Une France mal armée

© sife elamine/mandarin television

Cœurs noirs propose un récit immersif, au cœur du quotidien d’une unité des forces spéciales françaises dans l’enfer de Mossoul.

Irak, 2016. À l’initiative des États-Unis, l’armée française est engagée depuis deux ans dans la lutte contre Daesh. Dans la région de Mossoul, alors en ébullition, une unité spéciale menée par les officiers Martin Manzard (Nicolas Duvauchelle) et Adèle Brockner (Marie Dompnier), sous la houlette du commandant Philippe Roques (Thierry Godard), recherche activement les ressortissants ayant rallié le djihad et les forces du califat autoproclamé. Après avoir mis la main sur une figure-clé de l’organisation terroriste, les militaires acceptent un odieux chantage: en échange de sa pleine et entière collaboration, ils devront exfiltrer du nid de frelons sa fille et son petit-fils.

Les scénaristes Corinne Garfin et Duong Dang-Thai ont fait leurs griffes au sein du Bureau des légendes. À la complexité des rapports hiérarchiques, des alliances de circonstance et des jeux de masques s’ajoutent dans Cœurs noirs les tensions d’un esprit de corps qui résiste tant bien que mal à une mission aux frontières du suicide et de l’irréaliste. Le scénario multiplie les efforts pour cerner l’humain, cette matière broyée immanquablement par les rouages de la machine belliqueuse. On pourra trouver quelques similitudes avec Generation Kill (David Simon, 2008), mais on songera plus sûrement à Sentinelles, de Thibault Valetoux et Frédéric Krivine, qui suivait il y a quelques mois la mission antiterroriste d’une unité française au cœur du Mali dans le cadre de la mission Barkhane. Au tour de Prime Video donc de dégainer avec Cœurs noirs sa propre série embedded dans la grande muette, comme pour accentuer l’impression d’une tendance lourde à venir.

© National

Question guerre propre et ingérence, Cœurs noirs est encore pétri des illusions de grandeur de la France. La série fouille dans les décombres d’un pays ravagé, dans le chaos ensablé, à la recherche d’un “art de la guerre” made in France, un mode opératoire qui lui permettrait de poser cette note singulière dans le concert des grandes puissances. Un héritage gaullien qui en réalité n’existe plus vraiment depuis que le président Sarkozy a aligné la stratégie militaire sur celle de George W. Bush et de l’Otan, tournant le dos à des décennies d’un relatif non-alignement. Pour mettre en image cette spécificité française, la production est allée chercher Ziad Doueiri, dont le style ombrageux avait contaminé avec bonheur la série Baron noir, mais dont les influences hollywoodiennes (il a bossé avec Tarantino) reviennent ici en force, poussées par la nécessité de l’action, de l’immersion. Ce curieux mélange, porté par un casting resserré, fonctionne pour ériger les scènes de combats, moins pour dresser le tableau d’une exception culturelle militaire.

Cœurs noirs

Une série créée par Corinne Garfin et Duong Dang-Thai. Avec Nicolas Duvauchelle, Marie Dompnier, Tewfik Jallab. Disponible sur Prime Video.

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