LE RÉALISATEUR DE IL DIVO INVESTIT ROME SUR LES PAS D’UN ÉCRIVAIN DÉSABUSÉ ET MÉLANCOLIQUE S’INTERROGEANT SUR LE SENS DE SON EXISTENCE. ET ATTEINT À LA GRANDE BELLEZZA.

La Grande Bellezza

DE PAOLO SORRENTINO. AVEC TONI SERVILLO, CARLO VERDONE, SABRINA FERILLI. 2 H 17. DIST: TWIN PICS.

8

« Je me flatte d’être un gentleman. Ne me gâche pas ma seule certitude », observe, chemin faisant, Jep Gambardella, protagoniste central de La Grande Bellezza, le dernier opus de Paolo Sorrentino -Oscar du meilleur film étranger parmi d’autres distinctions. Revenu d’une escapade américaine guère concluante (This Must Be the Place, avec Sean Penn, bouffon), le réalisateur italien renoue là avec ses fondamentaux, retrouvant son acteur fétiche, Toni Servillo, tout simplement extraordinaire, pour une déambulation romaine de toute beauté; cette « grande bellezza » qui terrasse, d’entrée de film, un touriste japonais. Et que n’a cessé de traquer, depuis 40 ans, Gambardella, repoussant en conséquence l’écriture du successeur à L’Appareil humain, son unique roman, unanimement célébré. Faute de quoi, l’homme s’est composé un personnage sur mesure de journaliste mondain doublé d’un séducteur patenté, organisant des soirées courues par le tout Rome sur sa terrasse dominant le Colisée, et portant, pour sa part, un regard détaché sur les êtres et les choses. Et le film de l’accompagner dans son flirt, assidu et lucide, avec la vacuité.

E solo un trucco

Baroque et même pompier, assumant l’héritage du cinéma de Fellini en général, et de La Dolce Vita et Roma en particulier, le film que signe Sorrentino à sa suite est rien moins que fascinant. Si elle semble dans un premier temps devoir ployer voire rompre sous les coups d’une virtuosité démonstrative et criarde, La Grande Bellezza adopte bientôt, sous les dorures et les clameurs de fêtes qui déjà déchantent, les contours d’une errance profondément troublante. Jouisseur désabusé, revenu de tout et surtout de lui-même, Jep Gambardella emmène ainsi le film en terrain existentiel, flirtant avec le néant et interrogeant le sacré dans un même élan. Et de se laisser gagner par la mélancolie qui s’insinue avec le temps qui fuit, alors qu’alentour, le monde vacille, presque imperceptiblement, en une perspective vertigineuse ouverte par cette vacance romaine. Partant, le réalisateur atteint à une vérité intime aux accents universels, questionnant la condition humaine de façon singulièrement pénétrante. « In fondo, è solo un trucco », observera Gambardella, en conclusion au voyage; une invitation à la méditation à laquelle l’on s’abandonne volontiers.

Modestes, les compléments n’en prolongent pas moins discrètement le plaisir du film. Le making of qui n’en est pas tout à fait un, mais plutôt une promenade romaine sur les traces du tournage, réussit ainsi à restituer cette indicible impression de grande bellezza, en effet…

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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