La cigarette n’est plus la bienvenue à l’écran. La série événement Mad Men s’en contrefiche.

Il est loin, le temps des wagons fumeurs (dans lesquels nos copines aux cheveux fraîchement lavés ne voulaient pas nous accompagner). Le temps de la clope au bureau (la cendre évacuée dans un gobelet rempli d’eau brunâtre). Désormais, fumer, c’est sale, c’est moche, c’est paysan, c’est interdit. Alors quand une série US comme « Mad Men » débarque sur nos écrans (à voir sur Be Séries dès le 18/04 à 20 h 30), ça fait l’effet d’une bonne grosse quinte de toux. Le pitch: New York, 60s. Don Draper est cadre dans une boîte de pub. Dans le pilote, le boss de Lucky Strike le charge de rassurer le consommateur échaudé par un article du Reader’s Digest qui soutient que le tabac tue.

Voilà comment le feuilleton plante le décor et les personnages: ceux-ci sont cyniques, sexistes, buveurs, et gros fumeurs. Ils fument dans les bars, au lit, au bureau. Les gynécos fument pendant qu’ils exécutent leurs frottis. Waou. C’est complètement dingue, c’est comme s’ils transgressaient le plus gros tabou du millénaire, tant on a oublié qu’il y a une poignée d’années on clopait à l’envi. Les Mad Men s’enfument, et pourtant, ils sont classes. Beaux, riches…

FUMER UTILE

Comment donc? On ne les cloue pas au pilori? On a beau chercher, on ne trouve aucune trace d’Ayatollahs de la santé à leurs trousses.

Et là, on ne comprend plus rien. Et on réclame le retour de la roulée de Lucky Luke, troquée en 83 contre un brin de paille. Un brin de paille! Sémantiquement, ça fait nonchalant, d’accord. Mais c’est moins indocile.

La campagne généralisée contre le tabac à l’écran tend dangereusement vers le grotesque: par ses méthodes (L’association Smoke Free Movie aurait livré un cercueil à Hollywood pendant les Oscars 2007), et par ses effets.

Puisqu’une étude récente montre que les petits Ricains qui regardent des films où l’on voit des personnages fumer ont plus de chances de commencer que les autres, Disney a promis de bannir le tabac de ses productions. Plus de cigares explosifs ni de pipes au bec des grands-pères, donc. La MPAA, qui décerne les visas d’exploitation des films aux États-Unis, a de son côté décidé de prendre en compte la présence de fumeurs à l’écran pour déterminer à quel public ces bobines s’adressent. Après une plainte à propos d’une scène de clope dans Tom et Jerry, Turner repeint ses épidodes incriminés. Un Québecois recense les films sans fumeurs: http://pages.videotron.com/abc/films-movies. Une sorte d’index du Vatican à l’envers.

On a beau essayer de se défaire de la sèche et trouver que l’association cigarette = virilité est d’un autre âge, on craint que la croisade contre la cibiche, à terme, nuise gravement au ciné et à la télé. Parce qu’à force de javelliser l’écran, on risque de ne plus s’y retrouver. Et qu’il ne faut pas oublier qu’une cigarette est parfois utile pour traduire des émotions. Ou pour camper des personnages. L’imper de Columbo sentant le Soupline, vous n’y pensez pas.

Cela dit, tous les acteurs, toutes les productions ne sont pas logées à la même enseigne. Dans les bars du Minnesota, les fumeurs viennent boire un verre en costume d’époque et en mimant des saynètes, puisque la loi fait une exception pour les comédiens en représentation. It’s a Mad Men’s world!

LA CHRONIQUE DE MYRIAM LEROY

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