John Woo et Ang Lee incarnent les fortunes diverses des cinéastes asiatiques ayant tenté l’aventure américaine.

Hollywood, terre promise? Depuis la naissance d’un septième art dont elle est l’épicentre, la Cité des Anges n’a cessé d’aimanter les talents. Si, pour des raisons historiques et culturelles, les réalisateurs européens sont restés au coeur de ce flux, Hollywood a su se tourner aussi vers d’autres horizons, asiatiques par exemple. Notamment lorsqu’il fallut chercher à la source les tenants du renouveau d’un genre en déclin sur le continent américain, le film d’action.

C’était il y a une quinzaine d’années, et John Woo est le premier d’une série de réalisateurs à répondre aux sirènes des studios, tout auréolé de ses réussites précédentes, Le Syndicat du crime et The Killer. Mythe du cinéma hongkongais, cinéaste de la violence chorégraphiée, loué par Tarantino et une nouvelle génération d’auteurs, Woo est, a priori, taillé pour Hollywood. Sentiment conforté lorsqu’il signe Broken Arrow et, surtout, Face/Off, un succès retentissant. Entre-temps, le style Woo a fait école, au point de presque se banaliser. Et s’il signe une production prestigieuse, Mission Impossible: II, avec la star du moment, Tom Cruise, c’est au détriment de sa touche personnelle d’auteur. Résultat: deux films quelconques plus loin, l’avenir hollywoodien de John Woo apparaît pour le moins incertain.

L’aventure américaine d’Ang Lee est sensiblement différente. Ayant mené une bonne partie de sa carrière aux Etats-Unis, où il a d’ailleurs étudié, ce dernier ne s’est jamais laissé enfermer dans un format ou un système.

HORS FORMAT

Son cinéma, il est vrai, se situe à la croisée des cultures. Qu’il chorégraphie des scènes d’arts martiaux, comme dans Crouching Tiger, Hidden Dragon, ou qu’il s’attaque à un sujet aussi spécifiquement américain que la guerre de Sécession, dans Ride with the Devil, Ang Lee module la matière à sa main. Même Brokeback Mountain n’a de western que les apparences: c’est jusqu’au modèle hollywoodien que le cinéaste s’emploie à détourner. « Irréductible » à un territoire ou un genre, quoique explorateur assidu de la société américaine, comme en témoigne encore Ice Storm, Ang Lee peut se permettre un échec artistique comme Hulk – dispensable superproduction. Et continuer à tourner indifféremment en Asie ou aux Etats-Unis – démonstration aujourd’hui encore avec Lust, Caution, sans que son statut n’en soit aucunement altéré. Si la fortune hollywoodienne est évidemment capricieuse, on y verra aussi un privilège ne devant guère au hasard. Car le plus américain des cinéastes taïwanais est avant tout un auteur singulier…

JEAN-FRANçOIS PLUIJGERS

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