnage de Bruiser Stone dans The Rainmaker. Un Rourke étoffé physiquement et mentalement, toujours doté d’un charisme certain, y démontrait qu’il n’était pas fini. Un autre rôle attachant dans Buffalo ’66 de Vincent Gallo confirmait immédiatement la chose. Mais si ses emplois gagnaient ensuite en crédibilité, aucun ne lui valut de reconnaissance jusqu’à son apparition frappante, à la fois brutale et romantique, dans Sin City. A bientôt 54 ans, Mickey Rourke était enfin prêt à revenir. The Wrestler, le combat de sa vie, l’a donc transformé en… catcheur. Son ring fut celui du Festival de Venise, et la grande finale des Oscars pourrait bien consacrer un retour que peu envisageaient, mais que nous serons nombreux à trouver émouvant.

Entretien Louis Danvers

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