Guy Verstraeten
Guy Verstraeten Journaliste télé

21.50 LA UNE

DE ROGER BEECKMANS.Ce n’est pas la première fois que l’humaniste Roger Beeckmans installe sa caméra dans une salle de classe. Avec Une leçon de tolérance, il s’était déjà essayé à l’exercice, mais dans une école primaire. Ici, les corps ont poussé et les voix ont mué: on s’immerge dans un établissement secondaire de Schaerbeek, en Région bruxelloise. Dès les premiers plans, le ton est donné: la mer, les antennes paraboliques sur les toits, le marché aux accents orientaux et les foulards, que les jeunes filles abandonnent à l’entrée de l’école. On parlera donc immigration et religion au cours de cette cinquantaine de minutes, pas de doute. De fait, l’immersion dans les classes de cette école démarre par un cours de religion islamique, où le jeûne du Ramadan s’invite au centre des conversations. La suite du documentaire est à l’avenant. En vrac: créationnisme, place de la femme, mariage, sans-papiers, conflit israélo-palestinien, etc.

Ce que la RTBF nous vend comme un film où le « réalisateur dépasse les clichés et les discours entendus mille fois pour développer une autre réalité, plus sensible » est en réalité un documentaire qui plonge dans la soute à clichés pour s’en coller partout, au point de s’étouffer avec. Pas que les réactions des adolescents soient inintéressantes en soi, au contraire, mais il est symptomatique de vouloir, une fois de plus, faire réagir des gamins immigrés ou descendants d’immigrés sur des questions liées à cette facette de leur personnalité. Comme s’il fallait absolument se convaincre qu’eux aussi peuvent être ouverts ou, au contraire, suintent la fermeture d’esprit. Le détournement de clichés aurait été, au contraire, de les suivre entre copines, entre copains, pour écouter ce qu’ils ont réellement à dire quand on ne les oblige pas à disserter sur des sujets qu’ils maîtrisent manifestement encore sommairement.

« LE MAROC, C’EST TAHITI »

Restent quelques traits d’esprits bien envoyés –  » C’est facile de presser une orange et de laisser les pelures sur le côté, sans s’en occuper », lance un gamin, parlant de l’immigration incitée en Belgique – et d’autres prises de position étonnantes pour qui n’a plus côtoyé une partie de la jeunesse bruxelloise depuis la Coupe du Monde 1990 -« Maintenant, quand on retourne au Maroc, c’est pire qu’ici, c’est Tahiti! L’islam est mieux ici que là-bas! », juge une jeune fille voilée. Restent aussi quelques bonnes infos glanées ci et là, comme ces ados albanais pour qui la religion serait moins un obstacle au mariage qu’une différence de nationalité. Mais dans l’ensemble, Roger Beeckmans n’arrive malheureusement pas à se départir de ce bon vieux schéma où l’on écoute les jeunes, de préférence immigrés, que sur des thèmes incrustés artificiellement dans l’arène de ces vies adolescentes autrement plus riches que ces très attendus « ma fille n’aura pas de copain avant le mariage! ».

Guy Verstraeten

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content