Avec Up, le studio de John Lasseter s’essaye à la 3D, non sans proposer une histoire peu banale, celle d’un vieil homme acariâtre s’envolant pour l’aventure de sa vie. Récit en compagnie de Pete Docter, réalisateur, et de Jonas Rivera, producteur.

Dixième long métrage produit par Pixar, Up (Là-haut) marque assurément un cap pour le studio d’animation, qu’il fait, parmi d’autres évolutions sensibles, entrer dans l’âge de la 3D. Après avoir eu l’honneur de l’ouverture du festival de Cannes, le film repassait les plats à la Mostra de Venise, où il était, aux côtés des versions 3D de Toy Story 1 et 2, intégré à un vaste programme Pixar, en marge du Lion d’or octroyé à John Lasseter, l’une des têtes pensantes de la Mecque de l’animation. L’occasion de rencontrer Pete Docter, le réalisateur de Up, flanqué pour la circonstance de Jonas Rivera, son producteur – l’un et l’autre piliers d’un studio où ils ont fait leurs classes, Docter réalisant au passage Monsters & Cie.

Pourquoi avoir fait d’un vieil homme bougon le personnage central du film?

Pete Docter: Il est toujours difficile d’établir comment a pu germer ce type d’idée. Bob Peterson, le coauteur, et moi-même apprécions ces personnages d’hommes âgés grincheux, il y a là un potentiel comique évident, d’ailleurs exploité dans divers cartoons. En travaillant sur cette idée, nous avons aussi réalisé qu’elle recelait un grand potentiel d’émotion. C’est là que nous avons pensé à la relier à une autre de nos idées, celle d’une maison flottante, qui devait à l’origine être une ville flottante. Le développement d’un film est un processus désordonné et absolument pas linéaire. En expliquer le cheminement est extrêmement difficile…

Le monde dans lequel cet homme a vécu est fort différent de celui qu’il déserte, victime notamment de la fièvre urbanistique. S’agissait-il pour vous de produire un commentaire sur notre époque?

PD: Il n’y a pas d’intention de cet ordre. Les gens vont voir un film pour oublier le monde et se détendre. Mais quand nous avons l’opportunité de glisser quelque chose de véridique sur le monde, pourquoi pas? Au départ, cet élément est nécessaire pour propulser Carl: pourquoi s’envole-t-il avec sa maison? Parce que sa femme est morte, que le monde a changé, et qu’il n’a rien à quoi se raccrocher à l’exception de cette maison, pour entretenir son souvenir. Il fallait donc que le monde, dans son ensemble, soit différent. C’est alors que nous avons réalisé que c’est ce qui se produisait partout, à l’exception de Venise (rires): le monde change, on y met des McDonald’s, il n’y a pas de sens de l’Histoire, tout est neuf, en particulier en Amérique. Il s’agit simplement pour nous de refléter ce qui se passe dans le monde réel, en espérant que les gens y soient sensibles.

La première partie de Up est profondément mélancolique, et ne s’appuie pratiquement que sur l’émotion. Un pari audacieux?

PD: Il est important de garder à l’esprit certains des films que l’on a appréciés enfant, comme Dumbo ou It’s a Wonderful Life. On y trouve toujours cet équilibre entre un côté drôle et distrayant, et un autre, fondé et ressenti en profondeur. C’est ce à quoi nous aspirons, un peu en écho aux films avec lesquels nous avons grandi. J’ai la conviction que le public attend toujours cela: ce n’est pas parce qu’il y a tous ces films au rythme soutenu que les gens ne veulent plus être liés émotionnellement à ce qui se produit à l’écran.

La perspective de la 3D a-t-elle affecté l’histoire, en termes d’action, notamment?

PD: Honnêtement, non. Nous avions développé le projet, et étions en production depuis plus de trois ans lorsque cette éventualité s’est présentée. Nous avons approché Up comme un film traditionnel en termes d’histoire, de film, ou de personnages. Lorsque John Lasseter a suggéré qu’on le tourne en 3D, nous avons réuni un groupe qui a accompagné le processus, et à qui nous avons confié les séquences arrivées à un certain degré de production. Nous avons aussi évoqué les moments où il nous paraissait judicieux d’utiliser la 3D émotionnellement, qu’il s’agisse de comprimer l’espace pour que Carl se sente claustrophobe, ou de l’étendre pour faire ressentir la profondeur lorsque sa maison s’en va en flottant. Cela mis à part, nous avons simplement tourné un film, et laissé au groupe 3D le soin de s’occuper du relief.

Jonas Rivera: Notre médium, l’animation numérique, est tridimensionnelle par essence. Avant de travailler sur Up, nous avons fait un test sur Ratatouille, en prenant 5 minutes du film pour voir comment la conversion en 3D pourrait fonctionner, et c’était concluant. Nous avons procédé de la même manière pour Up, un film que nous avons fait comme nous savons les faire, et c’était juste comme s’il était prêt pour la 3D. Nous avons simplement établi des paramètres afin que les spectateurs n’attrapent pas mal à tête – trop de 3D les aurait conduits à retirer leurs lunettes après 10 minutes, ce qui n’était certainement pas le but recherché. L’idée, c’était de pouvoir regarder Up en 2D ou en 3D et d’y prendre le même plaisir, même si en 3D, l’expérience est plus proche de l’immersion.

Y a-t-il une série de règles à suivre pour obtenir un bon film Pixar?

PD: Pas vraiment. La seule règle, c’est de faire un film que nous ayons envie de voir. Nous sommes les réalisateurs, mais aussi les premiers spectateurs de nos films. Et nous essayons de nous faire plaisir. Jusqu’ici, notre instinct s’est avéré fiable. Je sais que si j’arrive à faire rire John Lasseter et Andrew Stanton, je suis dans le bon. Mais il n’y a aucune liste de règles établies. Une partie du plaisir tient justement au fait que dès qu’une règle apparaît, nous cherchons un moyen de nous en affranchir.

Rencontre Jean-François Pluijgers, à Venise

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