Valet de pique

Roman De Joyce Carol Oates. Traduit de l’anglais (états-Unis) par Claude Seban, éditions Philippe Rey, 224 pages.

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Écrivain à succès de romans à énigme et suspense, Andrew J. Rush mène une vie paisible dans une petite ville du New Jersey. Traduit dans près de 30 langues, l’habitant le plus célèbre de la région se glisse de bonne grâce dans la case que lui a forgée sa réputation, celle de « Stephen King du gentleman ». Pour bondir au-dehors de cette cage confortable, l’honnête père de famille recourt à un alter ego fictif: ainsi, depuis la fin des années 90, le « Valet de pique«  se nourrit d’une écriture plus crue, plus viscérale, voire franchement horrifique: « (…) si je n’avais pas écrit moi-même les romans noirs du Valet de pique, ils m’inspireraient de la répulsion. » Bâti sous le sceau du secret, cet équilibre précaire commence à vaciller lorsqu’une voisine, Madame Haider, l’accuse d’avoir plagié ses romans autopubliés. Plus gênant encore, sa fille le presse de questions après avoir découvert des traces autobiographiques dans la prose de son double. Tout cela n’est pas du tout du goût de ce dernier, dont la petite voix insidieuse se fait de plus en plus pressante: « Cela ne me plaît pas. Et cela ne devrait pas te plaire non plus. » À 79 ans, la prolifique Joyce Carol Oates signe un thriller corsé et élégant, tempête sous un crâne où les pièces du puzzle s’assemblent en un patient crescendo. Ainsi, à défaut d’être neuf, le thème de la dualité mentale de l’écrivain, son jeu de masques, englue son lecteur dans une toile savamment tissée. « Nous aurons sa peau. » Débuté presque innocemment -on n’est jamais à l’abri d’un coup de hache- Oates n’aime rien tant que de plonger des fous dangereux dans le calme apparent du foyer. Les lecteurs de Stephen King se délecteront d’un jeu de dupes où l’auteur de Shining n’est jamais bien loin. « Oui, mais ils ne sauront pas. C’est notre secret. »

F.DE.

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